Traitement du paludisme : les avancées

Interview d’Emmanuel Baron, directeur médical à Médecins Sans Frontières.

Quelle part le paludisme représente-t-il dans notre activité ?
La majorité des patients qui viennent en consultation dans nos programmes sont atteints de paludisme. Dans les différents pays où nous intervenons, nos équipes ont donné, en 2006, près de 1,6 million de consultations et distribué, après confirmation du diagnostic, plus de 233 300 traitements contre le paludisme. Toutes sections confondues, Médecins Sans Frontières a traité, en 2006, plus de deux millions de patients à travers le monde.
Il faut savoir que la créature la plus dangereuse en Afrique est le moustique qui, par une simple piqûre, transmet le parasite du paludisme. Et les enfants en sont les premières victimes. Ils représentent en Afrique 75% des personnes mortes du paludisme.

Des progrès ont-ils été enregistrés dans le traitement contre le paludisme ?
En matière de dépistage, nous avons introduit, en 2001, le paracheck qui est un test diagnostique, efficace et rapide (voir la vidéo de présentation du Paracheck). De plus, nous faisons maintenant un dépistage systématique des patients les plus vulnérables, en particulier de tous les enfants atteints de malnutrition, et une confirmation diagnostique avant de les mettre sous traitement ACT. Car nous utilisons désormais des traitements combinés à base d'artémésinine, dits ACT, au lieu de la chloroquine qui est devenue totalement inefficace.

Par ailleurs, une combinaison ACT qui réunit les deux produits dans un même comprimé a été mise sur le marché en mars dernier. Autres avantages de ce nouveau médicament, il est à dose identique pour chaque catégorie de patients (enfants, adultes) et son prix est très faible : un demi dollar par traitement pour un enfant et un dollar pour un adulte. Enfin il n'est pas breveté et peut être produit par n'importe quel fabricant (voir la vidéo de présentation de l'ASAQ).

Le paludisme reste néanmoins un fléau dans la zone intertropicale. Chaque année, il fait entre 1,5 et 2,4 millions de morts dans le monde. Que faut-il faire face à cela ?
Géographiquement, les zones où sévit l'épidémie de sida se superposent aux zones de forte endémie palustre. Ainsi, 44% des 43 pays de l'Afrique subsaharienne avec une endémie palustre ont une séroprévalence au VIH supérieure à 10%. Le combat contre le paludisme doit aussi comporter un volet prévention, notamment en améliorant les systèmes d'alerte précoce, comme l'a fait Epicentre cette année au Kenya, après des inondations.
Pour ce qui est des outils diagnostiques, il faut tester de nouveaux tests rapides qui soient plus spécifiques, sensibles et pratiques à utiliser (une étude est en cours pour un nouveau test).

Bien que l'OMS ait recommandé l'utilisation de combinaisons à base d'artémésinine, la politique de santé est très variable d'un pays à l'autre. De plus, les protocoles recommandés au niveau national ne sont pas toujours appliqués localement. Il faut donc travailler avec nos partenaires des ministères de la santé pour développer, dans les postes de santé périphériques, l'utilisation des tests de confirmation rapide et des combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine.

Par ailleurs, si les pays peuvent bénéficier d'une aide financière à l'achat d'ACT, un appui technique reste parfois nécessaire (en matière de formation et d'information).

Les enfants et les femmes enceintes sont très exposés en particulier dans les pays à double endémie VIH et paludisme.
Oui, la majorité des patients atteints de paludisme ont moins de cinq ans. Et le paludisme est la maladie qui tue le plus les enfants hospitalisés. De plus, le paludisme est un facteur de mortalité néonatale. Les femmes enceintes sont en effet très exposées dans les pays à double endémie, sida et paludisme. Elles ont un taux sanguin plus élevé de parasites responsables d'anémies sévères et elles donnent naissance à des enfants de plus petit poids.

Pour protéger les femmes enceintes, il faut généraliser l'utilisation de moustiquaires ou de matelas imprégnés dans les maternités et prescrire un traitement préventif intermittent, car cette piste semble prometteuse.

Enfin, pour le traitement des enfants, nous devons appuyer la production et l'utilisation de co-formulations adaptées (en dose unique, en sirop ou suppositoire, avec un goût acceptable) et bon marché. Il serait bon aussi de prendre en charge de manière plus précoce pour les enfants les plus gravement atteints et d'introduire l'utilisation de l'artésunate en suppositoire ou en intraveineuse ou de l'arthemeter par voie intramusculaire.

Notes

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