Quelle part le paludisme représente-t-il dans notre activité ?
La majorité des patients qui viennent en consultation dans nos
programmes sont atteints de paludisme. Dans les différents pays où nous
intervenons, nos équipes ont donné, en 2006, près de 1,6 million de
consultations et distribué, après confirmation du diagnostic, plus de
233 300 traitements contre le paludisme. Toutes sections confondues,
Médecins Sans Frontières a traité, en 2006, plus de deux millions de
patients à travers le monde.
Il
faut savoir que la créature la plus dangereuse en Afrique est le
moustique qui, par une simple piqûre, transmet le parasite du
paludisme. Et les enfants en sont les premières victimes. Ils
représentent en Afrique 75% des personnes mortes du paludisme.
Des progrès ont-ils été enregistrés dans le traitement contre le paludisme ?
En matière de dépistage, nous avons introduit, en 2001, le paracheck qui est un test diagnostique, efficace et rapide (
voir la vidéo de présentation du Paracheck).
De plus, nous faisons maintenant un dépistage systématique des patients
les plus vulnérables, en particulier de tous les enfants atteints de
malnutrition, et une confirmation diagnostique avant de les mettre sous
traitement ACT. Car nous utilisons désormais des traitements combinés à
base d'artémésinine, dits ACT, au lieu de la chloroquine qui est
devenue totalement inefficace.
Par ailleurs, une combinaison
ACT qui réunit les deux produits dans un même comprimé a été mise sur
le marché en mars dernier. Autres avantages de ce nouveau médicament,
il est à dose identique pour chaque catégorie de patients (enfants,
adultes) et son prix est très faible : un demi dollar par traitement
pour un enfant et un dollar pour un adulte. Enfin il n'est pas breveté
et peut être produit par n'importe quel fabricant (
voir la vidéo de présentation de l'ASAQ).
Le
paludisme reste néanmoins un fléau dans la zone intertropicale. Chaque
année, il fait entre 1,5 et 2,4 millions de morts dans le monde. Que
faut-il faire face à cela ?
Géographiquement, les zones où sévit l'épidémie de sida se superposent
aux zones de forte endémie palustre. Ainsi, 44% des 43 pays de
l'Afrique subsaharienne avec une endémie palustre ont une
séroprévalence au VIH supérieure à 10%. Le combat contre le paludisme
doit aussi comporter un volet prévention, notamment en améliorant les
systèmes d'alerte précoce, comme l'a fait Epicentre cette année au
Kenya, après des inondations.
Pour
ce qui est des outils diagnostiques, il faut tester de nouveaux tests
rapides qui soient plus spécifiques, sensibles et pratiques à utiliser
(une étude est en cours pour un nouveau test).
Bien que l'OMS
ait recommandé l'utilisation de combinaisons à base d'artémésinine, la
politique de santé est très variable d'un pays à l'autre. De plus, les
protocoles recommandés au niveau national ne sont pas toujours
appliqués localement. Il faut donc travailler avec nos partenaires des
ministères de la santé pour développer, dans les postes de santé
périphériques, l'utilisation des tests de confirmation rapide et des
combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine.
Par ailleurs,
si les pays peuvent bénéficier d'une aide financière à l'achat d'ACT,
un appui technique reste parfois nécessaire (en matière de formation et
d'information).
Les enfants et les femmes enceintes sont très exposés en particulier dans les pays à double endémie VIH et paludisme.
Oui, la majorité des patients atteints de paludisme ont moins de cinq
ans. Et le paludisme est la maladie qui tue le plus les enfants
hospitalisés. De plus, le paludisme est un facteur de mortalité
néonatale. Les femmes enceintes sont en effet très exposées dans les
pays à double endémie, sida et paludisme. Elles ont un taux sanguin
plus élevé de parasites responsables d'anémies sévères et elles donnent
naissance à des enfants de plus petit poids.
Pour
protéger les femmes enceintes, il faut généraliser l'utilisation de
moustiquaires ou de matelas imprégnés dans les maternités et prescrire
un traitement préventif intermittent, car cette piste semble
prometteuse.
Enfin, pour le traitement des enfants, nous devons
appuyer la production et l'utilisation de co-formulations adaptées (en
dose unique, en sirop ou suppositoire, avec un goût acceptable) et bon
marché. Il serait bon aussi de prendre en charge de manière plus
précoce pour les enfants les plus gravement atteints et d'introduire
l'utilisation de l'artésunate en suppositoire ou en intraveineuse ou de
l'arthemeter par voie intramusculaire.