Trois ans après l'urgence, les enjeux de la reconstruction

Un an après l'élection d'Ellen Sirleaf Johnson à sa présidence, plus de trois ans après les accords de paix, le Liberia est en phase de transition. Les ONG d'urgence humanitaire se retirent progressivement tandis que les autorités sanitaires libériennes appuyées par des organismes de développement doivent désormais prendre la relève. A la veille de la réunion des principaux bailleurs de fonds - les 13 et 14 février 2007 à Washington - pour décider des moyens alloués pour la phase de reconstruction, Jérôme Mouton, chef de mission de Médecins Sans Frontières au Liberia, explique les enjeux dans le domaine de la santé.
Quatorze années de guerre civile ont très largement détruit le système de santé du Liberia. Plusieurs sections de Médecins Sans Frontières sont présentes dans le pays, notamment à Monrovia, la capitale. Parce qu'aucune structure publique n'était en mesure d'y assurer des soins secondaires de qualité, MSF y a ouvert trois hôpitaux. Par exemple, en novembre 2003, après de violents combats, les équipes de la section française de MSF avaient transformé une école en hôpital, dans le quartier de Mamba Point.

Plus de trois ans se sont écoulés depuis la fin des combats. Désormais, nous voyons les capacités d'accueil et la qualité des soins de l'hôpital public JFK s'améliorer rapidement. Nous avons donc décidé, en concertation avec le ministère de la santé du Liberia et avec les responsables de l'hôpital JFK, de cesser en juin nos activités à Mamba Point - même si une autre organisation envisage de les reprendre. En revanche, les deux autres hôpitaux de Médecins Sans Frontières à Monrovia restent pour l'instant ouverts.




Une patiente à l'hôpital MSF de Mamba Point
Trois ans après la fin de la guerre, un an après les élections présidentielles, le Liberia est dans une phase de reconstruction. Dans le domaine de la santé, l'aide bilatérale et des bailleurs institutionnels doit prendre le relai des organisations humanitaires. Dans ce contexte, MSF va cesser en juin ses activités à l'hôpital de Mamba Point, à Monrovia.






Du contexte de post-conflit à la reconstruction
De même, dans le Lofa, nous menons depuis février 2004 des activités de consultation et d'hospitalisation. Cette région au nord du pays a été très durement touchée par la guerre et inaccessible aux ONG pendant le conflit. Quand nous avons ouvert notre projet, nous étions quasiment la seule offre de soins disponible.

Depuis, à Kolahun, les agences des Nations unies ont reconstruit l'hôpital public et nous sommes en passation de nos activités avec l'ONG International Rescue Comittee (IRC). A Foya, l'ONG suédoise PMU a réhabilité l'ancien hôpital et y propose gratuitement consultations et hospitalisations. Nous allons donc cesser nos activités dans le Lofa dans les prochains mois.

Soyons clair, même si la situation s'améliore, l'offre de soins reste insuffisante par rapport aux besoins médicaux de la population. Mais les enjeux ont changé et les hôpitaux privés ouverts par MSF en phase d'urgence n'y répondent plus. Maintenant s'ouvre la phase de reconstruction. Un autre type d'aide est nécessaire.
Le système public manque de moyens
Aujourd'hui encore, la majeure partie des structures fonctionnelles sont gérées par des organisations humanitaires ou confessionnelles. En dehors, l'accès aux soins n'a progressé que très lentement depuis les accords de paix, il y a trois ans, car le système public de santé manque de moyens. Les ressources humaines y sont nettement insuffisantes, mais pourront être renforcées par le personnel qualifié, motivé, qui travaille au Liberia pour des ONG ou qui vit encore à l'étranger. Les gros manques, ce sont des bâtiments en bon état, des lits, des médicaments, etc. Par exemple, l'hôpital public JFK, à Monrovia, est maintenant opérationnel mais des étages entiers n'ont pas été encore réhabilités.

Les autorités libériennes semblent avoir placé la question de la santé dans leurs priorités. Avec 7,7 millions d'euros, le ministère de la Santé est le premier poste budgétaire du pays ! Mais cela reste très insuffisant au regard des besoins. Les ONG médicales disposent, au total, de moyens financiers quatre fois plus importants ! Et en 2005, toutes sections confondues, Médecins Sans Frontières a dépensé plus de 13 millions d'euros pour ses projets au Liberia.
Les priorités de la communauté internationale
Les autorités libériennes ont la volonté, mais pas les moyens. Le pays dépend encore largement de la communauté internationale. Et les priorités de la communauté internationale ont été jusqu'ici, quasi-exclusivement, la sécurité et la relance de l'économie via des investissements de grandes compagnies internationales. A la conférence de Washington, nous verrons si les principaux bailleurs de fonds se mobilisent pour donner au pays les capacités de reconstruire. Cette phase est du ressort de l'aide bilatérale et des bailleurs institutionnels, et non plus des organisations humanitaires.

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