Ukraine : Debaltseve, une ville dévastée par les combats

Debaltseve  Immeubles détruits par les combats
Debaltseve - Immeubles détruits par les combats © MSF/Olivier Antonin

Une équipe MSF s’est rendue à Debaltseve le 21 février, trois jours après la prise de cette ville de l’est de l’Ukraine par les rebelles. Elle y apporte des secours médicaux et évalue les besoins. Olivier Antonin, coordinateur d’urgence MSF qui faisait partie de cette équipe, raconte ce qu’il a vu dans cette ville dévastée.

« Quand nous sommes arrivés à Debaltseve, nous avons vite vu que les combats avaient été très intenses. Le pont menant au centre est cassé, il faut faire demi-tour. La ville semble désertée. On se demande s’il reste encore des gens dans ces petites maisons, les fenêtres ont volé en éclats. Des branches d’arbres ont été arrachées par les explosions. Des lignes à haute tension sectionnées pendent au vent. Les toitures sont totalement transpercées. Nous trouvons une route qui mène vers les voies ferrées. Pour les traverser, nous passons sous un tunnel où sont visibles d’autres traces de la guerre, des débris de pommes de terre et des boites de conserve vides jonchent le sol.

Quand nous approchons du centre, nous entrons dans une ville qui a l’air habité. Sur la grande place, il y a de la vraie vie, des gens qui cherchent quelque chose, qui errent. Ce qui choque, c’est le regard hagard de ces gens, ils sont sidérés. Ils osent avoir la honte de demander parce qu’ils n’en peuvent plus. Ils demandent calmement : « Où est-ce possible de trouver des médicaments ? Comment transporter mon parent qui est incapable de se déplacer ? »

Le réseau téléphonique est hors service. Impossible d’organiser les choses à distance, il faut être là. Il ne reste plus que trois médecins dans tout Debaltseve, le médecin-chef d’un des deux hôpitaux de la ville et deux médecins qui consultent dans l’unique poste médical qui a été improvisé au rez-de-chaussée d’un bâtiment donnant sur la place. Nous transbordons dans un autre véhicule les cartons de médicaments (des kits pour le traitement de blessés et pour les soins de santé primaires ainsi que du petit matériel médical à usage unique) que nous avons apportés avec quelques miches de pain. Nous le faisons discrètement. Pour éviter de déclencher des mouvements de foule, nous plaçons les véhicules « popka k popke » comme ils disent, c’est-à-dire « cul-à-cul » en français. Précaution peut-être superflue. Un peu plus loin sur la place, les gens attendent leur tour très calmement pour recevoir des produits alimentaires qui sont distribués dans ce qui était, il n’y a pas bien longtemps, un supermarché.

Quand nous revenons le lendemain, la distribution d’huile, de sucre, de conserves, de riz… se poursuit. Les jours suivants, ce sont des couvertures, des produits d’hygiène, des bougies, des films en plastique pour boucher les fenêtres… Car il fait froid, des plaques de neige recouvrent le sol par des températures inférieures à zéro. Pour donner à manger un plat chaud, les nouvelles autorités ont installé une cuisine roulante sur la grand place. On y prépare de la kacha traditionnelle de sarrasin. Du thé chaud également est servi. Tout à côté, un générateur fournit de l’électricité. Là aussi, les gens attendent tranquillement de pouvoir recharger leur téléphone portable ou leur lampe torche. « On n’a pas d’électricité, on n’a pas d’eau. L’eau, il faut aller la chercher dans des puits » nous expliquent des femmes.

Avant le conflit, la ville de Debaltseve comptait 25 000 habitants. Combien en reste-t-il maintenant dans cette ville dévastée ? Personne ne peut donner de chiffres précis, mais au vu des distributions qui ont été faites, au moins 5 000 personnes sont là aujourd’hui, qui sont restées sous le déluge de feu qui s’est abattu pendant plus de trois semaines. »

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Notes

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