Ukraine : faire face au stress post-traumatique à Vinnytsia

Arts traditionnels ukrainiens réalisés lors d'une activité de promotion de la santé de MSF au hub de Kherson, Vinnytsia.
Arts traditionnels ukrainiens réalisés lors d'une activité de promotion de la santé de MSF au hub de Kherson, Vinnytsia. © Florence Dozol/MSF

Près de 4,6 millions d’Ukrainiens sont actuellement déplacés dans le pays, dont 160 000 se sont réfugiés à Vinnytsia, dans le centre-ouest de l'Ukraine. Parmi eux, Alina Roshevska, 20 ans, a réussi à rejoindre la ville au péril de sa vie. Face à l'ampleur des besoins en santé mentale parmi les personnes déplacées, Médecins Sans Frontières (MSF) a rapidement mis en place des cliniques mobiles pour fournir des soins de santé et une assistance psychologique.

« Nous avions une belle maison, des amis, se rappelle Alina, une jeune Ukrainienne de 20 ans, qui a dû fuir Marioupol en février 2022. Tout ça a pris fin brusquement ». Après avoir passé 20 jours dans un sous-sol avec 12 autres personnes, Alina et ses proches ont entrepris un voyage périlleux, traversant une douzaine de checkpoints russes, pour atteindre le territoire contrôlé par l'armée ukrainienne et la ville de Vinnytsia. « Les explosions étaient si fortes que les portes du sous-sol ont été soufflées, raconte Alina. Si nous étions restées, nous serions morts. » Comme elle, des millions d'Ukrainiens ont été déplacés à cause des combats, cherchant refuge dans des zones plus sûres du pays.

Depuis avril 2022, les cliniques mobiles de MSF visitent régulièrement les centres d'hébergement de Vinnytsia pour fournir des soins et un soutien psychologique. « Lorsque nous avons commencé, les parents nous racontaient que leurs enfants restaient assis sans rien faire, sans communiquer avec personne, se souvient Mariana Rachok, en charge de la promotion de la santé à MSF. Au fil du temps, les enfants ont commencé à jouer ensemble. »

Portraits de Mariana Rachok (gauche) et Alina Roshevska (droite).
 © Fanny Hostettler/MSF
Portraits de Mariana Rachok (gauche) et Alina Roshevska (droite). © Fanny Hostettler/MSF

En septembre 2023, les équipes de MSF décident d’ouvrir un centre spécialisé dans la ville pour traiter les personnes souffrant de stress post-traumatique. « La plupart des patients sont des personnes déplacées qui ont été témoins d'événements atroces et qui y ont survécu, explique Lilia Savchenko, médecin à MSF. Ils éprouvent du désespoir, de l'anxiété, ils font des cauchemars, ont des flashbacks récurrents et se coupent des autres. Ce sont des réactions normales à des événements anormaux. » Chaque semaine, environ trente patients sont accueillis pour une première consultation durant laquelle leur état de santé est évalué. Un programme de traitement personnalisé est par la suite élaboré, comprenant en moyenne 10 à 15 séances. 

Stigmatisation 

La stigmatisation entourant les soins de santé mentale constitue un obstacle majeur pour les personnes cherchant à obtenir de l'aide. En Ukraine, comme dans d’autres pays, les préjugés portant sur les troubles psychologiques et sur leur traitement sont courants. Cette stigmatisation peut dissuader les individus de consulter des professionnels en santé mentale, par peur d'être jugés ou mis à l’écart par leur communauté. 

« Beaucoup pensent que les soins psychologiques sont réservés à ceux qui sont 'faibles' ou 'fous', ce qui n'est absolument pas le cas, détaille Andrii Panasiuk, psychologue et superviseur en santé mentale pour MSF. Ces idées reçues créent une barrière supplémentaire pour ceux qui ont pourtant besoin d’être accompagnés. » 

Activités de promotion de la santé au hub de Kherson, Vinnytsia.
 © Fanny Hostettler/MSF
Activités de promotion de la santé au hub de Kherson, Vinnytsia. © Fanny Hostettler/MSF

« Pendant un an, j'étais constamment stressée. Mes jambes ont commencé à me faire mal et mon corps semblait se déchirer, se fissurer, se souvient Natalia Kyshnir, 56 ans. Mon état empirait chaque jour, je ne savais pas comment avancer ni ce qu’il m’arrivait. » 

Des sessions d’information sont organisées par les équipes de MSF, en collaboration avec des organisations locales, pour sensibiliser sur le trouble de stress post-traumatique et ses effets. « Je fais souvent le parallèle entre une blessure physique et une blessure psychique, explique Mariana Rachok. Si vous ne désinfectez pas ou si vous ne traitez pas une blessure, mais que vous vous contentez seulement de la recouvrir et de l'ignorer, elle ne peut qu’empirer. » 

De survivante à soignante 

Anastasia Nedieva, qui travaille avec MSF depuis 2015, a également dû fuir Marioupol avec sa famille en 2022 à cause des bombardements russes. Aujourd'hui, elle supervise les équipes de promoteurs de santé à Vinnytsia. « Le soutien psychologique et l’investissement dans mon travail m'ont aidée à me rétablir », raconte Anastasia. Pour surmonter la réticence de certains patients, elle et son équipe organisent des ateliers créatifs, notamment autour du dessin, pour aider chaque semaine 30 à 40 patients à s'ouvrir et à exprimer leurs sentiments.  

« Lorsqu'une personne commence à s'ouvrir, une autre peut ressentir de l'empathie pour sa douleur, tandis qu'une troisième peut rester indifférente à ces souvenirs, précise la superviseuse. Après les ateliers, nous les abordons individuellement et confidentiellement pour leur parler de notre centre. » 

En utilisant des approches créatives, Anastasia et son équipe réussissent à identifier et à aider ceux qui ont besoin de soutien psychologique. Ils expliquent les symptômes relatifs au trouble de stress post-traumatique, décrivent comment le traumatisme affecte le cerveau et informent les patients sur les thérapies disponibles.  

Réunion matinale de l'équipe des promoteurs de la santé de MSF au centre de traumatologie de Vinnytsia, en Ukraine.
 © Fanny Hostettler/MSF
Réunion matinale de l'équipe des promoteurs de la santé de MSF au centre de traumatologie de Vinnytsia, en Ukraine. © Fanny Hostettler/MSF
Depuis l’ouverture du centre à Vinnytsia, les équipes de MSF ont réalisé près de 1 400 consultations et organisé 4 400 séances de sensibilisation. À ce jour, 81 patients ont terminé leur thérapie dans le cadre de ce programme.

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