Ukraine : « L'explosion était si puissante qu'une de mes baskets a été réduite en cendres »

Vasyl est un patient pris en charge par les équipes MSF à Kiev. Il a perdu sa jambe suite à l'explosion d'une mine. Ukraine. 2022.
Vasyl est un patient pris en charge par les équipes MSF à Kiev. Il a perdu sa jambe suite à l'explosion d'une mine. Ukraine. 2022. © Nadiia Voloboieva/MSF

Depuis le début de l'invasion russe, le système de santé ukrainien est confronté à de nombreux défis, dont celui d’offrir une prise en charge post-chirurgicale adaptée aux besoins des nombreux blessés de guerre. Les équipes MSF travaillent dans deux hôpitaux de Vinnytsia et de Kiev afin d’offrir des soins de physiothérapie, et de partager leur expérience et leurs compétences en matière de réadaptation.

Des taxis et des voitures déposent devant le Centre médical de Kiev des hommes en béquilles. Ils marchent prudemment vers l’hôpital, en essayant de ne pas glisser sur l'asphalte mouillé. Beaucoup sont amputés d’une jambe, en dessous et parfois au-dessus du genou. Ils ont été victimes des combats menés contre l'armée russe qui a envahi l'Ukraine en février 2022.

Le schéma est souvent le même : les patients ont été blessés par un tir d’obus ou l’explosion d’une mine, qui a gravement endommagé leurs bras ou leurs jambes, ou parfois les deux. Faute de temps ou de moyens, ou en raison de la gravité de la blessure, la plaie n’a pas pu être traitée correctement et s'est infectée, obligeant le personnel médical à procéder à une amputation, afin de sauver la vie du patient. Selon le ministère ukrainien de la Santé, les besoins en physiothérapeutes ont doublé depuis le début de la guerre. 

« Actuellement, le système de santé ukrainien ne dispose pas des capacités nécessaires pour assurer ces soins de physiothérapie, explique Mégo Terzian, chef de mission MSF. En premier lieu, car la guerre a généré des besoins immenses. Mais aussi parce que la prise en charge de la réadaptation n’a jamais été un domaine prioritaire en Ukraine. »

Séance de physiothérapie dans le Centre médical de Kiev. Ukraine. 2022
 © Hussein Amri/MSF
Séance de physiothérapie dans le Centre médical de Kiev. Ukraine. 2022 © Hussein Amri/MSF

Dans le cadre de ces activités, les équipes MSF travaillent en étroite collaboration avec le personnel du système de santé ukrainien. « Nous recevons en consultation des dizaines de patients qui ont perdu un ou plusieurs de leurs membres. Notre personnel a une bonne expérience dans le traitement des blessés de guerre. En travaillant dans une optique de partage et de transfert des compétences, cela nous permet à la fois de fournir des soins tout en renforçant les capacités de prise en charge locales », explique Tankred Stoebe, coordinateur médical MSF. 

Ahmad Alrosan est physiothérapeute pour Médecins Sans Frontières depuis de nombreuses années. Il travaille habituellement en Jordanie, dans l’hôpital MSF d’Amman, dédié à la reconstruction et à la réadaptation de patients en provenance d’Irak, du Yémen, de Syrie ou encore de Palestine. Il possède une solide expérience dans le traitement des personnes qui ont perdu un membre en raison de blessures liées à la guerre ou à un événement violent. Il met cela à profit à Kiev, aussi bien avec les patients qu’avec ses collègues ukrainiens.

Le physiothérapeute MSF Ahmad Alrosan lors d'une séance dans le Centre médical de Kiev. Ukraine. 2022.
 © Hussein Amri/MSF
Le physiothérapeute MSF Ahmad Alrosan lors d'une séance dans le Centre médical de Kiev. Ukraine. 2022. © Hussein Amri/MSF

Ce jour-là, Ahmad travaille avec Renat, 29 ans, qui a été blessé par une grenade dans la région de Marioupol. Ahmad l’aide à serrer et à desserrer son poing afin qu’il puisse étirer les muscles de sa main. « Il a perdu un œil et les doigts de ses deux mains sont mutilés, explique-t-il. Il a des blessures sur tout le corps et aussi un poignet cassé. Il a déjà subi trois interventions chirurgicales, et deux autres sont à venir pour retirer des éclats d'obus restants. » 

La blessure de Renat a déjà six mois, mais il n'a pas eu accès à un traitement de réadaptation suffisamment tôt. Les séances de physiothérapie sont donc plus intenses et douloureuses, mais elles sont efficaces. « Mes doigts ne fonctionnaient pas, ils étaient raides, explique le jeune homme. Maintenant, je peux effectuer des actions de la vie quotidienne, comme tenir un stylo ou prendre une tasse. »

Vasyl, un patient âgé de 30 ans, a été victime d’une mine. « J'ai marché dessus lors de travaux de déminage dans le village de Novyi Bukiv, dans la région de Tchernihiv. Le village a été occupé par les troupes russes pendant plus d'un mois et de nombreuses mines antipersonnel ont été posées. Le détecteur de métal a raté une mine sur le trottoir… Une mine antipersonnel à pression. J'ai perdu ma jambe immédiatement. L'explosion était si puissante qu'une de mes baskets a été réduite en cendres. »

 

Pour sa réadaptation, Vasyl est pris en charge par Elise, une physiothérapeute MSF. Il a été amputé juste au-dessus du genou et Elise l’aide notamment à soulager ses douleurs fantômes. Les patients ont également besoin d’un soutien psychologique, ce que fournissent les équipes MSF, car ces blessures parfois très handicapantes changent leur quotidien et peuvent avoir des effets dévastateurs sur leur santé mentale. 

Dans le contexte actuel, les besoins de physiothérapie pourraient s'accroître et peser lourdement sur le système de santé ukrainien pendant de longues années. Les équipes MSF ont conduit plus de 1 500 sessions de soins postopératoires pour plus de 110 patients entre juin et octobre 2022.

 

Notes

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