Dans un quartier excentré de Debaltseve où se trouvent des immeubles modernes, 200 à 300 personnes habitaient dans un immense abri. Un certain nombre de gens sont partis. Mais d’autres, résignés, sont toujours là. Si ce n’étaient les lits et les chaises soigneusement rangés et l’obscurité qui y règne, cette relique de l’ère soviétique pourrait être un garage souterrain. Une jeune femme blonde a une peur panique de sortir de là. En revanche, des enfants jouent dehors au soleil.
« J’habite dans un appartement où toutes les fenêtres sont brisées, il y fait trop froid, explique une femme de 69 ans qui vit dans un autre abri dans le centre-ville, au sous-sol d’un bâtiment administratif. Tant qu’il n’y aura pas d’électricité et que je ne pourrai pas me préparer à manger, je ne bougerai pas », ajoute-t-elle.
Pas d’électricité, pas d’eau courante, il faut chercher l’eau dans des forages. Les habitants qui sont restés à Debaltseve ont besoin de tout. Une femme, mère d’un enfant de six ans, raconte qu’avant elle vivait à Donetsk, la plus grande ville de l’Est de l’Ukraine. Sa maison a brûlé, elle est venue ici et la maison où elle habitait a aussi brûlé. « Tout ce qui nous reste, on l’a sur nous », dit-elle.
Des hôpitaux touchés par les combats
La ville comptait deux hôpitaux où se trouvaient aussi les deux dispensaires. Mais l’hôpital du Rail où travaillaient auparavant trente médecins n’est plus qu’un champ de bataille. Un blindé hors d’usage est à l’arrêt devant une des entrées. Une vingtaine de personnes sont maintenant réfugiées dans cet hôpital.
« Je vois peu de monde dans les quartiers où je vais pour donner des consultations, note le Dr Maurice Negre, médecin MSF. On a l’impression que les gens sont terrés chez eux parce que quand je vais voir un malade incapable de se déplacer, il y a tout de suite un attroupement. » Les personnes invalides ou grabataires ont commencé à être recensées pour que des secours puissent leur être apportés. Les nouvelles autorités veulent leur faire parvenir de la nourriture.
« J’ai vu un cas très difficile, raconte Maurice. C’est un jeune homme de 26 ans atteint d’une myopathie. Il a les jambes repliées et est dans l’impossibilité de les allonger. » Ce jeune Alexei vit avec sa mère qui s’occupe de lui. La maison à côté de la leur a été totalement détruite. Il n’a pas de fauteuil roulant et sa mère ne pouvait pas le déplacer pour l’emmener dans un abri quand il y avait des bombardements.
« Cela ne va pas recommencer ? »
Ceux qui habitent dans des maisons ont des poêles à charbon qui chauffent bien. En revanche, dans les immeubles il n’y a pas de chauffage alors qu’il gèle. Ainsi l’hôpital Central qui a subi moins de destructions que l’hôpital du Rail est une véritable glacière. Les vitres ont été soufflées par les déflagrations des tirs. Mais le médecin-chef est toujours là, le Dr Valéri Loutsenko est déterminé à relancer l’activité dans l’hôpital. Il vient de réaménager au rez-de-chaussée d’une aile du bâtiment deux salles de dix lits dont les fenêtres n’ont pas explosé. Deux poêles à charbon ont été installés dans le couloir.
L’équipe MSF y évalue les besoins urgents pour voir quelle aide elle peut apporter. Dans l’immédiat, ce pourrait être des matelas, tous ceux de l’hôpital sont détrempés. Ensuite des médicaments et des kits médicaux, des poêles à charbon pour chauffer l’intérieur, et une aide logistique pour l’approvisionnement en eau potable.
Pour les soins de santé primaires, un poste médical a été aménagé au centre-ville dans une petite pièce d’un bâtiment administratif. Deux femmes médecins y reçoivent les patients et une infirmière leur donne pour eux ou leurs parents des médicaments, surtout pour traiter des maladies chroniques.
Quelques médecins doivent aussi arriver de Donetsk. Mais cela fait peu pour une population estimée à plus de 5 000 habitants, dont la plupart sont traumatisés par les bombardements. « Dites-moi, cela ne va pas recommencer ? », ont demandé plusieurs patients très inquiets.