Un jour à Hangu au Pakistan, par Pierre-Henri, médecin MSF

Pakistan : prise en charge d'un patient aux urgences MSF de l'hôpital d'Hangu
Pakistan : prise en charge d'un patient aux urgences MSF de l'hôpital d'Hangu © Fathema Murtaza/MSF

Pierre-Henri est médecin en mission à Hangu, une ville de la province du Khyber Pakhtunkhwa, dans le nord-ouest du Pakistan, non loin de la frontière afghane. Il raconte sa journée, une parmi tant d'autres à l'hôpital d'Hangu, rythmée par les "red case".

« La sonnerie du téléphone retentit. Il est 5h30 environ. "Red case" ("cas rouge", soit prioritaire) aux urgences. J’enfile en vitesse mon Shalwar Kameez* et me dirige vers les urgences. Les voix des imams, comme un canon, appellent à la prière des quatre coins de la ville. Je marche rapidement dans les petites rues de l’hôpital d’Hangu, laissant les bureaux à droite alors que je bifurque vers la ruelle de gauche. Je dépasse le service de chirurgie et le bloc opératoire. Un dortoir improvisé pour les personnes accompagnants les patients est installé sous une alcôve. A gauche la mosquée, puis la radiologie, la banque de sang, le bâtiment des consultations menées par le personnel du ministère de la Santé, la cantine, et enfin la grande porte en tôle blanche des urgences MSF.

Je traverse la zone de triage*, et fonce vers la salle de réanimation. L’équipe réanime un nouveau-né. Qu’ils viennent de la maternité, des centres de santé ou de leur domicile, les nouveau-nés représentent une bonne part de l’activité ; nous sommes même dotés depuis quelques mois d’une unité de néonatalogie, avec trois berceaux chauffés et un poste d’infirmier(e) dédié.

Un long couloir divise les urgences : à gauche la salle de réanimation, la salle de pansements, la salle d’isolation, la salle de soins et la néonatalogie ; à droite les deux services d'hospitalisation, un pour les hommes et un pour les femmes, avec chacun cinq lits, puis la salle de repos et de prière ; au bout du couloir la sortie pour les patients transférés et transportés en ambulance vers Peshawar.

Je m’éclipse pour prendre un petit-déjeuner. Le jour s’est levé, les montagnes se dévoilent, l’hôpital est encore désert, encore pour quelques minutes.

Les périodes d’affluence importante sont la fin de matinée et le début de soirée : traumatologie, pansements, consultations médicales, etc. Les après-midis, souvent plus calmes, sont propices à la formation, diaporamas ou entrainements pratiques, voire discussion d’un cas grave (réanimation d’un arrêt cardiaque, état de choc, etc.). Mais la journée sera rythmée par l’arrivée des cas rouges. L’infirmier d’accueil crie « red case » et tout le staff se rue dans la salle de réanimation.  Nous en recevons environ huit à dix par jour. Du nouveau-né aux douleurs thoraciques, en passant par les accidents de la route, les blessés par balle, voire les victimes d'explosions. Le staff est entrainé et soit les patients sont rapidement stabilisés, soit l’issue leur est fatale. La suite de la prise en charge se fera au bloc opératoire si nécessaire, le patient pourra aussi rester en observation quelques heures, sinon il existe un réseau efficace de référence vers Peshawar (cardiologie, traumatisme cranien), au prix de trois heures de transport chaotique.

Hommes et femmes sont soignés séparément, mais la position de médecin nous permet d’examiner tout le monde, avec quelques précautions pour les femmes. Les pathologies gynéco-obstétricales sont tabou pour les hommes (médecins et infirmiers), en revanche, le secours du référent médical, de la sage-femme ou de l'infirmière superviseuse est toujours possible.

Voilà une journée classique. La raison d’être du projet réside cependant dans l’accueil d’une éventuelle arrivée massive de blessés. Quelques heures très intenses pour les urgences, quelques jours pour la chirurgie… C’est alors un mélange de panique, d’agitation, de sang, du mouvement, des cris, sans oublier l’agonie. La réponse du staff est exemplaire et rapide : chacun à sa place, efficace. Puis le couloir et les services se vident, les traces de sangs sont effacées, les matelas rangés ; tous un peu étourdis. C’est l’heure du thé.

Au triage l’infirmier crie « red case » ! On se précipite dans la  salle de réanimation. Tiens donc, des jumeaux ! »


* Tenue traditionnelle pakistanaise

* Dans la zone de triage, le personnel MSF effectue une première évaluation de l'état des patients arrivés aux urgences pour pouvoir donner la priorité aux cas les plus graves, les "red cases".

Notes

    À lire aussi