Alors que le Darfour fait l'objet d'une surenchère politique - corridors humanitaires à partir du Tchad, sécurisation, etc. - peu en rapport avec la réalité de terrain, une crise humanitaire touche aujourd'hui plus de 150 000 déplacés internes dans l'est du Tchad. Aujourd'hui, une enquête de Médecins Sans Frontières confirme l'urgence dans cette région. Pourtant, l'assistance reste largement insuffisante et MSF se heurte à de nombreux obstacles pour renforcer ses activités.
Dans l'est du pays, les attaques récurrentes et meurtrières sur les villages depuis un an et demi ont contraint des dizaines de milliers de personnes à prendre la fuite. Regroupées dans des camps où leur sécurité n'est toujours pas garantie, elles vivent sous des huttes sommaires, manquent de nourriture, d'eau et d'accès aux soins.
L'enquête menée fin mai par Epicentre, le centre de recherche et d'études épidémiologiques de MSF, révèle que dans les camps situés autour de Goz Beïda, principal lieu de regroupement de la population déplacée, un enfant sur cinq souffre de malnutrition aiguë et que les taux de mortalité, pour la période du 30 mars au 20 mai 2007, sont catastrophiques.
Jusque récemment, l'assistance des nombreux organismes d'aide présents dans la région s'est concentrée sur les réfugiés en provenance du Darfour, négligeant cette population déplacée. En avril, la coordination humanitaire des Nations unies a finalement lancé un plan d'urgence pour trois mois, mais ses objectifs en termes de distributions de nourriture, d'accès aux soins, d'approvisionnement en eau et d'abris ne sont pas adaptés. « A Goz Beïda, les déplacés ne reçoivent que moins de 10 litres d'eau par jour et par personne alors qu'il en faudrait 20, et à peine 300 enfants malnutris sont pris en charge quand notre enquête évalue leur nombre à environ 2 000, explique Franck Joncret, chef de mission de MSF au Tchad. Cette politique d'aide rationnée pour les déplacés est inacceptable. »
Présente à Dogdoré, Goz Beïda, Adé, Koukou et Kerfi, MSF renforce ses activités. Mais, dans certaines localités, MSF fait face à de fortes entraves. Ainsi, malgré des demandes répétées, MSF continue de se voir interdire l'ouverture d'un hôpital pédiatrique à Goz Beïda, capable notamment de soigner les enfants souffrant de malnutrition.
L'arrivée à la fin du mois de la saison des pluies va entraîner une recrudescence des cas de paludisme et des maladies diarrhéiques épidémiques. Une nette augmentation de la malnutrition est également à craindre. Face à cette détérioration prévisible de la situation, pour éviter une catastrophe, il est urgent d'augmenter les capacités d'hospitalisation, d'améliorer l'approvisionnement en eau et de répondre aux problèmes nutritionnels. « Il est impératif que l'urgence dans l'est du Tchad soit enfin pleinement reconnue, que les acteurs de l'aide apportent une réponse massive et immédiate en faveur des déplacés, et que les autorités tchadiennes favorisent ce déploiement humanitaire », déclare Isabelle Defourny, médecin et responsable des programmes de MSF au Tchad.