Dix-huit mois après le début du projet, est-ce que les moyens de prise en charge du VIH à Ndhiwa ont été améliorés ?
Nous avons commencé par améliorer la qualité des soins dans les 33 centres de santé de Ndhiwa où, suite à la mise en place des nouvelles recommandations de l’OMS en 2014 et aux campagnes de dépistage effectuées par MSF, le nombre de patients séropositifs pris en charge augmente.
Pour créer les conditions d’un changement majeur en matière de santé publique, nous avons dû commencer par pallier des manques de base et ce à tous les niveaux de la prise en charge. Il a fallu - par exemple - s’assurer que toutes les structures de soins atteignent un standard minimum (personnel qualifié et logistique). Lorsqu’un infirmier est censé gérer, seul, toutes les activités d’un centre de santé - des consultations générales aux accouchements - et lorsqu’il ne dispose ni de l’équipement ni de la formation nécessaires, comment peut-il renseigner correctement les dossiers des patients VIH, leur fournir un soutien dans le cadre de leur traitement, ou effectuer un examen clinique de qualité ?
MSF a donc financé l’embauche, par les autorités locales, de personnel qualifié supplémentaire (des clinical officers, des infirmiers, des laborantins etc.). Nous avons également essayé de réduire la charge de travail du personnel, en espaçant les rendez-vous de suivi des patients (de trois à six mois) et en créant des ‘groupes communautaires VIH’ (un seul patient se rend au centre de santé pour y recevoir les traitements de tous les membres de son groupe).
De nombreuses activités sont par ailleurs maintenant menées par des travailleurs de santé non qualifiés comme les tests de diagnostic, le soutien à l’observance du traitement, ou encore le contrôle des statistiques.
Certaines de ces approches ont déjà été mises en place avec succès dans d’autres programmes MSF, mais sont introduites pour la première fois au Kenya.
Grâce à cette réduction de sa charge de travail et à un complément de formation, le personnel des 33 centres de Ndhiwa peut désormais se concentrer sur les cas plus compliqués, comme les patients en échec de traitement.
Un autre volet de notre action consiste à améliorer les conditions de travail dans les structures de santé : éviter les ruptures de stock de certains médicaments, améliorer l’accès à certains tests de laboratoire (comptage des CD4, mesure de la charge virale, diagnostic de la tuberculose), rénover des bâtiments, assurer l’approvisionnement en eau potable et en électricité du laboratoire et de la pharmacie.
Enfin, nous travaillons aussi à l’amélioration du système de gestion des données. En effet, l’existant ne permet pas d’obtenir des indicateurs d’activité pourtant très importants, comme par exemple le taux de patients qui continuent de suivre correctement leur traitement. La qualité des données est un problème récurrent dans les programmes de prise en charge du VIH. Or, décideurs nationaux et bailleurs de fonds doivent pouvoir baser leur décision d’améliorations sur des données qualitatives et pas que quantitatives.
Depuis le début du projet pilote de Ndhiwa, les équipes MSF ont contribué au diagnostic de 5 000 personnes séropositives parmi les 240 000 habitants que compte le sub-county de Ndhiwa. Chaque mois, elles ont également apporté un soutien à près de 300 patients dans les hôpitaux de Ndhiwa et Homa Bay. A l’heure actuelle, MSF soutient le ministère de la santé dans la délivrance d’un traitement aux quelques 14 000 personnes séropositives vivant à Ndhiwa.
Entretien en trois parties (partie 1)
► Partie 2 : VIH : au Kenya, prévenir, dépister, soigner
► Partie 3 : VIH au Kenya : travailler en partenariat, documenter les avancées