VIH en République centrafricaine : « les gens continuent de mourir du Sida »

Hôpital Communautaire à Bangui juillet 2016.
Hôpital Communautaire à Bangui, juillet 2016. © Alexis Huguet/MSF

A Bangui, MSF a ouvert il y a trois mois un service d’hospitalisation pour les patients atteints de Sida à un stade avancé. Le service est débordé et sa capacité va être plus que doublée. L’accès au dépistage et aux traitements contre le VIH est compliqué et la stigmatisation reste forte.

En février 2016, les équipes de MSF ont renforcé le soutien qu’elles apportaient déjà à l’Hôpital Communautaire de Bangui, en République centrafricaine, par l’ouverture d’un service de prise en charge des patients atteints des stades avancés du Sida, le seul proposant une prise en charge gratuite dans la capitale.

Le nombre de patients a rapidement dépassé la capacité du service : à l’ouverture du projet, il disposait de 16 lits et pouvait accueillir environ 55 patients par mois. Désormais, plus de 100 patients par mois y sont soignés.

« Même si nous étions conscients des besoins en République centrafricaine en termes de lutte contre le Sida, nous ne nous attendions pas à une telle demande, explique le Dr. Christine Bimansha Mbombo, médecin référent de MSF. Les  patients ne peuvent rester que quatre ou cinq jours à l’hôpital pour permettre à d’autres de se faire soigner. Nous sommes donc en train d’élargir nos infrastructures : nous disposerons bientôt de 40 lits ».

Seulement 18% des personnes séropositives en République centrafricaine sont sous traitement antirétroviral. Par ailleurs, la crise qui perdure dans le pays contraint de nombreux malades à interrompre leur traitement ou leur suivi. Ainsi, chez de nombreuses personnes séropositives, la maladie évolue vers le Sida : 40% des personnes admises à l’Hôpital Communautaire en sont atteintes, et la maladie représente 20% des décès de patients à l’hôpital.

« La plupart de nos patients sont aux stades 3 et 4 du Sida et souffrent de graves infections opportunistes qui n’affectent généralement pas les patients sous traitement antirétroviral : tuberculose, méningite, cryptococcique, sarcome de Kaposi… poursuit le Dr. Mbombo. Notre projet est absolument nécessaire car nous sommes le seul hôpital de Bangui à proposer des soins gratuits aux personnes atteintes du Sida à un stade avancé ».

Cynthia, 26 ans, a été transférée à l’hôpital depuis le camp de déplacés de Mpoko, près de l’aéroport de Bangui. Dans le dispensaire que MSF gère dans ce camp, 20% des patients dépistés sont séropositifs.

« J’ai commencé à avoir des nausées, de la fièvre, des migraines et des douleurs dans les jambes. C’est pour ça qu’on m’a fait venir ici, explique-t-elle. Depuis 2013, je vis dans le camp de Mpoko, et je n’ai personne qui puisse prendre soin de moi. Je n’ai pas d’argent pour les traitements, donc pendant longtemps je n’ai pas cherché à me faire aider. Lorsque j’ai été admise à l’hôpital il y a un mois, on m’a dit que j’étais séropositive et que j’avais la tuberculose ».

Faustin, 34 ans, et sa femme Olga, vivent également dans le camp de Mpoko. Ils sont tous les deux séropositifs et Faustin souffre d’une tuberculose extra-pulmonaire. Depuis le début de l’année, ils sont sous traitement antirétroviral et ils sont déjà allés chercher leurs médicaments trois fois. « Il est important de respecter les rendez-vous avec le médecin qui prescrit les médicaments. Si j’étais dans un autre centre médical que la clinique de MSF, je devrais payer et risquerais de m’endetter », explique Faustin.

En RCA, l’accès aux soins est difficile pour tous les malades, mais la situation est encore pire pour les patients séropositifs, qui nécessitent des soins à vie, ininterrompus et quotidiens. Ceux qui ont été déplacés du fait des violences ne savent pas comment reprendre leur traitement. Une fois qu’ils trouvent un centre de traitement, il peut être difficile, coûteux et dangereux de parcourir de longues distances pour venir y chercher les médicaments régulièrement.

De plus, la stigmatisation à l’encontre des personnes séropositives est souvent encore forte. « La moitié de nos patients ne savent même pas qu’ils sont porteurs du virus. Il y a tant de stigmatisations que les personnes séropositives sont souvent vues comme des parias et abandonnées par tous. Annoncer à nos patients qu’ils sont séropositifs est très difficile, décrit le Dr. Mbombo. Selon moi, 5 à 10% des nouveaux diagnostiqués de notre service rejettent totalement ce que nous leurs annonçons, particulièrement les plus éduqués. Certains d’entre eux acceptent de prendre un traitement contre les infections opportunistes, mais refusent les antirétroviraux qui leur permettraient pourtant de maîtriser le virus et de ne pas retomber malades. Je dirais que ces patients préféreraient mourir que de vivre avec le VIH. »


En RCA, le taux de prévalence du VIH au sein de la population adulte est de 4,3% (à Bangui, il est  de 7,7%). On estime que 140 000 personnes sont séropositives dans le pays (source : ONUSIDA, OMS/PNLS).

MSF est déployée en République centrafricaine depuis 1997. Les structures médicales soutenues par MSF offrent des traitements antirétroviraux à 4 813 malades, soit environ 19% des personnes séropositives dans le pays. MSF propose le diagnostic, un traitement et un soutien à l’observance gratuits à l’ensemble de ses patients.

L’accès au dépistage et au traitement du VIH est particulièrement difficile dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et centrale, où environ 72% des personnes séropositives ne sont pas sous traitement antirétroviral. MSF a souligné ce problème, et appelé à mobiliser davantage de ressources pour lutter contre le VIH dans la région, dans son rapport « Le prix de l’oubli », publié en avril 2016.

Notes

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