Haïti – Manque d'anticipation face au retour du choléra

A Martissant l'un des quartiers les plus pauvres de Port au Prince MSF a ouvert un Centre de Traitement du Choléra (CTC) de 82 lits.
A Martissant, l'un des quartiers les plus pauvres de Port-au-Prince, MSF a ouvert un Centre de Traitement du Choléra (CTC) de 82 lits. © Mathieu Fortoul/MSF

Médecins Sans Frontières observe une augmentation du nombre de cas de choléra en Haïti et critique l’insuffisance des actions destinées à lutter contre l’épidémie et protéger la population.

En Haïti, le retour de la pluie augure désormais d’une recrudescence du choléra. Dans plusieurs régions, les structures de santé du ministère de la Santé et des Populations (MSPP) sont pourtant incapables de répondre aux fluctuations saisonnières de l’épidémie. Tandis qu’une majorité de la population haïtienne reste exposée à la maladie faute d’accès à l’eau potable et à des latrines, le système de surveillance censé suivre l’évolution de la situation et donner l’alerte demeure également inefficace.

Le nombre de malades soignés par MSF dans la capitale a quadruplé en moins d’un mois pour atteindre 1 600 en avril. Les centres de traitement de Médecins Sans Frontières à Léogâne et à Port-au-Prince ont déjà accru leur capacité de prise en charge tandis que d’autres sites s’apprêtent à rouvrir. L’an dernier, près de 200 000 cas de choléra s’étaient déclarés dans le pays pendant la saison des pluies, entre mai et octobre.

Pour Gaëtan Drossart, chef de mission MSF : « Trop peu a été fait dans le domaine de l’eau et de l’assainissement pour croire que cela ne va pas recommencer en 2012. Il est inquiétant que les autorités ne soient pas mieux préparées et tiennent des discours rassurants qui ne correspondent pas à la réalité. Il y a beaucoup de réunions entre le gouvernement, les Nations Unies et leurs partenaires humanitaires mais peu de solutions concrètes. » 

Une étude menée par MSF dans le département de l’Artibonite, où environ 20% des cas de choléra du pays ont été répertoriés, révèle en outre une nette diminution des actions susceptibles d’enrayer l’épidémie depuis la fin 2011. Plus de la moitié des intervenants présents l’an dernier ne sont plus là. Dans certains centres de santé, les stocks de médicaments sont vides et une partie du personnel n’a pas reçu de salaires depuis janvier.

Selon Maya Allan, épidémiologiste MSF : « La pluviométrie n’est qu’un des facteurs aggravant le risque de contamination. Mais dès qu’il cesse de pleuvoir, le choléra recule, les financements s’arrêtent et les projets sont interrompus jusqu’à la prochaine saison des pluies au lieu d’être réorientés vers la prévention. Résultat : la population est toujours aussi vulnérable lorsque l’épidémie redémarre. »

D’après une enquête réalisée en avril 2012 par la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (Dinepa) à l’intérieur des camps où vivent toujours près d’un demi-million de rescapés du tremblement de terre, moins du tiers sont encore approvisionnés en eau potable et 1% ont récemment reçu du savon. « A quoi bon faire des recommandations d’hygiène à la population si elle n’est pas en mesure de les appliquer ?, s’interroge Gaëtan Drossart. Il est urgent de donner aux gens les moyens matériels de se prémunir contre le choléra. »

La vaccination peut contribuer au contrôle de la maladie, notamment dans les zones les plus exposées, mais n’est pas une solution miracle. L’immunité conférée par le vaccin existant est en effet limitée à 3 ans avec une efficacité estimée à 70%. Seules des réalisations durables dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, longues à mettre en place, permettront de vaincre l’épidémie. « Aujourd’hui la priorité est d’abord de sauver des vies, poursuit Gaëtan Drossart, tous les acteurs de santé doivent se mobiliser dans ce sens dès maintenant. »

Notes

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