Selon les informations obtenues par MSF, la tension était encore montée d'un cran dans le centre de détention surpeuplé d'Al-Mabani, la nuit de l'incident, et des coups de feu ont été tirés de façon indiscriminée dans les cellules.
« Cette fusillade démontre les risques graves auxquels les personnes sont exposées lorsqu'elles sont enfermées pour une durée indéterminée dans ces centres de détention, déclare Ellen van der Velden, responsable des opérations de MSF en Libye. Ce dernier épisode de violence confirme clairement que les centres de détention sont des lieux dangereux en Libye. »
Ces dernières semaines, les équipes médicales de MSF ont été les témoins de tensions croissantes à l'intérieur des centres de détention en Libye, où les réfugiés et les migrants - dont des femmes, des enfants et des mineurs non accompagnés - sont retenus contre leur gré dans des conditions déplorables. Les centres sont de plus en plus surpeuplés depuis début février, date à laquelle les garde-côtes libyens, financés par l'Union européenne, ont intercepté un nombre toujours plus important de personnes fuyant la Libye par la mer. Cette situation a contribué à une augmentation très forte du nombre de détenus dans les centres de Tripoli, et en particulier à Al-Mabani, entraînant une détérioration rapide des conditions de vie.
Au cours de la première semaine de février, le nombre de personnes détenues à Al-Mabani est passé de 300 à 1 000 en quelques jours. Le centre accueille actuellement quelque 1 500 personnes.
Comme dans de nombreux centres de détention du pays, les personnes détenues à Al-Mabani sont enfermées pour une durée indéterminée, dans des lieux où elles ne voient que rarement la lumière du jour, avec peu de ventilation, et où elles manquent de nourriture, d’eau potable, et d’accès à des douches et toilettes. La surpopulation est telle qu’il n’y a pas d’espace suffisant dans les cellules pour s’allonger, avec jusqu’à trois personnes par mètre carré. Les maladies infectieuses telles que la gale et la tuberculose prospèrent dans de telles conditions. Respecter la distanciation physique pour prévenir la transmission de la Covid y est tout simplement impossible.
Ce n’est pas la première fois que des réfugiés et migrants détenus sont soumis à des violences. Des fusillades et des morts ont été rapportés au cours des derniers mois dans les centres de détention de la capitale, tandis que les équipes MSF y ont été témoins de l’usage de la force physique par des gardes. Durant le mois de février, des soignants MSF ont traité 36 détenus pour des fractures, des traumatismes contondants, des blessures par balle, et de multiples blessures notamment aux yeux, dans différents centres de détention. 15 de ces patients ont été référés à l’hôpital par MSF car ils avaient besoin de soins plus approfondis. Ces blessures étaient récentes, indiquant qu’elles avaient été infligées durant la période où ces personnes étaient dans les centres de détention.
Les autorités d'Al-Mabani auraient ouvert une enquête sur cet incident. MSF appelle les autorités à partager les résultats de cette enquête avec la communauté humanitaire et à demander des comptes aux personnes jugées responsables.
MSF réitère son appel à la fin du recours à la détention arbitraire en Libye, à la libération immédiate des migrants et réfugiés détenus et à la mise en place de lieux où la sécurité et l’accès aux services de base des réfugiés et migrants sont assurés.