Une atteinte à la présomption de minorité
En prévoyant le fichage de mineur·e·s à d’autres fins que celles liées à leur protection, notamment pour lutter contre l’immigration irrégulière, le législateur a porté radicalement atteinte à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant dont découle la présomption de minorité. Il n’est pas tolérable que des jeunes puissent être considéré.e.s comme majeur.e.s et soient éloigné.e.s du territoire à l’issue d’une simple évaluation administrative.
Nous considérons que la présomption de minorité ne doit pouvoir être renversée que si, et seulement si, une décision de justice ayant autorité et force de chose jugée est intervenue, après épuisement des voies de recours. Le Conseil constitutionnel est très clair sur ce point : « si un doute subsiste, il doit profiter à l’intéressé. »[1]
Prémunir les enfants de l’arbitraire
Le Conseil constitutionnel ne pourra que constater l’absence totale de garanties suffisantes et adéquates dans la loi : rien n’a réellement été prévu pour s’assurer du consentement libre et éclairé des enfants, pour leur donner une information claire sur les conséquences de leur passage en préfecture ou de leur éventuel refus de se soumettre au recueil de leurs données. Pire, le croisement des données avec d’autres fichiers (VISABIO[2], AGDREF2[3]) va multiplier les risques d’erreurs dans la mesure où les données qui y sont enregistrées ne sont pas toujours fiables. Le Conseil constitutionnel l’a déjà rappelé : « les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. »[4]
Un premier bilan désastreux
Selon les informations recueillies par InfoMIE, ce fichier est déjà mis en place dans treize départements dans des conditions très aléatoires. Il produit des conséquences désastreuses : absence d’accueil provisoire d’urgence avant le passage en préfecture, guichet unique entre préfecture et département entretenant la confusion dans l’esprit des jeunes, absence d’interprètes, prise d’empreinte conditionnant la poursuite de l’évaluation…
Dans ces conditions, nombreux-ses sont les jeunes qui fuguent avant même leur rendez-vous en préfecture. Dans certains départements, c’est près d’un.e jeune sur deux qui renonce à demander une protection par crainte de se rendre en préfecture et d’être expulsé.e vers son pays d’origine. Cet effet dissuasif constaté sur le terrain va à l’opposé des objectifs affichés. Il accroît l’errance des mineur.e.s isolé.e.s et les expose à plus de dangers.
Alors qu’au moins six départements refusent de mettre en place le fichier, que le Défenseur des Droits, le Conseil National de la Protection de l’Enfance, de nombreux-ses député.e.s dont certains issus de la majorité ont affiché leur opposition à celui-ci, nous espérons désormais que Conseil constitutionnel censurera ces dispositions. Nos organisations rappellent que les mineur·e·s non accompagné·e·s sont avant tout des enfants et adolescent·e·s en danger et qu’il incombe aux autorités françaises de tout mettre en œuvre pour respecter l’intérêt supérieur de l’enfant.
Liste des associations signataires : Avocats pour la défense des droits des étrangers ; Association nationale des assistants de service social ; Armée du Salut ; CNAPE ; DEI-France ; Fédération des acteurs de la solidarité ; FASTI ; FEHAP ; Fédération Entraide Protestante ; Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s ; Hors la rue ; La Cimade ; Ligue des droits de l'Homme ; Médecins du Monde ; Médecins sans Frontières ; MRAP ; Secours Catholique ; Union syndicale Solidaires ; Syndicat de la Magistrature ; Syndicat des avocats de France ; UNICEF France ; UNIOPSS