Niger - Le mois d’août sera le pire

Au coeur de la saison des pluies les effets renforcés du paludisme 
des diarrhées et du manque de nourriture font basculer de plus en plus
d'enfants dans la malnutrition sévère. Chaque semaine les équipes de
MSF accueillent un nombre croissant d'e
© Didier Lefevre / imagesandco.com

Au coeur de la saison des pluies, les effets renforcés du paludisme,
des diarrhées et du manque de nourriture font basculer de plus en plus
d'enfants dans la malnutrition sévère. Chaque semaine, les équipes de
MSF accueillent un nombre croissant d'enfants dans les centres de
nutrition thérapeutique des régions de Tahoua et Maradi.

Moussa est mort à l'âge de quatre ans, au lendemain d'un nouvel arrivage de 18 tonnes d'aide alimentaire à l'aéroport de Maradi. Son père, un petit vendeur de céréales, a dû refouler son chagrin pour demander un peu d'argent à des étrangers afin de payer le transport du corps de son fils à la maison, dans le village de Nyelwa, proche de Maradi.

Pendant tous ces jours où Moussa luttait en vain, dans le centre de nutrition de Médecins Sans Frontières à Maradi, Abubakar, un garçon de deux ans, s'affaiblissait, épuisé par les diarrhées, dans le village voisin de Gazaoua.

"Je n'ai pas d'argent", expliquait sa jeune mère, Rabi, précisant que même si elle avait pu trouver les 700 francs CFA (environ 1 euro) que coûte le seul fait d'entrer dans un centre de santé, elle n'aurait jamais pu payer la consultation et les médicaments. Sans surprise, l'état de santé d'Abubakar a empiré et l'enfant a basculé dans la malnutrition sévère. Début août, quand Ababakar est arrivé dans le centre de nutrition de Médecins Sans Frontières à Aguié, il était proche de la mort.


Moussa et Aboubakar sont deux des nombreuses victimes de la crise nutritionnelle qui sévit dans les familles les plus pauvres de ce vaste pays d'Afrique de l'Ouest peuplé de 12 millions et demi d'habitants. Et malgré l'arrivée en masse de l'aide internationale, la situation risque d'empirer durant les prochaines semaines.

"Le mois d'août sera le pire", déclare le docteur Milton Tectonidis, un spécialiste de la nutrition pour MSF au Niger. "Il faudra du temps pour que l'aide soit distribuée. Alors que nous sommes en pleine saison des pluies et que nous approchons des prochaines récoltes, il y a de moins en moins de nourriture disponible et de plus en plus de maladies comme le paludisme ou les diarrhées."

De nombreux facteurs ont contribué à ce désastre. Oui, l'insécurité alimentaire au Niger est chronique. Oui, la sécheresse a réduit la récolte en 2004. Oui, les criquets ont détruit une partie de ce qui restait. Un jeune agriculteur de Dan Gamji, à quelques kilomètres de Maradi, descend sa main au niveau de ses chevilles pour montrer à quelle hauteur le mil s'était arrêté de pousser l'année dernière. Aujourd'hui, son champ est vert et les pousses ont grimpé jusqu'à sa tête. Sans être abondante, la nourriture est bien présente sur le marché, on trouve du mil, des oignons, des mangues, du pain et de la viande à Maradi. Mais les familles les plus pauvres, surtout dans les villages isolés, ne peuvent tout simplement pas l'acheter.

Les conséquences de ces aléas climatiques et acridiens auraient pu être modérées si des mesures efficaces avaient été mises en place au moment où les premiers signes de gravité de la crise sont apparus au début de l'année 2005. Mais le gouvernement nigérien était soumis aux pressions des institutions financières internationales, des principaux bailleurs de fonds et des agences des Nations-Unies qui avaient pour objectif d'éviter tout ce qui pourrait déstabiliser le marché ou mobiliser des ressources affectées aux projets de développement en cours.

Alors, plutôt que d'organiser des distributions de nourriture gratuite pour les familles les plus à risque, comme au Burkina Faso, et de garantir un accès aux soins gratuits aux enfants de moins de cinq ans, les autorités ont testé une série de mesures basées sur des échanges commerciaux.

D'abord, elles ont proposé des ventes de céréales à prix modéré à des familles qui n'avaient ni de quoi se nourrir ni de quoi acheter, même à prix réduits. La politique de recouvrement des coûtsdans le système de santé, c'est à dire le paiement des soins par le patient, a été maintenue. Alors que la situation se détériorait, les autorités ont ensuite essayé de prêter des céréales à la population. Et à la fin du mois de juin alors que des milliers d'enfants mourraient, certains bailleurs de fonds ont même demandé encore une fois au gouvernement nigérien de respecter le libre commerce et de ne pas distribuer gratuitement d'aide alimentaire.

On peut aujourd'hui constater les résultats de cette logique sans pitié sur les visages émaciés et les corps décharnés des quelques 1.200 enfants admis chaque semaine dans les centres de nutrition de Médecins Sans Frontières dans les régions de Maradi et de Tahoua.

Depuis le mois de janvier, les équipes médicales ont soigné près de 16.000 enfants souffrant de malnutrition sévère et Médecins Sans Frontières prévoit de prendre en charge 30.000 enfants en 2005 au Niger. Tous nos efforts ne consoleront pas les familles qui perdent un enfant, comme celle de Moussa, mais la grande majorité des petits soignés dans les centres de nutrition de MSF sont sauvés.

"En cas de crise nutritionnelle, même si les projets de développement se poursuivent, il faut pouvoir disposer d'un filet de sécurité beaucoup plus solide pour les plus pauvres des pauvres" affirme le docteur Milton Tectonidis. "Mais au Niger, la réponse d'urgence à la crise a été totalement sacrifiée pour protéger les projets de développement. Tant d'enfants sont morts ici pour rien".

Notes

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