Tuberculose - 2 millions de morts par an, une menace qui s'amplifie

Face à la catastrophe, la réponse relève encore du bricolage

Près de 2 millions de morts et 9 millions de nouveaux cas chaque année. Le constat sur le front de la tuberculose est d'ores et déjà catastrophique. Et cela ne peut qu'empirer : la tuberculose progresse à la faveur de la pandémie de sida (un tiers des 40 millions de séropositifs dans le monde sont co-infectés par la tuberculose) et la forme multirésistante de la maladie, particulièrement difficile à soigner, connaît une augmentation alarmante (2 millions de malades, 500.000 nouveaux cas chaque année*).


Dans ces conditions, l'optimisme affiché par l'Organisation mondiale de la Santé, qui annonce "Un monde sans tuberculose en 2050", a de quoi surprendre. La stratégie préconisée jusqu'à présent par l'OMS n'a pas permis de contenir la pandémie, mais surtout ne permet pas de soigner correctement une part très importante de malades. "L'OMS pratique depuis des années une forme d'auto-promotion de sa stratégie plutôt que d'en reconnaître les limites. Le résultat est que la réponse apportée à la catastrophe que constitue la tuberculose relève du bricolage !", déclare le docteur Jean-Hervé Bradol, président de la section française de MSF.

L'efficacité du vaccin, le BCG, est contestée par les experts. Le test diagnostique a 124 ans et ne détecte le bacille de la tuberculose que chez la moitié des malades, laissant des millions de personnes sans soins, notamment les enfants. Le plus récent des médicaments utilisés est vieux de 40 ans et doit être pris pendant 6 à 8 mois, avec le risque de perdre son efficacité en cas d'interruption. En outre, l'OMS s'entête à s'autosatisfaire de la stratégie DOTS**, qui a montré toutes ses limites face à l'épidémie de sida et à l'émergence des formes résistantes de la maladie.

Enfin, les standards internationaux de qualité dans l'approvisionnement en médicaments anti-tuberculeux sont peu respectés. Et sur ce point, l'attitude de l'OMS est ambiguë. Elle recommande à juste titre de se fournir en médicaments qu'elle a « préqualifiés », mais les moyens qu'elle consacre à cette procédure de validation sont dérisoires. Le GDF***, hébergé par l'OMS, principale centrale d'achat de médicaments antituberculeux pour les pays pauvres, devrait fournir en priorité des médicaments qui ont obtenu ce label de qualité. "Or, dans la majorité des pays où nous menons des programmes tuberculose, nous constatons que les programmes nationaux ne disposent pas de médicaments de qualité", déplore Sophie-Marie Scouflaire, pharmacienne de MSF.

Pour compenser ce manque crucial d'outils et tenter de soigner au mieux les 16.000 malades dans 27 pays actuellement sous traitement dans nos programmes, nous déployons d'importants efforts pour des résultats toujours frustrants. "Pour la tuberculose simple, les outils sont obsolètes et le DOTS a fait la preuve de ses limites. Pour la forme multirésistante, une infime minorité des patients ont accès à des médicaments horriblement chers, toxiques et peu efficaces. Quant aux patients co-infectés par la tuberculose et le VIH, faute d'un test adapté, beaucoup ne franchissent même pas la première étape du diagnostic", s'indigne Brigitte Vasset, médecin en charge de la tuberculose à MSF.

Fruit d'initiatives reposant essentiellement sur des fonds privés - notamment ceux de la Fondation Gates -, des avancées en recherche et développement sont enfin annoncées dans les dix années à venir. Après 40 ans sans un seul progrès, c'est une nouvelle encourageante. Mais les premières molécules entièrement nouvelles ne sont pas attendues avant 2015, au plus tôt. D'ici là, la tuberculose risque de tuer 20 millions de malades de plus.

* Estimations OMS 2005
** Directly observed treatment, short course
***
Global Drugs Facility

Notes

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