Dans ces conditions, l'optimisme affiché par l'Organisation mondiale de la Santé, qui annonce "Un monde sans tuberculose en 2050", a de quoi surprendre. La stratégie préconisée jusqu'à présent
par l'OMS n'a pas permis de contenir la pandémie, mais surtout ne
permet pas de soigner correctement une part très importante de malades.
"L'OMS pratique depuis des années une forme d'auto-promotion de sa
stratégie plutôt que d'en reconnaître les limites. Le résultat est que
la réponse apportée à la catastrophe que constitue la tuberculose relève du bricolage !", déclare le docteur Jean-Hervé Bradol, président de la section française de MSF.
L'efficacité du vaccin, le BCG, est contestée par les experts. Le test diagnostique a 124 ans et ne détecte le bacille de la tuberculose que chez la moitié des malades, laissant des millions de personnes sans
soins, notamment les enfants. Le plus récent des médicaments utilisés
est vieux de 40 ans et doit être pris pendant 6 à 8 mois, avec le
risque de perdre son efficacité en cas d'interruption. En outre, l'OMS
s'entête à s'autosatisfaire de la stratégie DOTS**, qui a montré toutes
ses limites face à l'épidémie de sida et à l'émergence des formes
résistantes de la maladie.
Enfin, les standards internationaux
de qualité dans l'approvisionnement en médicaments anti-tuberculeux
sont peu respectés. Et sur ce point, l'attitude de l'OMS est ambiguë.
Elle recommande à juste titre de se fournir en médicaments qu'elle a «
préqualifiés », mais les moyens qu'elle consacre à cette procédure de
validation sont dérisoires. Le GDF***, hébergé par l'OMS, principale
centrale d'achat de médicaments antituberculeux pour les pays pauvres,
devrait fournir en priorité des médicaments qui ont obtenu ce label de
qualité. "Or, dans la majorité des pays où nous menons des programmes tuberculose, nous constatons que les programmes nationaux ne disposent pas de médicaments de qualité", déplore Sophie-Marie Scouflaire, pharmacienne de MSF.
Pour
compenser ce manque crucial d'outils et tenter de soigner au mieux les
16.000 malades dans 27 pays actuellement sous traitement dans nos
programmes, nous déployons d'importants efforts pour des résultats
toujours frustrants. "Pour la tuberculose simple, les outils sont obsolètes et le DOTS a fait la preuve de ses
limites. Pour la forme multirésistante, une infime minorité des
patients ont accès à des médicaments horriblement chers, toxiques et
peu efficaces. Quant aux patients co-infectés par la tuberculose et le VIH, faute d'un test adapté, beaucoup ne franchissent même pas la première étape du diagnostic", s'indigne Brigitte Vasset, médecin en charge de la tuberculose à MSF.
Fruit
d'initiatives reposant essentiellement sur des fonds privés - notamment
ceux de la Fondation Gates -, des avancées en recherche et
développement sont enfin annoncées dans les dix années à venir. Après
40 ans sans un seul progrès, c'est une nouvelle encourageante. Mais les
premières molécules entièrement nouvelles ne sont pas attendues avant
2015, au plus tôt. D'ici là, la tuberculose risque de tuer 20 millions de malades de plus.
* Estimations OMS 2005
** Directly observed treatment, short course
*** Global Drugs Facility