Retour sur quelques idées reçues sur les métiers de l’humanitaire
Mélanie Cagniart
Directrice des ressources humaines
On associe souvent l’image du travailleur humanitaire avec celle d’un jeune médecin blanc. Est-ce la réalité ?
En 2021, 60% de nos effectifs sont originaires du continent africain. Nos équipes sont issues de 162 pays différents. La diversité est marquée. La moitié du personnel est médical ou paramédical. En revanche, il reste encore des progrès à accomplir pour équilibrer le ratio hommes/femmes et notamment dans les pays d’intervention : seulement un tiers des effectifs sont pourvus par des femmes. Des efforts ont d’ores et déjà été entrepris pour améliorer la diversité au sein des organes de gouvernance et de direction, sur le terrain et dans les sièges. Demain, la diversité et la richesse des différentes nationalités devront davantage se refléter dans la composition des équipes dirigeantes.
Est-ce qu’une personne qui part en mission le fait bénévolement ?
Notre modèle est celui du salariat mais l’esprit de volontariat perdure avec des employés qui s’engagent avant tout pour servir la mission sociale, en acceptant notamment des conditions salariales modestes. MSF est un employeur comme un autre, avec toutes les responsabilités qui lui incombent. MSF attend de la personne l’adhésion à la Charte qui fonde ses valeurs. Ce document a été mis en place dès la création de l’association, son contenu n’a pratiquement pas évolué depuis. Il est basé sur les principes d’intervention de l’association : l’impartialité, la neutralité et l’indépendance. La notion d’engagement et de respect de la charte constituent la base des valeurs communes au sein du mouvement MSF.
Est-ce qu’aujourd’hui on peut faire carrière dans l’humanitaire ?
A MSF, on retrouve une grande diversité de métiers, généralistes ou spécialisés. Le personnel médical ou paramédical représente un peu moins de la moitié des effectifs et la logistique environ un quart. Les employés administratifs et les personnes en charge de la supervision des opérations composent le reste des équipes. Chaque année, plus de 7 000 personnes partent pour des missions de terrain dont près de 20% pour une première mission. Une partie importante d’entre eux continuent leur parcours professionnel au sein de MSF. Pour les personnes recrutées localement, elles sont de plus en plus encouragées à évoluer professionnellement, notamment vers l’expatriation ou des postes de coordination. Alors qu’il y a quelques années, ce processus d’évolution était limité, une attention importante est portée aujourd’hui à un meilleur accès à la formation, à la mobilité professionnelle et la possibilité de réaliser des carrières longues au sein de l’ONG.
De quelle manière la diversité des équipes influence la mise en œuvre des projets ?
MSF considère le multiculturalisme et la diversité des expériences professionnelles dans ses équipes comme une grande richesse. La mixité au sein des projets, la présence de salariés internationaux est une des composantes du modèle de la solidarité internationale et garantit notre indépendance d’action. Dans certains cas, les équipes internationales permettent de moins exposer nos collègues nationaux à des risques liés à nos activités. Par exemple, MSF a offert un avortement sécurisé à 30 100 femmes en 2020, même si la législation ou la culture dans certains pays d’intervention rendent cette activité difficile. C’est souvent la présence d’une personne étrangère qui donne la possibilité de réaliser cette opération médicale.
L’humanitaire est-il un métier dangereux ?
MSF est un employeur responsable qui met tout en œuvre pour protéger la sécurité de ses équipes. Avant de partir sur le terrain, chaque employé international reçoit l’ensemble des informations à jour concernant la sécurité (les risques identifiés et les incidents survenus récemment) afin que les personnes puissent prendre la décision de partir en toute connaissance de cause. Certains contextes d’intervention, notamment où le risque d’attaques ou d’enlèvements ciblés est élevé, ne permettent plus d’envoyer certains profils, sur la base de leur couleur de peau ou nationalité. Cette pratique dite du profiling pose à l’association un certain nombre de dilemmes éthiques et opérationnels. Faut-il se soumettre à ces contraintes ? Comment apprécier le risque auquel les équipes recrutées localement s’exposent ? Ces questions continuent d’être régulièrement débattues.