C'est le cas d'Ekaterina P., âgée de 88 ans. Elle est restée dans sa maison pendant toute la durée des combats car elle peut à peine marcher. Elle a un genou complétement bloqué. Normalement elle vit seule. Mais une voisine, âgée elle aussi, vit chez elle depuis que sa maison a été détruite et lui vient en aide.
« J’ai de l’arthrose, je ne peux marcher qu’avec un déambulateur. Quand il y avait des bombardements, je ne pouvais pas courir pour me réfugier à la cave. Je restais là dans cette pièce. C’était terrible, vraiment terrible. Cela faisait un bruit si fort que j’étais complétement assourdie. J’ai voulu mourir. J’avais peur, c’était impossible de dormir. Les bombardements étaient si violents que je sautais sur mon lit. Toute la maison bougeait. Dans la cuisine, un morceau du plafond est tombé. Dans notre rue, il ne reste plus que cinq ou six personnes, tous les autres sont partis. J’ai des maux de tête maintenant.
On nous a apporté de la nourriture il y a une semaine. On a de quoi manger. Et j’ai un poêle à charbon dans la cuisine. Il chauffe bien cette pièce où je vis et où les vitres n’ont pas été cassées. Ma voisine a bouché des fenêtres à côté avec du plastique. Comme ça, ça va. »
Des consultations pour les plus vulnérables
« Mon beau-père a une jambe gonflée et un pied infecté. Vous pouvez venir le voir? » Une jeune femme montre la maison à l’équipe MSF qui va voir les patients ayant besoin de soins urgents dans ce quartier excentré de Debaltseve. Evgueni I., un ancien mineur de 68 ans, explique son problème. « J’ai très, très mal au pied, c’est horrible. Je mets de la pommade depuis quinze jours mais cela ne fait rien. » Assis sur une banquette, il montre son pied gauche et sa jambe droite qui a un œdème. Maurice, le médecin MSF, diagnostique une nécrose du gros orteil liée à une artérite du membre inférieur, autrement dit une inflammation des artères. « Il faut vous amputer l’orteil infecté, sinon cela risque d’être beaucoup plus grave », lui dit-il. Evgueni accueille la nouvelle avec soulagement et remercie chaleureusement le médecin. Il ne demande qu’une chose : ne plus souffrir.
Evgueni I., ancien mineur de 68 ans et sa famille. © Olivier Antonin/MSF
Le lendemain, une ambulance envoyée par le médecin-chef de l’hôpital de Debaltseve, prévenur par Maurice, vient chercher Evgueni Ilitch. Quelques pièces viennent d’être réhabilitées au rez-de-chaussée d’une aile de l’hôpital. Mais comme partout en ville, il n’y a pas d’électricité et le bloc opératoire est toujours hors d’usage. Le médecin-chef de l’hôpital décide donc de transférer le malade dans l’hôpital d’Enakievo, une ville située à 20 km, où il pourra être opéré.
Des habitants démunis mais combattifs
Lioudmila P. n’a pas bougé de son quartier à Debaltseve. Pas une seconde pendant ces semaines de bombardements, cette femme de 66 ans n’a envisagé d’abandonner Anatoli, son mari de 74 ans, qui est totalement dépendant et atteint de démence. « Ce vieux monsieur est mutique la plupart du temps, observe Maurice venu l’examiner. Quand il s’exprime, c’est pour tenir des propos incohérents le plus souvent agressifs », précise-t-il.
A cause de ses troubles du comportement, Lioudmila et Anatoli sont restés dans leur maison au lieu d’aller se réfugier dans un abri. Quand leur maison a été détruite par des tirs, à l’exception de la pièce dans laquelle ils se trouvaient, un voisin les a accueillis et leur a donné une pièce.
La femme d’Anatoli est dans un état psychique précaire. Maurice lui propose pour la soulager de placer son mari dans un établissement de la région. A ce moment, Lioudmila s’effondre en larmes et oppose un refus catégorique : « j’ai affronté les bombardements, je ne vais pas l’abandonner maintenant. »