L’Etat français met en danger des naufragés en les abandonnant après les avoir ramenés à terre. La préfecture du Pas-de-Calais a élaboré un protocole de prise en charge humanitaire pour les naufragés ramenés au port, qui prévoit l’accès des rescapés à des tentes chauffées, des vêtements secs et un endroit où dormir. Pourtant, ce protocole n’est pas systématiquement déclenché ou ne l’est que partiellement. Les autorités abandonnent ainsi des personnes choquées, dans des vêtements trempés et à la limite de l’hypothermie, sans aucune assistance. Le 25 janvier, un homme amputé des deux jambes a été laissé sur le bord de la route par pompiers et police qui estimaient avoir achevé leur mission après l’avoir treuillé hors de la boue. Le 3 mars, après la mort d’une enfant de sept ans, noyée dans un canal lors du chavirage d’un bateau transportant trois familles, aucune prise en charge psychologique n’a été proposée aux quinze naufragés ayant assisté à la mort de la fillette, parmi lesquels étaient présents ses parents et ses trois frères âgés de 8, 10 et 13 ans. Seules les associations essayent d’intervenir pour les rhabiller, les chausser, les ravitailler, les loger et les soutenir après un événement traumatique.
Pire, les autorités publiques contribuent à exacerber la souffrance psychologique des rescapés en séparant les familles, en criminalisant les pères et en privant l’ensemble des rescapés d’un hébergement. Naufragées, endeuillées et traumatisées, ces familles font face à l’abandon des services publics et à l’agressivité d’une politique sécuritaire répressive ayant à cœur la protection des frontières plutôt que celle des vies humaines. Ainsi, la nuit du naufrage du 3 mars, les trois pères présents sur le bateau ont été séparés de leurs familles, placés en garde à vue, puis relâchés sans poursuites. Entretemps, la mère de la fillette décédée, enceinte de plus de huit mois, attendait le retour de son mari à l’hôpital avec ses trois autres enfants, et n’a finalement pu être hébergée que grâce à l’énergie des bénévoles associatifs. Une autre mère et son enfant de deux ans, survivants du même naufrage, ont pu être mis à l’abri dans une chambre d’hôtel mise à disposition par Médecins sans Frontières. C’est ainsi aux associations et collectifs citoyens que revient désormais la responsabilité de réunir les familles, de les héberger et d’organiser les obsèques.