« Lors de certaines séances, il y avait tellement de bruit à cause des drones et des bombes qu’il fallait crier pour communiquer. Quand ce n’était pas le bruit des combats, c’était les cris des enfants blessés à l’hôpital : des enfants mutilés, brûlés, parfois seuls sans parents ; des enfants en proie à des crises de panique, d’autres plus calmes qui dessinent des drones et des avions militaires. La guerre est partout dans l'hôpital, l'odeur du sang est insupportable.
Certains traits sont communs à tous les patients que j'ai suivis à Gaza. Ils ont perdu du poids faute de nourriture et ils ont la peau abîmée, presque brûlée, par le soleil auquel ils sont exposés toute la journée. Beaucoup de visages ne manifestent aucune expression. Ces personnes ont tout perdu.
Un homme m’a raconté que les petites choses du quotidien lui manquaient plus que sa maison détruite, comme par exemple la photographie de sa mère décédée il y a plusieurs années ou encore sa tasse de café. Un autre m’a confié ne pas avoir bu de verre d’eau fraîche depuis des mois. Je me souviens avoir entendu des patients dire qu’ils préféraient mourir plutôt que de bouger une nouvelle fois leur tente et leurs affaires. Certains d’entre eux ont été déplacés jusqu’à douze fois en huit mois.