« À Gaza, l'exposition au traumatisme est constante »

Un enfant assis au milieu de bâtiments détruits, Gaza, juin 2024.
Un enfant assis au milieu de bâtiments détruits, Gaza, juin 2024. © MSF

Davide Musardo, psychologue à Médecins Sans Frontières (MSF), a travaillé à Gaza d’avril à mai 2024. Dans ce témoignage, il raconte les souffrances psychologiques qu’il a observées chez les enfants et les adultes palestiniens qu’il a suivis à l’hôpital Nasser et à l’hôpital indonésien, dans le sud de la bande de Gaza. Depuis le début de l'année, les équipes de MSF ont réalisé plus de 4100 séances de soutien psychosocial dans ces deux hôpitaux.

« Lors de certaines séances, il y avait tellement de bruit à cause des drones et des bombes qu’il fallait crier pour communiquer. Quand ce n’était pas le bruit des combats, c’était les cris des enfants blessés à l’hôpital : des enfants mutilés, brûlés, parfois seuls sans parents ; des enfants en proie à des crises de panique, d’autres plus calmes qui dessinent des drones et des avions militaires. La guerre est partout dans l'hôpital, l'odeur du sang est insupportable. 

Certains traits sont communs à tous les patients que j'ai suivis à Gaza. Ils ont perdu du poids faute de nourriture et ils ont la peau abîmée, presque brûlée, par le soleil auquel ils sont exposés toute la journée. Beaucoup de visages ne manifestent aucune expression. Ces personnes ont tout perdu. 

Un homme m’a raconté que les petites choses du quotidien lui manquaient plus que sa maison détruite, comme par exemple la photographie de sa mère décédée il y a plusieurs années ou encore sa tasse de café. Un autre m’a confié ne pas avoir bu de verre d’eau fraîche depuis des mois. Je me souviens avoir entendu des patients dire qu’ils préféraient mourir plutôt que de bouger une nouvelle fois leur tente et leurs affaires. Certains d’entre eux ont été déplacés jusqu’à douze fois en huit mois. 

Dans les hôpitaux où nous travaillons, l'une de nos priorités est d'offrir un espace d'écoute sûr à nos patients et aux membres du personnel médical palestinien qui travaillent sans relâche depuis plus de huit mois. 

En Italie, mon pays natal, nous supprimons les photos ratées ou inutiles de nos téléphones. À Gaza, des Palestiniens effacent les photos des membres de leur famille morts pendant les bombardements, en espérant que le fait de ne plus les voir atténuera leurs souffrances. 

À Gaza, l'exposition au traumatisme est constante. Tout manque, et l’idée d'un avenir aussi. »

Notes

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