A Phnom Penh, MSF soigne aujourd'hui plus de 500 patients par trithérapie

A l'hôpital Norodom Sihanouk de Phnom Penh, au sein du service des maladies infectieuses, nous soignons par trithérapies, depuis juillet 2001, des malades du sida. L'objectif est d'offrir un accès aux antirétroviraux (ARV) au plus grand nombre possible de malades en danger de mort. Question de survie.Aujourd'hui, 554 patients dont 19 enfants bénéficient d'une trithérapie. Témoignages de patients.

Ce matin, après 13 mois de traitement par trithérapie, C. est à l'hôpital pour sa consultation mensuelle. Il s'exclame : "Regardez mon taux de CD4 ! Avant de commencer le traitement, j'avais seulement 3 CD4/mm3 (de sang). Aujourd'hui, ils sont remontés à 226 !". Un large sourire anime son visage, résultat d'un long travail accompli, de cette lutte farouche contre la maladie.

Avant les ARV, sa vie se résumait à un corps qui lentement se dégrade, à la peur de la mort annoncée. "Lorsque j'ai démarré mon traitement, je pesais 48 kilos. Je ne pouvais plus marcher, j'étais à bout de force". Aujourd'hui, il a retrouvé une vie normale. Il prend scrupuleusement ses médicaments, cinq comprimés le matin, quatre le soir.

Rien sur son visage ou sur son corps n'indique que, il y a quelques mois encore, il était rongé par le virus. Il est rayonnant de santé et surtout en vie.

Un espoir à venir

C. est le premier patient à avoir pu bénéficier d'une trithérapie par ARV dans le cadre du programme que nous avons mis en place. Aujourd'hui, 554 personnes suivent ce traitement, dont 19 enfants, et, chaque mois, environ 50 nouveaux malades le commencent. D'ici fin 2003, l'équipe pense pouvoir en faire bénéficier 950 malades, ceux qui en ont le plus besoin.

S., 40 ans, est veuve depuis cinq ans. Son mari est mort du sida. Aujourd'hui, elle se sent vraiment fatiguée, mais elle ne se plaint pas des meurtrissures du corps, elle est même plutôt contente d'être hospitalisée, car, explique-t-elle, dans ce service on prend soin d'elle.

"Et surtout, il n'y a pas de discrimination envers les personnes comme moi. Dans mon village, la discrimination est terrible. Je vendais de la soupe avec ma tante mais je ne peux plus travailler avec elle. Les voisins savent que j'ai le sida et ils ne veulent plus rien acheter lorsque je suis là, car ils ont peur d'être contaminés.

En fait, je ne sors que la nuit. Je mets un grand chapeau et des vêtements avec de longues manches pour cacher mon corps. Je ne veux pas que les autres me voient. Avant, je pesais 57 kilos, je n'en fais plus que 40 aujourd'hui. J'ai beaucoup de problèmes de peau, sur tout mon corps, sur mes bras, mon visage. Alors, je me cache. J'ai honte. Je n'ose plus aller voir personne. Personne ne sait que je suis à l'hôpital. Seule ma tante m'a accompagnée.

Parfois, je veux mourir. Je veux me suicider. J'ai honte et je souffre trop. Mais je pense à mes filles et c'est elles qui me permettent de résister." Pour S. les ARV sont un espoir à venir, pour soulager la douleur et la honte. "Je souhaite que les savants trouvent un médicament pour guérir la maladie".

Les médicaments qui prolongent la vie

Les Cambodgiens nomment les ARV "médicaments qui prolongent la vie". Mais ces médicaments, dont le nom semble signifier "espoir" dans un pays où le sida est vécu comme une véritable honte, ne sont pas disponibles pour tous. Ils sont en vente libre dans certaines pharmacies, mais à un prix inabordable pour la grande majorité.

Ainsi, certaines personnes démarrent un traitement, mais doivent l'abandonner au bout de quelques mois, faute de pouvoir le payer. Nous sommes la seule organisation, sur l'ensemble du Cambodge, à traiter et suivre gratuitement les malades du sida dans le cadre d'une structure publique.

Bientôt une nouvelle consultation à Kompong Cham

De nombreux patients soignés à Phnom Penh viennent de province. Certains n'hésitent pas à marcher une journée pour venir à la consultation. L'équipe a donc décidé d'élargir son offre de soins et va ouvrir une consultation et lancer le traitement des malades à Kompong Cham, à 80 kilomètres au nord-est de la capitale, car il y a urgence à soigner et à offrir aux patients, comme C. et S., les moyens de vivre avec la maladie.

Notes

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