URGENCE GAZA

Gaza : l’hôpital Nasser au bord de la rupture

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Fonds Régional Urgence Gaza

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Abdel Hadi, traducteur pour le programme soins psychiques MSF à Gaza

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile ? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.

« Ma fille de 14 mois est morte pendant la guerre. C'était le 29 janvier. Il y a eu une explosion à une centaine de mètres de chez moi, le souffle s'est ressenti jusqu'à chez moi. Ils avaient manqué leur cible, moi je vis dans une zone totalement civile.

Le bébé était au second étage. Le lendemain, elle a commencé à vomir et elle ne tenait plus sur ses jambes. Nous nous sommes précipités à l'hôpital, mais son état s'est rapidement détérioré. Elle est tombée dans le coma.

Elle a passé quinze jours aux soins intensifs du European Hospital. Elle devait être transférée à l'hôpital Nasser, pour faire un scanner, mais il était entouré de chars et, pendant sept jours, nous n'avons pas pu y accéder.

Quand nous avons enfin pu faire l'examen, il était trop tard. Elle avait une hémorragie cérébrale, était devenue aveugle, avait une infection généralisée et était paralysée. Elle est morte à l'hôpital. Elle nous manque, nous sommes des civils, nous n'avons rien fait. Pourquoi avons-nous été punis ? De quoi était-elle coupable ?

Je ne pardonnerai jamais cette violence à l'encontre des civils... Ils doivent rendre des comptes ! Nous sommes émotionnellement blessés. Un cœur brisé c'est plus dur à soigner qu'une blessure physique.

Nous ne pourrons pas oublier, tous les vendredis nous allons sur sa tombe. Ma femme est à nouveau enceinte et elle a peur, peur que cet autre petit meure aussi.

La communauté internationale est coupable elle aussi. Elle ne nous a pas soutenus, nous les civils, à ce moment là. La population israélienne n'a rien dit, ils se sont tus. Le processus de paix doit avancer, pas que pour les Palestiniens et les Israéliens, mais aussi pour toutes les générations à venir. Les décideurs politiques internationaux devraient venir eux aussi vivre sous les bombes, les tirs, perdre quelqu'un et ressentir cette douleur ?

Ma fille de 14 mois est morte pendant la guerre. Nous sommes des civils, nous n'avons rien fait. Pourquoi avons-nous été punis? En quoi était-elle coupable?

Tous les cas psy post-conflit que nous voyons sont critiques. Cette guerre a été un carnage, une vraie tragédie humaine et cela ne pourra pas se soigner en quelques jours. Cette insécurité permanente est traumatisante. Plus de 90% de la population aurait besoin de soins de santé mentale.

Mon cœur et ma tête sont remplis d'histoires et de sentiments tragiques. Mais cela prendrait trop de temps à exprimer... Je suis déchiré entre mon vécu personnel et mon rôle en tant que traducteur pour les psy et le recul que je dois avoir, le contrôle obligatoire des sentiments qui vont avec. Je suis forcément très touché par les témoignages de patients que j'entends.

Nous sommes tous pareils, en deuil, en souffrance. Nous ne sommes que des êtres humains. Après le travail, je redeviens un mari, un père.

Un cœur brisé est plus dur à soigner qu'une blessure physique.

J'aurais aimé être débriefé en dehors de Gaza, là où la vie est normale. Les expatriés peuvent sortir d'ici, reprendre des forces. Nous, on manque d'oxygène, de stabilité, d'optimisme, de confiance en l'avenir et dans le monde. Je voudrais que mes enfants aient un avenir, qu'ils se réveillent avec les oiseaux et non les bombardements, comme tous les enfants du monde.

J'aimerais quitter Gaza, faire des études ailleurs, mais je voudrais revenir ensuite, partager avec mon peuple. Il ne faut pas que Gaza se vide.

Même si le conflit perdure, je resterai car Gaza est la terre de mes grands-parents. Je suis né ici et c'est de pire en pire. « Plomb durci » a été d'une extrême violence. Jusqu'où ça peut aller? »

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