L'un des principaux défis de la lutte contre la tuberculose résistante est le traitement lui-même : durée de 2 ans et prise quotidienne de 15 à 20 comprimés et de médicaments injectables.
Les longues distances entre le lieu de résidence des patients et les centres de traitement, dans lesquels ils doivent se rendre chaque jour pour recevoir leur traitement sous la surveillance d'un personnel médical, constituent un autre obstacle important. En Arménie, où l’hiver peut paralyser les routes du pays, les patients qui ont peu de moyens peuvent difficilement se rendre dans ces centres de santé.
De nombreux patients souffrent également d'effets secondaires extrêmement sévères, qui peuvent rendre le retour au domicile presque impossible pour certains. « Au début, quand je prenais mes médicaments, je vomissais, je n'avais plus d'appétit, je n'arrivais plus à voir ou à entendre correctement, j'entendais des bruits bizarres, je sentais une sorte de poids sur mon dos, mon cœur battait lentement et j'avais des difficultés à respirer. Au bout de deux semaines, c'était l'enfer, je pensais que j'allais devenir folle ou mourir », raconte Mariam Davtyan*.
L'une des principales difficultés de MSF est de convaincre les patients de continuer leur combat au quotidien, en particulier lorsqu'ils commencent à se sentir mieux après quelques mois de traitement. Si le patient ne suit pas son traitement correctement jusqu'à la fin, il peut redevenir contagieux et développer des formes de tuberculose résistante encore plus virulentes, dont certaines sont incurables.
Approche centrée sur le patient
L'offre d'une palette de soins complets est au cœur du programme MSF, qui fournit notamment un soutien médical, social et psychologique : surveillance médicale individualisée, accompagnement individuel ou en groupe, visites à domicile, aide alimentaire, frais de transport… Tout est fait pour aider les patients à adhérer le plus possible au traitement.
MSF a également développé le programme HBC+ (Home-Based Care Plus, soins à domicile plus), qui repose sur une approche personnalisée du traitement de la tuberculose résistante, et prend en compte les besoins particuliers de chaque patient dans l'impossibilité de se rendre dans les centres de santé du programme national de lutte contre la tuberculose. Les patients souffrant de toxicomanie, de handicaps, de problèmes de santé mentale, de complications médicales, d'effets secondaires particulièrement incapacitants peuvent en bénéficier.
Fin 2011, le nombre total de patients souffrant de tuberculose résistante qui ont reçu ou qui reçoivent toujours un traitement de la part de MSF en Arménie s'élevait à 779.
Besoins spéciaux
Dans le cadre du programme HBC+, les patients reçoivent la visite quotidienne d'une infirmière, qui leur délivre le traitement, surveille leur état de santé physique et mental et les informe. « C'est un processus qui prend du temps, mais si les patients connaissent la maladie, comprennent les effets des médicaments et pourquoi le traitement est long et difficile, ils ont beaucoup plus de chances de guérir », explique Hasmik Miakalyan, infirmière en chef.
Les enfants peuvent également bénéficier de ce programme. C’est le cas d’Armen**, premier enfant arménien à avoir été mis sous traitement par MSF en janvier 2011.
« Du côté de sa mère, au moins deux parents de la génération précédente sont morts de la tuberculose, explique Hasmik. Aujourd'hui, sa mère, son père et son oncle sont également sous traitement. Chez eux, la tuberculose résistante est une affaire de famille. »
Leur maison est située dans un petit village et n'est desservi par aucun moyen de transport public. Les parents ont peu de revenus et ne peuvent pas emmener un enfant aussi loin chaque jour, surtout en hiver. Par ailleurs, la mère d'Armen est actuellement hospitalisée afin de subir une opération liée à la tuberculose.
« Les équipes MSF sont les premières personnes à être venues nous expliquer la maladie, le traitement…», déclare la tante d'Armen. Au début, la famille était réticente quant au traitement d'Armen car il avait seulement 11 mois.
Au commencement du traitement, Armen refusait de recevoir les injections nécessaires pendant la première phase du traitement et devait être maintenu par ses parents. En plus, le goût et la consistance des nombreux médicaments broyés qu'il était obligé d'avaler n'étaient guère agréables.
« Il a été difficile de commencer à soigner des enfants, car il n’existe pas de médicaments pédiatriques disponibles sur le marché », affirme Hasmik. MSF a dû apprendre à ses équipes médicales à préparer les comprimés, c'est-à-dire à les diviser et retirer l'excipient, ainsi qu'à trouver de nouvelles manières de faciliter leur ingestion par les enfants, comme de mélanger les médicaments broyés à de la confiture ou des yaourts pour rendre leur goût plus agréable.
« Ce serait beaucoup plus facile s'il existait des médicaments antituberculeux mieux adaptés aux enfants, comme des médicaments combinés, ou au moins des sirops facilement dosables et plus facilement ingérables par les enfants », déclare Hasmik.
Armen sera peut-être le premier membre de la famille à rompre la chaîne de transmission intergénérationnelle de la tuberculose.
« Il est possible de soigner la tuberculose résistante, c'est donc notre responsabilité en tant que parents de faire en sorte que nos enfants suivent leur traitement correctement jusqu'à la fin. Sans cela, personne ne peut être protégé contre cette maladie », affirme la tante d'Armen.
* Mariam participe actuellement au projet de blog MSF intitulé « TB&ME ». Vous pouvez la suivre, ainsi que d'autres patients, tout au long de son traitement contre la tuberculose résistante à l'adresse : blogs.msf.org/tb/author/mariam
** Nom fictif