La guerre en Syrie, qui dure depuis plus de trois ans, a fait plus de 150 000 morts et plus de neuf millions de déplacés, dont près du tiers est réfugié à l’étranger. Si démesurés soient-ils, ces chiffres ne peuvent faire percevoir l’ampleur de ce conflit, ni son impact sur la vie des gens. Par un gros plan sur une seule journée, le projet Au-delà de la guerre met en lumière le caractère implacable du conflit syrien et l’immensité des besoins médicaux auxquels il faut faire face en différents endroits au même moment.
« Cette guerre est si massive qu’il est facile de perdre de vue ce que cela signifie pour les Syriens, note le Dr Joanne Liu, présidente internationale de MSF. Lorsque j’ai travaillé en Syrie à la fin de l’année dernière, j’ai vu des enfants victimes de blessures par éclats ou souffrant de maladies qui pouvaient être évitées, des familles vivant dans des abris totalement inadaptés et des femmes qui ne pouvaient pas accoucher dans des conditions sûres. En général, il y a un manque d’humanité par rapport à la Syrie parce que pour en parler, on utilise habituellement des chiffres. Ce projet est un témoignage du désastre humain provoqué par un conflit brutal et sans répit. »
Des films courts, des récits photographiques et un dossier mettent en lumière les dimensions très personnelles du conflit, tel que le vivent des patients syriens réfugiés et des membres du personnel MSF qui les soignent. Du fait de l’insécurité, il n’a pas été possible de recueillir des témoignages en Syrie même.
Pour produire Au-delà de la guerre, MSF a collaboré avec des vidéastes et des photographes primés, comme Kate Brooks, Yuri Kozyrev, Moises Saman, Daniel Etter et Ton Koene. A la fin de l’année dernière, ils se sont rendus dans des dispensaires et des hôpitaux MSF dans des camps de réfugiés à Domiz en Irak, dans la vallée de la Bekaa au Liban ainsi qu’à Ramtha et Amman en Jordanie, pour raconter en images la situation et le travail effectué au cours d’une seule journée.
Chaque tableau donne un aperçu des difficultés quotidiennes, des obstacles et des peurs écrasantes auxquels sont confrontées les innombrables personnes déplacées de Syrie et donne une idée de la situation en Syrie, au travers de leurs récits.
- A Ramtha, ville du nord de la Jordanie, des Syriens grièvement blessés, y compris des enfants, arrivent régulièrement dans le programme de chirurgie traumatologique de MSF. A cinq kilomètres à peine de la frontière syrienne, on entend le bruit des explosions de la guerre. Une information arrive : trois patients sévèrement blessés sont sur la route et le Dr Haydar Alwash, un chirurgien irakien et ancien réfugié, coupe court à une session de formation pour se préparer à aller au bloc. « Le travail est très exigeant, mais c’est ce dont le patient a besoin maintenant, pas demain, ni dans une semaine », dit-il.
- Dans le nord-ouest de l’Irak, dans le camp de réfugiés de Domiz bien animé, qui abrite au moins 60 000 réfugiés syriens, le Dr Moustapha Khalil, lui-même réfugié syrien, voit en arrivant le matin des dizaines de personnes qui attendent devant le dispensaire MSF. « Tous les matins, c’est comme ça », observe-t-il. Photographe et vidéaste le suivent durant une journée mouvementée à soigner les patients. Ils suivent aussi deux agents communautaires qui se faufilent dans le dédale de tentes à la rencontre des familles pour les informer des services de santé disponibles.
- Dispersés dans la vallée de la Bekaa au Liban, les réfugiés syriens tentent de trouver un abri où ils peuvent, dans un entrelacs de tentes, d’écoles désertées… Hanane Lahjiri, agent communautaire MSF, se déplace dans la région pour évaluer les conditions sanitaires et informer les personnes des services de santé offerts par MSF dans un dispensaire local. « Je suis enceinte, je suis donc plus sensible à leur situation, dit-elle à propos des femmes qu’elle rencontre. Quand une femme m’a dit que son bébé était mort, c’était très dur. Je m’imaginais dans la même situation. »
- Dans le projet de chirurgie reconstructrice d’Amman, en Jordanie, l’un des patients du Dr Ashraf Boustanji a eu sa jambe fracassée par des éclats, il y a plus de six mois. Il a été soigné en Syrie par un dentiste, le seul personnel soignant disponible à ce moment-là. Le médecin doit parfois dire à un patient qui espère un rétablissement rapide, que cela ne sera pas possible.
« Ce que nous avons saisi en l’espace d’une seule journée est un maigre reflet des dégâts humains que provoque le conflit syrien et qui ne cessent de s’accroître, observe Moises Saman, un photographe de l’agence Magnum qui a contribué au projet pour le Liban. En un seul jour, on voit avec des détails atroces les immenses souffrances causées par la guerre en Syrie, tout en étant confronté au fait que ce n’est qu’un seul jour dans un conflit qui dure depuis plus de trois ans et dont on ne voit pas la fin. »
MSF a commencé à travailler en Syrie peu de temps après le début de la guerre. D’abord en apportant un soutien à des structures médicales via des donations de médicaments et de matériel médical, puis en mettant en place ses propres structures. Les équipes ont monté des projets dans des zones tenues par l’opposition, essentiellement dans les régions frontalières du nord du pays. MSF a aussi lancé de vastes programmes médicaux et humanitaires pour les Syriens réfugiés dans les pays voisins.
En raison de la violence des affrontements et de l’effondrement du système de santé syrien naguère opérationnel, les besoins aigus sont innombrables d’autant plus que les hôpitaux et le personnel de santé sont ciblés en Syrie.
La sortie de Au-delà de la guerre, initialement prévue en janvier 2014, a été repoussée quand des membres du personnel MSF ont été emmenés par un groupe armé dans le nord de la Syrie, le 2 janvier. Ils travaillaient dans un hôpital MSF où ils dispensaient des soins médicaux essentiels à des personnes touchées par le conflit. Trois d’entre eux ont été relâchés le 4 avril et les deux autres le 14 mai.
« L’une des principales difficultés pour nous en Syrie est d’arriver à apporter une aide en toute sécurité, sans mettre en danger nos équipes et nos patients, déclare le Dr Liu. La réalité est que nous n’arrivons pas à aller aussi loin qu’il le faudrait pour soigner la plupart de la population civile. Nous soignons les patients qui en ont le plus besoin et auxquels nous pouvons avoir accès. »
Chacun des films de Au-delà de la guerre ainsi que les photos les accompagnant sont disponibles pour diffusion et publication.
Depuis juin 2012, MSF dirige des hôpitaux et des centres de santé dans le nord de la Syrie. Dans ces structures médicales ont été réalisés plus de 10 151 opérations chirurgicales, 63 440 consultations aux urgences, 109 214 consultations externes et plus de 2 370 accouchements dans des conditions sûres. MSF apporte également un soutien à 58 hôpitaux et 38 postes médicaux gérés par des réseaux médicaux syriens dans sept gouvernorats. Du fait de l’insécurité, il est extrêmement difficile de fournir des soins médicaux directement sur le terrain et, si MSF a dû réduire certaines activités, l’association continue de donner la priorité à l’aide médicale directe là où c’est possible. En Irak, en Jordanie et au Liban, MSF a de vastes programmes médicaux pour les réfugiés syriens, plus de 587 000 consultations ont été données jusqu’ici.
Dossier Urgence SyrieRetrouvez notre dossier spécial rassemblant toutes nos informations à propos de nos activités relatives au conflit qui se déroule en Syrie et dans les pays voisins.