Au Nigeria, le saturnisme ne tue plus mais la prévention demeure essentielle

Un site d'extraction d'or sur la route entre Bagega et Anka. Les sites d'extraction sont très dangereux avec des trous abrupts dans le sol. Avril 2012.
Un site d'extraction d'or sur la route entre Bagega et Anka. Les sites d'extraction sont très dangereux, avec des trous abrupts dans le sol. Avril 2012. © Olga Victorie/MSF

Alors que la pollution minière a causé la mort de centaines d'enfants pendant plus d'une décennie dans le nord du Nigeria, le saturnisme n'est désormais plus un enjeu de santé publique. Néanmoins, pour pérenniser l'assainissement des sols, la prévention reste de mise. Médecins Sans Frontières (MSF), qui avait mis en place un projet de lutte contre cette maladie, a remis aux autorités de l'État les commandes du projet.

En mars 2010, MSF était alertée du décès de plus de 400 enfants en l'espace de six mois dans plusieurs villages de l'État de Zamfara, au Nigeria. « Quand MSF est arrivée, nous souffrions beaucoup, se souvient Alhaji Muhammadu Bello, chef du village de Dareta. Dans ma localité, 120 enfants - jusqu'à six ou sept chaque jour - sont morts. »

Des tests de laboratoire ont confirmé plus tard la présence de niveaux élevés de plomb dans le sang chez certains enfants. Première cause d'empoisonnement : la contamination de l'environnement par des activités minières artisanales dangereuses. En effet, les gisements d'or contiennent une concentration inhabituellement élevée en plomb, qui peut provoquer de graves lésions cérébrales et parfois le décès chez les enfants. « L'exploitation minière avait lieu depuis une décennie dans la région. Les gens ont transformé les villages en sites de traitement et ont pollué l'environnement pendant de nombreuses années. Les enfants étaient exposés à la poussière et aux sols contaminés dans les villages », explique Benjamim Mwangombe, coordinateur du projet MSF.

Avant que MSF ne puisse commencer à traiter les patients, les zones souillées ont dû être assainies afin d'interrompre l'exposition aux toxines. Entre juin 2010 et août 2013, TerraGraphics International Foundation, une organisation d'ingénierie écologique, a formé la ZESA (agence d'assainissement environnemental de l'État de Zamfara) à la gestion de l'environnement. En partenariat avec la communauté, huit villages dans les zones d'Anka et de Bukkuyum ont été nettoyés, en retirant les sols contaminés et les déchets dus aux traitement des minéraux des secteurs résidentiels, des puits et des étangs.  

Des membres de la communauté retirent les parcelles contaminées par le plomb. Zamfara, Nigeria. Avril 2018.
 © MSF
Des membres de la communauté retirent les parcelles contaminées par le plomb. Zamfara, Nigeria. Avril 2018. © MSF

Entre mai 2010 et décembre 2021, MSF a dépisté la présence de saturnisme chez 8 480 enfants de moins de cinq ans. Plus de 80 % d'entre eux ont été inscrits à un programme médical de traitement contre la présence de plomb dans l'organisme. 3 549 enfants ont reçu une thérapie par chélation pour éliminer la substance de leur sang. 

L'assainissement et le traitement par chélation sont très coûteux, mais également insuffisants pour éliminer le risque de saturnisme dans les communautés. En raison de la pauvreté endémique et du manque d'opportunités d'emploi dans la région, l'exploitation minière à petite échelle reste la seule option pour de nombreuses personnes. Beaucoup n'étaient pas conscientes des risques sanitaires causés par ces pratiques minières et certaines zones précédemment assainies ont été recontaminées.

Des gélules de Succimer, le médicament utilisé pour la thérapie par chélation. Avril 2012.
 © Olga Victorie/MSF
Des gélules de Succimer, le médicament utilisé pour la thérapie par chélation. Avril 2012. © Olga Victorie/MSF

« Certains enfants ont été exposés plus de trois fois. Même si leur propriété est propre, ils jouent peut-être dans des endroits où le sol est contaminé », explique Benjamim Mwangombe.

La seule solution durable à long terme reste la prévention. MSF a fait appel à OK International, un partenaire externe spécialisé dans la santé professionnelle et industrielle, pour développer et mettre en œuvre des projets pilotes d'exploitation minière plus sûrs dans les États du Niger et de Zamfara, en partenariat avec le ministère fédéral nigérian des Mines et du Développement de l'Acier et les agences étatiques responsables. 

Les mineurs ont reçu des informations et des outils pour réduire l'exposition pendant les activités d'extraction et de traitement, ainsi que pour minimiser la contamination hors site. Les résultats des projets pilotes ont été encourageants et les gouvernements des États se sont engagés à étendre ces pratiques dans les États de Zamfara et du Niger. « Nous continuerons à veiller à ce que l'environnement reste propre, afin que les enfants ne soient plus empoisonnés », déclare Alhaji Shehu Anka, directeur général de ZESA.

Près de 12 ans après le début de l'intervention de MSF dans la région, aucun enfant ne meurt désormais du saturnisme à Zamfara. L'association a donc confié le programme aux ministères clés du gouvernement de l'État de Zamfara, au conseil de l'émirat d'Anka et à la communauté locale, au début du mois de février 2022.

D'après Benjamim Mwangombe, la diminution significative de la mortalité et de la morbidité des enfants de moins de cinq ans liées à la toxicité du plomb n'est pas la seule amélioration. « L'autre grand succès du projet est l'implication de la communauté. Nous avons également amélioré les capacités locales. À l'avenir, s'il y a une autre épidémie, nous aurons la capacité de réagir ». Et l'implication d'organisations internationales ayant une expertise en matière de santé environnementale, d'exploitation minière plus sûre et de santé au travail a été l'un des facteurs clés de réussite. 

Cependant, des défis subsistent. L'exploitation minière artisanale persistera tant que l'exploitation de l'or sera rentable. Récemment, une autre zone présentant un niveau élevé de contamination au plomb a été découverte dans le village d'Abare à Zamfara. A la fin du mois de janvier 2022, le gouvernement de l'État a approuvé le financement de l'assainissement environnemental de la zone contaminée.

Pour que les solutions persistent sur le long terme, et pour éviter que des enfants ne meurent à nouveau de saturnisme, tous les partenaires doivent rester engagés dans la promotion et le maintien de pratiques minières sûres. « La prévention exige la participation de tous, des chefs de village et des chefs traditionnels aux autorités de l'État et aux législateurs, afin que les efforts de chacun contribuent à maintenir une solution durable et à prévenir toute nouvelle épidémie de saturnisme dans l'État de Zamfara », déclare Benjamim Mwangombe.

Notes

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