Australie : une politique de détention désastreuse pour les réfugiés à Nauru

Hôpital de la République de Nauru. 2018.
Hôpital de la République de Nauru. 2018. © MSF

Médecins Sans Frontières publie les premières données médicales indépendantes démontrant les conséquences sur la santé mentale des réfugiés de la politique australienne de détention offshore à durée indéterminée sur l’île de Nauru.

Parmi les 208 patients réfugiés et demandeurs d'asile, 60 % ont eu des pensées suicidaires et 30 % d’entre eux ont tenté de se suicider.

D’après le rapport intitulé « Indefinite Despair », les problèmes en santé mentale à Nauru comptent parmi les plus graves jamais enregistrés par MSF dans le monde, y compris dans le cadre de projets de prise en charge des victimes de torture.

« Les données médicales que nous publions aujourd'hui confirment la réalité déchirante dont nous avons été témoins à Nauru, déclare le Dr. Christine Rufener, psychologue clinicienne et responsable des activités de santé mentale de MSF. Chaque jour, je me demandais lequel de mes patients pourrait tenter de se suicider, car après cinq ans d'attente, les gens avaient perdu tout espoir. »

Tendances suicidaires

Parmi les 208 demandeurs d'asile et réfugiés traités par MSF à Nauru, 124 ont eu des pensées suicidaires et 63 ont tenté de se suicider. MSF a diagnostiqué chez 12 adultes et enfants un syndrome de sevrage traumatique, ce qui se traduit par un état semi-comateux et une incapacité de manger ou de boire.

Bien que les trois quarts des patients réfugiés et demandeurs d’asile aient déclaré avoir vécu des événements traumatisants avant leur arrivée à Nauru, tels que des conflits ou des détentions, le rapport de MSF montre que c’est la situation à Nauru qui a le plus porté atteinte à leur santé mentale. Au total, 65 % des demandeurs d'asile et des patients réfugiés ont le sentiment de ne pas avoir le contrôle sur leur vie. Ces patients sont nettement plus susceptibles d'être suicidaires ou d’être diagnostiqués comme souffrant de troubles psychiatriques majeurs.

Espoirs anéantis

« Tandis que beaucoup de nos patients ont subi un traumatisme, la politique australienne de détention à durée indéterminée a anéanti tous leurs espoirs pour l'avenir et a dévasté leur santé mentale », indique le Dr. Rufener.

Plus d’un tiers des demandeurs d'asile et des réfugiés ont été séparés des membres de leur famille proche, évacués de l’île pour des raisons médicales. Ces personnes restés seules sur l’île présentent des risques de tendances suicidaires plus élevées, de près de 40 %. La séparation des familles est une tactiques utilisée par le gouvernement australien pour contraindre les réfugiés évacués à rejoindre Nauru.

 

En 11 mois à Nauru, MSF a prodigué des soins de santé mentale à 285 patients, notamment des Nauruans, des réfugiés et des demandeurs d’asile. Au total, 1 526 consultations ont été organisées pour les réfugiés et les demandeurs d'asile et 591 pour les Nauruans. La santé mentale des Nauruans était également critique ; près de la moitié des patients nauruans de MSF étaient atteints de psychose, dont beaucoup nécessitaient une hospitalisation psychiatrique non disponible sur l’île.

Départ forcé

Le gouvernement nauruan a contraint MSF à quitter l'île début octobre, alors que plus de 200 patients étaient encore pris en charge. MSF reste profondément préoccupée par la continuité des soins apportés aux patients que l’association a laissés, qu’ils soient Nauruans, demandeurs d’asile ou réfugiés.

Vue d'avion de Nauru. L'île fait 21 kilomètres carrés et abrite environ 11 000 habitants. 2018.
 © MSF
Vue d'avion de Nauru. L'île fait 21 kilomètres carrés et abrite environ 11 000 habitants. 2018. © MSF

Il est frappant de constater que plus de la moitié des patients nauruans de MSF ont présenté des améliorations en santé mentale grâce à nos soins alors que seulement 11 % des patients demandeurs d’asile et réfugiés ont vu leur santé mentale s’améliorer.

« La santé mentale de nos patients nauruans s’est améliorée de manière inégale comparée à celle de nos demandeurs d’asile et de nos patients réfugiés, en dépit de la même qualité de soins. Cela montre que le fait de vivre sous cette politique de confinement sans savoir quand elle prendra fin crée un état de désespoir perpétuel, rendant impossible la guérison des demandeurs d'asile et réfugiés, a déclaré le Dr. Stewart Condon, président de MSF en Australie. La crise de santé mentale actuelle à Nauru était tragiquement prévisible. Après cinq ans de privation arbitraire de liberté, la situation est désespérante. Le gouvernement australien doit mettre fin à cette politique brutale et évacuer immédiatement tous les réfugiés et demandeurs d'asile de Nauru, ainsi que ceux sur l'île de Manus. Il n'y a pas de temps à perdre. »

MSF appelle l'Australie à mettre immédiatement un terme à la détention offshore des demandeurs d'asile et des réfugiés. MSF soutient toutes les options de réinstallation, y compris celles de la Nouvelle-Zélande, dans la mesure où elles sont rapides et volontaires, respectent l’unité familiale et permettent aux personnes de reconstruire leur vie et leur santé mentale.

Notes

    À lire aussi