Bentiu, un hôpital au coeur du Soudan

Pour la population de Bentiu, ville carrefour à la frontière entre le Nord et le Sud, la situation s'est stabilisée depuis la signature des accords de paix au Soudan. Des équipes de MSF interviennent dans cette ville depuis cinq ans. Notre hôpital est l'un des rares points d'accès aux soins de cette région démunie.

Nous y proposons notamment des traitements contre la tuberculose et la leishmaniose viscérale (ou kala azar). Compte tenu de l'évolution de la situation dans cette région, nous envisageons aujourd'hui d'adapter nos programmes.

Bentiu est une ville carrefour, proche de la ligne de front du conflit qui a opposé, pendant plus de vingt ans, le gouvernement de Khartoum au principal mouvement rebelle du Sud, le SPLA. Tout au long de la guerre, cette ville de l'Etat de l'Unité (Unity State), proche des grandes zones d'exploitation pétrolière, est restée sous l'autorité du gouvernement de Khartoum.

Dans le cadre des accords de paix signés en janvier dernier, Bentiu - 40.000 habitants (essentiellement des Nuers), dont 25.000 déplacés - devrait passer sous l'administration du gouvernement du Sud.


D'un dispensaire d'urgence à un hôpital de référence

L'Unity State a connu des années de violence et d'insécurité persistante. Voici cinq ans, des affrontements dans le sud de l'Etat avaient poussé près de 40.000 personnes vers Bentiu, pour fuir les massacres et les pillages perpétrés dans leurs villages.

Dans l'urgence, pour soigner les blessés et prendre en charge les enfants souffrant de malnutrition sévère, nous avions créé un dispensaire et un centre nutritionnel au coeur de la ville. Nos équipes avaient également mené des campagnes de vaccination contre la rougeole et la méningite.

Notre dispensaire, à l'origine installé sous tentes, s'est transformé en un hôpital de référence construit "en dur". Avec 170 lits d'hospitalisation, c'est l'un des rares points d'accès aux soins de la région, où les populations déplacées et résidentes vivent toujours dans une grande précarité.

L'activité médicale y est intense, avec près de 2.000 consultations externes et 220 hospitalisations mensuelles. En plus des infections respiratoires, des diarrhées et des cas de paludisme, les équipes soignent des dizaines de patients atteints de tuberculose et de kala azar - ou leishmaniose viscérale. Pour ces deux pathologies, les traitements en dehors de notre dispensaire sont quasi inexistants, à tel point que certains malades marchent parfois plusieurs jours pour venir se faire soigner.

Chaque mois, dix à quinze patients tuberculeux et une vingtaine de patients souffrant de kala azar sont pris en charge dans notre structure, soit respectivement près de 220 et 240 patients par an. Ces deux maladies restent un des problèmes médicaux majeurs dans la région et demandent un suivi médical lourd.

La tuberculose nécessite un traitement d'une durée totale de huit mois, dont une phase intensive en hospitalisation les deux premiers mois. Le dépistage de la leishmaniose est complexe et son traitement douloureux, avec des effets secondaires dangereux . La prise en charge de ces deux maladies infectieuses représente donc un défi permanent pour nos équipes.


Adapter nos programmes à l' évolution de la situation

Même si différents groupes armés restent présents dans la région, la situation s'est nettement améliorée et nous amène à faire évoluer nos programmes. L'ouverture en juillet d'un deuxième hôpital à Bentiu devrait nous permettre de réduire l'activité de consultations externes afin de nous concentrer sur la tuberculose et le kala azar. Les meilleures conditions de sécurité autour de Bentiu, enclavée pendant des années, devraient aussi nous permettre de démarrer des investigations hors de la ville afin de rechercher des patients infectés par le kala azar qui n'ont pu venir se faire soigner ou qui ne savent pas qu'ils sont infectés.

Malgré un environnement plus stable, des tensions persistent et amènent notre équipe à mettre en place de petites interventions d'urgence. Ainsi, en avril dernier, des échauffourées entre populations ont conduit 5.000 à 6.000 personnes à se réfugier à Nyaldiu, à une demi-journée de marche de Bentiu. En pleine saison sèche, beaucoup étaient totalement déshydratées et plusieurs enfants souffraient de malnutrition sévère.

Nous avons alors mené une campagne de vaccination contre la rougeole, organisé des dispensaires mobiles pendant plusieurs semaines et mis en place une surveillance nutritionnelle, référant des enfants sévèrement malnutris vers notre hôpital de Bentiu.

Bentiu est aussi un des quatre principaux points de passage des "returnees". Ces déplacés, installés au Nord pour fuir la violence et la guerre, commencent peu à peu à reprendre la route vers le Sud. Certains s'arrêtent à Bentiu pour voir s'ils peuvent s'installer avant, peut-être, de poursuivre leur route vers le Sud. Quelques bus arrivent de la capitale soudanaise, les toits encombrés de lits, de matelas, de meubles parfois.

Pour l'instant, il ne s'agit pas de grandes vagues migratoires, mais une augmentation notable des retours est attendue d'ici à la fin de l'année. Les équipes MSF sont particulièrement vigilantes car pour le moment, rien n'est fait pour assurer de bonnes conditions de retour. De plus, l'afflux de population pourrait déstabiliser l'équilibre sanitaire fragile des résidents et déplacés déjà installés dans la ville.

Notes

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