Existe-t-il un cadre juridique concernant l’aide humanitaire internationale dans le cas de catastrophe naturelle ?
Les règles applicables lors de catastrophes naturelles, posées par les résolutions de l’assemblée générale de l’ONU , s’articulent autour de deux notions essentielles : la responsabilité de l’Etat sinistré d’organiser, de coordonner et de mettre en oeuvre l’assistance aux populations sur son territoire et de faciliter les activités des organismes d’aide ; et la solidarité internationale pour soutenir les efforts des pays sinistrés et renforcer ses capacités d’intervention quand elles sont insuffisantes.
Toutefois, aucune disposition ne prévoit un droit ou une obligation de contrôle international de la distribution des secours. Ainsi, rien n’est prévu dans le cas où un Etat refuse cette coopération et aucune disposition n’autorise à passer outre ce refus. Les ONG et les Etats ne peuvent pas faire abstraction du gouvernement local, même lorsqu’il s’agit d’un régime autoritaire, et doivent négocier avec lui la possibilité et les formes d’intervention.
La seule possibilité légale d’imposer une décision à un Etat appartient au Conseil de Sécurité des Nations unies qui peut décider d’utiliser la force dans le cadre du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, c’est-à-dire dans le cadre de ses pouvoirs en cas de menaces contre la paix.
Donc, en Birmanie, suite au cyclone Nargis, aucune règle juridique ne permet de contraindre le gouvernement birman d’accepter du personnel étranger pour mettre en place des secours.
Qu’en est-il de la « responsabilité de protéger » ?Cette notion a été publiquement évoqué par des politiques dans le cas de la Birmanie. Pourtant, la « responsabilité de protéger » ne recouvre pas les entraves à l’action humanitaire dans le cas de catastrophes naturelles. Il s’agit d’une procédure qui élargit la possibilité pour le Conseil de sécurité de l’ONU de recourir à la force dans le cas de génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité.
En Birmanie, suite au cyclone Nargis, les populations sont dans une situation d’extrême précarité, et les entraves à l’assistance humanitaires sont réelles. Mais cela ne justifie pas le recours à ce mécanisme.
Avec la "responsabilité de protéger", il s’agit bien d’une évolution du droit. Le Conseil de sécurité n’est plus obligé de justifier de l’existence d’une menace à la paix pour prendre des mesures coercitives contre un Etat. Mais ce droit reste virtuel puisqu’il est suspendu à un consensus au cas par cas au sein du Conseil de Sécurité.
Les dispositifs réglementaires existants sont-ils suffisants ?Aujourd’hui, l’urgence n’est pas de faire évoluer le droit, mais de clarifier les alternatives au recours à la force. Dans le cas de la Birmanie, l’urgence est plutôt de fédérer les indignations et les synergies diplomatiques face à une situation de blocage et de souffrance unanimement considérée comme inacceptable.
La notion de droit d’ingérence est également évoquée. Que recouvre-t-elle exactement ?
Il est essentiel de rappeler que le « droit d’ingérence » n’existe pas dans le droit humanitaire international. L’ingérence elle-même n’est pas un concept juridique défini.
On a parlé d’ "ingérence" en faisant référence au fait, pour certaines ONG, d’entrer dans un pays sans l’accord du gouvernement. D’abord, il n’y a jamais eu d’ingérence au sens propre, car les ONG ont toujours travaillé sur une partie du territoire avec l’accord de ceux qui en avaient le contrôle. Par exemple, MSF, en Afghanistan dans les années 80, travaillait avec l’accord des Moudjahidins, dans les zones qu’ils contrôlaient, mais sans l’accord du gouvernement central de Kaboul.
Ensuite, des politiques se sont emparés de cette notion « d’ingérence » en faisant croire que les Etats pouvaient imposer une présence étrangère à un gouvernement et on a ainsi parlé « d’ingérence humanitaire ». Mais il ne faut pas se laisser abuser par ce terme, car "l’ingérence humanitaire" implique clairement le recours à des forces armées. Le cadre juridique international est, à nouveau, celui du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, comme cela a été le cas lors de la guerre du Golfe en 1990-1991 ou en Somalie en 1992.
Il faut encore rappeler que le fait d’amener des secours par la force ne donne aucune garantie quant à leur distribution. De plus, il est indispensable de s’interroger sur l’efficacité de ce concept de déploiement militarisé de l’aide humanitaire. Car l’usage de la force suppose des délais importants et ne permet pas forcément l’amélioration de l’assistance aux populations.
Au contraire, le risque est réel de militarisation et de politisation des secours et donc d’extension des violences. On ne peut pas protéger des convois sans, à un moment ou à un autre, entrer en conflit avec ceux qui occupent le terrain. Cela a été le cas en Somalie en 1992.
"La responsabilité de protéger"Après le génocide au Rwanda, une réforme du Département de Maintien de la Paix des Nations Unies a été entreprise. Car la militarisation de l’assistance humanitaire au nom de « l’ingérence » avait mis en évidence une vraie fragilité de l’action humanitaire : son impuissance face aux violences de masse. Dans ces situations extrêmes, la simple protection de l’aide humanitaire est insuffisante. En gros, elle revient à protéger des convois de matériel et laisser massacrer une population.
En 2001, un groupe d’experts a rendu un rapport au secrétaire général de l’ONU proposant d’intégrer la responsabilité de protéger dans les opérations de l’ONU pour éviter de voir des soldats « protéger la paix » en laissant massacrer les populations.
En 2005 l’Assemblée générale de l’ONU a intégré le principe de "responsabilité de protéger" dans les missions de l’ONU en cas de génocide, crime de guerre et crimes contre l’humanité. En 2006 le Conseil de sécurité a endossé ce principe. Face à une situation de genocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre, l’ONU peut donc examiner les actions à prendre et le Conseil de sécurité peut décider de recourir à la force dans le cadre du Chapitre VII de la Charte. Mais une telle décision d’intervention reste soumise au votre des 5 Etats membres permanents qui ont chacun le droit de veto.