A Phnom Penh, MSF a commencé à prendre en charge les patients atteints du VIH/sida dans l'hôpital de l'Amitié khméro-soviétique (AKS) en 1997. MSF a ensuite introduit les médicaments antirétroviraux. Au fil des ans, le nombre de patients traités à l'hôpital AKS a fortement augmenté. Il s'élevait à 3 660 en 2009 quand MSF a entamé le processus de passation du programme sida aux autorités sanitaires. Maintenant, le moment est venu pour MSF de quitter le service des Maladies infectieuses de l'hôpital AKS.
1997 et 2010 sont deux dates charnières dans l'histoire de Médecins Sans Frontières à l'hôpital de l'Amitié khméro-soviétique (AKS), à Phnom Penh. C'est en 1997 que MSF a ouvert un programme de prise en charge des patients séropositifs et des malades du sida, au service des Maladies infectieuses de l'hôpital AKS. Ce programme a constitué une avancée dans le traitement du VIH/sida, d'autant plus significative que MSF y introduisit en 2001 les antirétroviraux (ARV). Car ces traitements n'étaient alors pas disponibles dans le système de santé publique au Cambodge. Depuis, la situation a évolué au point où les autorités sanitaires ont décidé d'assurer elles-mêmes le traitement du VIH/sida. MSF va quitter en juin 2010 l'hôpital AKS.
Cette passation d'un programme sida n'est pas une première toutefois. MSF avait un autre programme sida à l'hôpital provincial de Kampong Cham, au nord-est de Phnom Penh, et l'équipe MSF a passé le relais en 2009 aux autorités sanitaires qui prennent désormais en charge les patients atteints du VIH/sida. A l'hôpital AKS, le transfert des activités avait commencé dès 2008 pour une fin programmée en décembre 2009 mais l'échéance de la passation a été repoussée à juin 2010, à la demande des autorités sanitaires.
Transférer les 3 660 patients VIH suivis au service des maladies infectieuses de l'hôpital AKS, en fait la plus grosse cohorte de patients VIH à Phnom Penh, prend nécessairement du temps. Il a fallu, pas à pas, réintégrer les différentes composantes du programme sida dans l'hôpital AKS avec le NCHADS (National Center for HIV/Aids, autrement dit le programme national de lutte contre le sida).
La première chose a été de stabiliser la taille de la cohorte de patients qui était en forte croissance. Ce sont tout d'abord les 205 enfants suivis au service des maladies infectieuses qui ont été transférés dans le service Pédiatrie de l'hôpital. Les autorités sanitaires ayant mis en oeuvre une politique de décentralisation des soins qui s'est traduite par la création de 52 centres ARV de traitement pour le VIH/sida, des patients venant de province suivis à AKS ont ainsi pu être dirigés vers leur région d'origine désormais dotée d'un centre ARV. Toutefois moins de la moitié des 950 « patients de province » ont quitté Phnom Penh. Les autres n'ont pu être transférés faute de traitement de deuxième ligne dans les centres ARV ou parce qu'ils se sont installés pour de bon dans la capitale où ils ont un emploi, leur famille... ou pour ne pas être victime de discrimination.
Les critères d'inclusion dans le programme de traitement ont par ailleurs été revus de manière à intégrer uniquement les cas sévères, soit les patients des stades 3 et 4 dans le classement de l'OMS. Quant aux femmes enceintes qui constituent une catégorie de patients à part car elles doivent faire l'objet d'un traitement complémentaire pour prévenir la transmission du VIH/sida à l'enfant, elles sont désormais suivies à la maternité de l'hôpital AKS qui bénéficie du soutien d'une ONG. Les patients co-infectés par la tuberculose multirésistante ont été transférés au service de pneumologie d'AKS.
Naturellement, bon nombre de patients sont toujours suivis au service des Maladies infectieuses de l'hôpital AKS. Mais ils ont eux aussi vu des changements. Le personnel MSF qui assurait les consultations externes et soignait les patients hospitalisés a été remplacé par du personnel du ministère de la Santé. De même, l'éducation thérapeutique ou « counselling » (l'information sur la maladie et les conseils pour la bonne observance du traitement antirétroviral) a progressivement été transférée à l'Antiretroviral Users Association (AUA). Et avant de se retirer, MSF a fourni un appui aux éducateurs thérapeutiques d'AUA pour qu'ils s'approprient les protocoles de traitement. Enfin deux médecins et quelques infirmiers MSF sont restés un peu plus longtemps, jusqu'en mars 2010, pour superviser l'activité en hospitalisation.
Au-delà des patients, il a fallu également prévoir les moyens nécessaires pour leur traitement. Si les antirétroviraux étaient déjà en partie fournis par le NCHADS depuis 2007, il en allait autrement pour les médicaments servant à traiter les maladies opportunistes. Comme ce besoin était pourvu par MSF, les autorités sanitaires ont dû prendre le relais. Or il y a eu des ruptures d'approvisionnement pour les patients hospitalisés. Pour pallier ce problème, MSF fournira donc certains de ces médicaments essentiels jusque juin 2010. De même, les frais encourus pour les examens de laboratoire, les radios, les prélèvements... sont encore pris en charge.
Deux mois avant son départ programmé, MSF s'est presque totalement désengagé des activités médicales. En revanche, son implication financière ne cessera qu'en juin. Jusque là, MSF continuera de verser les compléments de salaires au personnel de l'hôpital AKS en charge du programme VIH/sida.
La fin programmée pour juin prochain du programme sida à l'hôpital AKS à Phnom Penh n'entraînera pas pour autant le départ de MSF du Cambodge. Une autre équipe MSF prend en charge les patients souffrant de la tuberculose dans l'hôpital provincial de Kampong Cham.