La tuberculose constitue un grave problème de santé publique du Cambodge, avec un taux de prévalence parmi les 20 plus élevés au monde. Malnutriton, VIH/sida, mauvaises conditions d'hygiène… Les causes sont multiples.
Depuis 1994, MSF travaille à l'hôpital de Kampong Cham. En 2008, un nouveau service dédié à la tuberculose et la rénovation du laboratoire ont permis d’élargir la prise en charge aux enfants, aux adultes souffrant de tuberculose résistante aux médicaments et aux patients co-infectés par la tuberculose et le VIH. Outre la prise en charge hospitalière, l'éducation communautaire, le traitement direct sur le terrain et le suivi des patients souffrant de tuberculose sont au cœur de la stratégie MSF. Les avancées de ce projet pilote sont régulièrement partagées avec le gouvernement cambodgien pour renforcer les stratégies du programme national de lutte contre la tuberculose.
Du dépistage passif au dépistage actif
Pour améliorer le dépistage au sein de l’hopital, MSF a mis en service un nouveau test de diagnostic rapide. De plus, des équipes MSF travaillent avec les médecins du ministère de la Santé dans les autres services de l'hôpital pour identifier les cas suspects, en particulier dans le service pédiatrique, car il est très difficile de déceler la maladie chez les enfants.
MSF a également introduit la recherche active de contacts dans les communautés où un patient est suivi. Jusqu’alors, le dépistage reposait uniquement sur les patients se rendant d'eux-mêmes à l'hôpital. En pratique, des conseillers de santé informent les patients nouvellement diagnostiqués sur la maladie, identifient les proches ou les collègues avec lesquelles ils ont été en contact, et approchent ces derniers pour leur proposer de se faire dépister gratuitement. « L'objectif de la recherche de contacts est de se rendre au sein de la communauté pour dépister activement les malades potentiels », explique le docteur Adam Liu, médecin MSF. « Nous voulons ainsi réduire au minimum les futurs cas de tuberculose et le nombre de patients susceptibles de transmettre la maladie dans la communauté.»
Les personnes identifiées se voient proposer d’être emmenées à l'hôpital pour se faire dépister. Si les tests sont positifs, elles sont mises sous traitement et reçoivent un accompagnement de suivi, le tout gratuitement. Chaque année au Cambodge, environ 500 nouveaux cas de tuberculose sont recensés pour 100 000 habitants, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il est donc irréaliste de vouloir diagnostiquer autant de personnes. C'est pourquoi le dépistage proactif ciblé est si important. « Les personnes qui ont été en contact étroit avec les malades présentent un risque d'infection plus élevé que la population en général », ajoute Jean-Luc Lambert, chef de mission MSF.
En moyenne, environ 70 % des personnes identifiées grâce à la recherche de contacts se rendent à la clinique pour une consultation.
Prise en charge des patients
Madame S., 45 ans, a rejoint le programme de traitement de MSF peu après le décès de son mari en 2010, infecté par la tuberculose. Elle a été diagnostiquée comme multirésistante. Elle habite à 40 km de l'hôpital dans un village isolé et doit s'occuper de ses quatre enfants. « Au début, je souffrais d'effets indésirables. J'avais de la fièvre, des vertiges, des migraines et des douleurs abdominales. C'était très dur », se rappelle S. « J'ai voulu arrêter mon traitement, mais lorsque j'ai vu les autres patients tenir le coup, j’ai eu envie de continuer, même si c'était difficile. » Les sessions de groupe sur la maladie et d'accompagnement par les pairs de MSF, pour aider les patients sous traitement à mieux comprendre et supporter les sévères effets secondaires du traitement, constituent une aide précieuse. En outre, les équipes lui rendent régulièrement visite, notamment pour s'assurer que sa famille a assez à manger. « Si je n'ai rien à manger, je me sens très mal et les effets secondaires sont plus durs à supporter », explique-t-elle. Une infirmière de village lui rend visite quotidiennement pour lui apporter ses médicaments et l'aider à continuer à adhérer à son traitement. « Avant, j’étais une villageoise comme les autres. Mais aujourd'hui, mes proches me rendent à peine visite, sans jamais rester longtemps. Ils savent que j'ai la tuberculose… »
Prévention de la pharmacorésistance
Si un traitement contre la tuberculose classique dure environ 6 mois, la tuberculose résistante nécessite jusqu'à deux ans de prise en charge ainsi que des médicaments plus chers, dont les effets indésirables sont sévères.
La tuberculose résistante se développe chez les patients qui arrêtent leur traitement de la tuberculose classique prématurément, il est donc primordial que chaque malade suive son traitement jusqu'à la fin. Cela nécessite une éducation thérapeutique et un suivi individuel lors du démarrage de la phase de traitement à domicile.
« Si le suivi n'est pas bon, il y a de grandes chances pour que le patient abandonne son traitement. Très souvent, les patients sous traitement ont tendance à se sentir mieux après quelques semaines ou quelques mois, et ils pensent qu'ils n'ont plus besoin de prendre leurs médicaments », raconte Manesha Ahluwalia, médecin MSF.
Depuis janvier 2010, les équipes MSF ont réalisé plus de 6 000 consultations à l’unité tuberculose de l'hôpital de Kampong Cham. Plus de 600 nouveaux patients ont été mis sous traitement. Outre les nombreuses consultations de suivi et visites à domicile des patients atteints de tuberculose résistante, une ligne téléphonique a été mise en place pour offrir un contact direct aux patients externes.
Sans le cadre des activités communautaires, un médecin et un conseiller de santé MSF participent à une émission de radio éducative sur la tuberculose deux fois par mois et organisent régulièrement des séminaires de sensibilisation dans les pagodes, universités, lycées, mosquées… Toutes ces activités de sensibilisation ont pour objectif d'améliorer la compréhension de la tuberculose et de son traitement au sein de la communauté, et de réduire la stigmatisation des malades.
« Nous ne gagnerons pas la bataille contre cette maladie si nous nous contentons d'intervenir à l'hôpital. C'est à l'extérieur, au sein même de la communauté, que nous pouvons agir plus efficacement, avec des outils comme le dépistage proactif ciblé, des soins de qualité, des pratiques de suivi complètes et des activités de sensibilisation efficaces », conclut le chef de mission Jean-Luc Lambert.