Bienvenue à Bekily ! Bienvenue surtout au bout du monde !
Nous quittons la ville de Fort Dauphin, situé sur la côte pacifique au sud-est de l’île dès l’aube. 12 heures de pistes chaotiques nous attendent pour nous rendre à Bekily, une ville d’environ 14 000 habitants située, dans la région de l’Androy, plein sud de l’île.
D’une région côtière, fertile, où tout pousse (bananes, litchis, riz …), nous nous enfonçons, kilomètre après kilomètre, dans des terres de plus en plus désertiques et désertes.
Sur la route au départ de Fort Dauphin : on quitte une région fertile. Ici les rizières.
L’Androy, littéralement « le pays des épines » portent bien son nom. Ici, rien ne semble pouvoir résister à la chaleur écrasante de ce désert de terre et de rocailles hormis les «raketa», les cactus, ou encore les aloès et baobabs nains.
La faune se fait elle aussi rare que l’eau, qui, les meilleures années tombe à peine trois mois sur douze et de manière discontinue. Seuls quelques lémuriens ont pris possession des forêts de didiéreacées, ces branches allant jusqu’à plusieurs mètres de haut, hérissés d’épines et de minuscules feuilles.
Puis les étendues de ces drôles de cactus, les didiéreacées, où les lémuriens ont élu domicile.
Les plantations de Sisal dont les fibres serviront à la fabrication de nombreux sacs, sets de table et autres objets de décoration.
La nature semble hostile. Quelques flamboyants éparses viennent ici et là colorer le ciel, les manguiers chargés à bloc en cette saison, rassurent.
On comprend en arrivant dans la région d’Androy pourquoi les colons ont eu tant de mal a « envahir » les lieux et venir à bout de son peuple les « antandroy », pas vraiment enclins à suivre les Vazahas (les étrangers).
Les paysages sont néanmoins somptueux et l’on peut parcourir des kilomètres et des kilomètres sans voir âme qui vivent. Drôle d’impression d’immensité. Alors, quand soudain, au détour d’un énième kilomètre de piste, la route laisse enfin entrevoir les premiers signes de vie d’un village, on est surpris, presque rassuré après tant d’heures parcourues sans croiser âmes qui vivent (hormis deux grands hameaux). Bekily … bout du monde.
Villages Antandroy
En effet, ici, on est très loin de tout, de la coordination en capitale tout d’abord, et du reste du monde, ensuite. On est loin de la soi-disant mission cocotier dont tout le monde parle au siège à Paris. Souvent au détour d’une conversation ça ricane « ah, ben y’a pire comme mission ! ». Oui, il y a pire sans aucun doute mais ce n’est pas si « friendly » que cela. Les équipes vivent en vase clos et sont en plus confrontées à toutes les traditions qui régissent les habitudes de vie des habitants et celles du personnel de santé. Il y a ce décryptage obligatoire de traditions, de pratiques bien encrées qui nous obligent à étudier pour mieux comprendre, comprendre pour mieux faire. Depuis plusieurs mois on parle d’envoyer un ethnologue, non qu’il trouvera forcément des recettes miracles mais peut-être quelques pistes pour mieux décrypter le rapport des populations à la santé et notamment, celles autour de l’accouchement.
Paradoxalement, les femmes finissent par venir à l’hôpital de Bekily que MSF soutient ou aux centres de santé, mais seulement quand il y a des complications et que les méthodes traditionnelles d’accouchement n’ont pas fonctionné. Bien souvent, il est trop tard, pour l’enfant d’abord, pour la mère parfois. Mais c’est aussi tout l’intérêt de ce projet, essayé de comprendre qu’est-ce qui guide les gens à venir ou non se faire soigner et qu’est-ce qu’MSF pourra au final y changer ? Bonne question.