Dans le village de Salem, situé près de Naplouse, Wissam, psychologue MSF, a rendez-vous pour la deuxième fois avec Um Taha. Cette dernière a 48 ans. Son mari est décédé il y a 5 ans, elle vit seule à Salem avec ses 9 enfants. Un ses fils de 28 ans a récemment été arrêté par l’armée israélienne. L’armée a fait irruption la nuit dans sa maison. Ils ont violemment battu Um Taha et l’ont mis en joue avec une arme à feu. Ils ont aussi saccagé la maison en détruisant tout ce qui leur tombait sous la main. Son fils a été condamné à 7 ans de prison. Depuis l’arrestation, Um Taha ne dort plus et fait des cauchemars, elle est devenue dépressive et espère retrouver une vie normale en parlant de ses problèmes à Wissam.
En Cisjordanie et à Jérusalem Est, 70% de la population (estimée à 2,6 millions d’habitants), vit dans un territoire sous contrôle de l'armée israélienne. Environ 520 000 colons israéliens y sont installés. La colonisation génère une violence et une pression psychologique dont sont victimes les palestiniens.
Depuis 2004, MSF mène à Naplouse un programme psycho-médico-social. Les patients que rencontrent les équipes MSF présentent des syndromes post traumatiques, ils souffrent de stress aigu, de troubles anxieux et de dépression. Autant de souffrances qui entravent leur vie quotidienne. Les techniques utilisées par les équipes pour les thérapies psychologiques sont basées sur l'échange oral, les outils cognitifs et comportementaux, la relaxation, le jeu ou le dessin, etc. Certaines maladies (dépression, anxiété) nécessitent un traitement médical en parallèle.
La session terminée, Wissam se rend à Jaloud, un petit village entouré par quatre colonies israéliennes. Elle souhaite rendre visite à une ancienne patiente et à sa fille. Um Fawaz a 56 ans mais en paraît davantage. Elle est née et habite à Jaloud. Les incursions des colons sont fréquentes, ils se rendent dans le village, armés de bâtons, parfois même d’armes à feu, jettent des pierres sur les fenêtres des maisons, entrent chez les habitants et les menacent, ils leur font peur. La violence et les intimidations sont quotidiennes.
Au mois de mai dernier, la fille d’Um Fawaz, Soulafa, âgée de 11 ans, était à l’école lorsque des colons ont tenté d’entrer dans les classes. Soulafa comme les autres enfants était terrorisée. « Heureusement, les professeurs ont fermé les portes de l’école et au bout d’un moment, les colons sont partis. Mais maintenant, j’ai toujours peur pour ma fille lorsqu’elle va en cours », raconte Um Fawaz.
Après quelques minutes de conversation, Um Fawaz souhaite montrer à Wissam le champ d’oliviers en contrebas du village. Les colons en ont brûlé une dizaine il y a quelques jours. Les colons souhaitent que les Palestiniens quittent leurs maisons, quittent leur terre. Um Fawaz ne partira pas. Le prix à payer ? Vivre chaque jour dans la peur et l’insécurité. Pendant six mois, Um Fawaz a été suivie par un docteur, un travailleur social et une psychologue MSF, un moyen de parler de la souffrance qu’elle ressent, de mieux faire face à cette violence subie à laquelle il est difficile voire impossible d’échapper. Par ces séances et avec l’aide d’un docteur et d’un travailleur social, MSF tente malgré tout de rétablir un niveau acceptable de santé médicale et psychologique. Une approche thérapeutique multi disciplinaire qui permet d’accompagner pleinement le patient pour l’aider à se reconstruire.
Comme à Naplouse, MSF mène un programme psycho-médico-social à Hébron et à Jérusalem-Est. MSF travaille dans les territoires occupés palestiniens depuis 1989 et à Gaza depuis 2000.