Aamil, âgé de 30 ans, travaillait à Jérusalem. Tout allait pour le mieux jusqu’à ce que le mur soit construit et Aamil aussitôt a perdu son emploi. Aamil vit à Hébron. Grâce à des contacts, on lui a offert la possibilité de passer le mur par Hébron. L’occasion pour Aamil de pouvoir travailler de nouveau et d’économiser un peu d’argent pour organiser son futur mariage. « C'était la première fois que je tentais de retourner à Jérusalem sans permis », raconte-t-il.
On lui a dit où se placer le long du mur, ce mur controversé construit par Israël pour se prémunir des attaques terroristes. Suivant les recommandations de ses camarades, Aamil a attendu à l’endroit qu’on lui avait indiqué. D’autres travailleurs palestiniens comme lui sont arrivés pour franchir le mur. L’un après l’autre, ils ont grimpé sur des cordes qui avaient été auparavant attachées et utilisées par d'autres avant eux. Il était cinq heures de l’après-midi. « Lorsque nous sommes arrivés en haut du mur, nous avons regardé en bas, les soldats étaient déjà là », raconte Aamil.
« Nous vous attendions », ont dit les soldats. Aamil, troublé, se souvient : « Je suis resté là-haut, hésitant, je ne savais plus quoi faire ».
« Descendez, nous n'allons pas vous faire de mal. On va vous accompagner jusqu’au point de contrôle et vous pourrez sortir, » disaient les soldats.
Je suis resté un long moment en haut du mur, je tentais de discuter avec eux.
« Nous voulons juste travailler, disaient les hommes sur le mur.
- Jetez vos papiers d’identité et descendez, on vous conduira au poste de contrôle sans vous faire de mal, ont ordonné les soldats.
- Promis ?
- Oui, promis », ont répondu les Israéliens.
Aamil continue l’histoire : « Je suis descendu. Mais avant même que je touche le sol, les soldats m’ont saisi les jambes, ils m’ont battu et se sont moqués de moi. Ils m'ont forcé à chanter. Quatre des soldats m'ont à nouveau frappé très fortement. Dans l'estomac, au pancréas, au visage. Mon nez a commencé à saigner, ils m’ont fracturé le bras. Ils me demandaient si j'étais du Hamas ou du Fatah. Ensuite, ils m'ont emmené dans une jeep ».
Aamil pensait alors que les soldats l’emmenaient en prison. La jeep a franchi le mur et s’est éloignée vers les collines. Dans un endroit au milieu de nulle part, les soldats ont sorti Aamil de la voiture et l’ont laissé là, seul.
« Je n’arrivais même pas à crier. J’ai voulu appeler quelqu’un mais je n'avais pas de crédit sur mon téléphone mobile. J’ai pensé que j'allais mourir là. Plusieurs heures ont passé ». Un de ses amis à Hébron a reçu un appel du constructeur pour lequel Aamil devait travailler et qui était au courant que ce dernier devait passer le mur. Aussitôt son ami a appelé Aamil qui a tenté de lui expliquer où il pensait se trouver. L’ami a ensuite appelé une ambulance. « Il leur a fallu un long moment pour me retrouver. Ils ne trouvaient pas la colline où les soldats m’avaient laissé. Comme la nuit était tombée, ils ne pouvaient pas me voir. Après, je me suis évanoui. »
L'ambulance a finalement trouvé Aamil vers une heure du matin et l’a transporté à l’hôpital. Bilan médical : fractures du bassin, du coude et du poignet, rupture de la vessie. Aamil a passé six mois à l’hôpital durant lesquels il a bénéficié d’un suivi psychologique des équipes MSF. « Je suis tombé en dépression, j’étais une âme brisée…, confie Aamil. Ma copine a rompu les fiançailles, elle m’a dit que j’étais devenu un autre homme. »
Aamil souffre encore aujourd’hui des séquelles de sa terrible agression. Il consulte un physiothérapeute et retrouve peu à peu l’usage de ses bras. Il réapprend aussi à marcher car il boite. En tant qu’ouvrier dans le bâtiment, il sait qu’il lui sera difficile voire impossible de trouver à nouveau du travail dans son état. Malgré cela, Aamil tente de garder espoir.