Côte d'Ivoire - Chirurgie de guerre à Bangolo

Martial Ledecq chirurgien MSF à Bangolo
Martial Ledecq, chirurgien MSF à Bangolo © Jean-Marc Jacobs

Du 28 au 30 mars, une flambée de violence a causé la mort de centaines de personnes et de graves blessures à des centaines d'autres dans la zone de Duékoué dans l'ouest de la Côte d'Ivoire. Une équipe chirurgicale de MSF a pris en charge un grand nombre de ces blessés de guerre à l'hôpital de Bangolo. Martial Ledecq, le chirurgien MSF à Bangolo, raconte.

« Je suis arrivé dans l'ouest de la Côte d'Ivoire le dimanche 27 mars. Le lundi matin, nous étions encore en plein préparatifs lorsque nous avons reçu les premiers blessés. La grande offensive du 28 mars venait de débuter.

Nous avons d'abord reçu des blessés légers, qui le plus souvent avaient pu se rendre à l'hôpital par leurs propres moyens. Puis ce sont deux gros camions qui sont arrivés, transportant de nombreux patients. Nous avons alors réalisé l'importance de notre « plan catastrophe » pour l'hôpital, élaboré par MSF plus de deux mois auparavant. Ce plan nous a permis de faire efficacement le tri entre les blessés légers et les cas les plus graves.

Pendant deux jours et deux nuits complètes, nous sommes restés dans l'hôpital tant le nombre de patients était élevé. Nous avons opéré jour et nuit en essayant de stabiliser les cas les plus sévères. Malgré tous nos efforts de réanimation et chirurgicaux, deux personnes sont décédées.

Suite aux tensions qui ont touché la zone, pratiquement tout le personnel médical et administratif a fui l'hôpital de Bangolo. Quand l'équipe de MSF est arrivée, il restait un chirurgien, un anesthésiste et quatre infirmiers. Mais à Duékoué, où le conflit a été extrêmement dur, l'hôpital n'était pas opérationnel, et il n'y a pas de chirurgie possible. L'hôpital de Bangolo a donc été une ressource essentielle pour opérer les blessés.

En une semaine, nous avons reçu près de 150 blessés dont une bonne partie souffrait de blessures mineures, ne nécessitant pas nécessairement de passer par le bloc opératoire. La plupart des patients sont arrivés à l'hôpital plusieurs jours après avoir été blessés, notamment parce qu'ils sont restés cachés dans la brousse. Ces blessures « vieillies» posent des problèmes de surinfection.

La chirurgie de guerre consiste à nettoyer les plaies pour enlever tous les tissus qui sont morts et surtout à immobiliser les fractures qui vont mettre des mois à guérir... si elles guérissent un jour.

 

La plupart des patients sont arrivés à l'hôpital plusieurs jours après avoir été blessés, parce qu'ils sont restés cachés dans la brousse. Ces blessures « vieillies» posent des problèmes de surinfection.
Martial Ledecq, chirurgien MSF à Bangolo

Aujourd'hui, tous les blessés sont stabilisés. Ils n'ont plus de fièvre, ils déambulent. Mais leurs problèmes ne sont certainement pas résolus. En effet, les soins consistent en des soins chirurgicaux, obéissant à des règles bien précises. Mais beaucoup de gens ont été blessés par une arme à feu, une machette ou une bastonnade ; ils ont vu un ou plusieurs membres de leur famille tués ; leur village brûlé.

La violence qui s'est manifestée ici de manière on ne peut plus brute a fait s'évaporer la valeur d'une vie humaine. Pour un temps, il n'y a plus eu d'entraide, plus de droit, plus de justice, plus de fraternité. Les gens se sentent humiliés par les blessures qu'ils ont encourues.

C'est pourquoi en plus des soins chirurgicaux techniques, il faut essayer de rendre à ces gens cette dignité. Cela se fait par des échanges simples comme: «Bonjour», «comment tu t'appelles ?», «est-ce que tu as mangé?», «est-ce que tu as dormi ?», «raconte moi». Cette attitude se répand petit à petit dans l'hôpital. Je sens et je vois que dans l'hôpital de Bangolo, le personnel ivoirien et les patients reprennent petit à petit foi dans ces valeurs humaines qui ont été bafouées par la violence. »

 

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