Côte d’Ivoire : dans le quotidien de la maternité MSF de Katiola

Kpaktitcho maman de jumeaux à la maternité de Katiola en Côte d'Ivoire
Kpaktitcho maman de jumeaux à la maternité de Katiola en Côte d'Ivoire © BernardGuillon/MSF

En juillet 2014, en collaboration avec le ministère ivoirien de la Santé, MSF a initié ses activités materno-infantiles dans le Centre Hospitalier Régional de Katiola, une ville située à 55 km au nord de Bouaké, dans la région centrale du Hambol, en Côte d’Ivoire. L’objectif du projet est d’accompagner et d’offrir des soins de qualité aux femmes enceintes et à leurs nouveau-nés. MSF prend en charge les urgences gynécologiques, obstétricales et néonatales. En novembre 2014, les équipes médicales ont pratiqué 170 accouchements dont 19 par césarienne.

De janvier à février 2014, le Dr Bernard Guillon, gynécologue obstétricien, a travaillé dans la maternité ouverte par MSF et le ministère ivoirien de la Santé à Katiola, dans une région ou la mortalité maternelle et infantile représente un grave problème de santé publique. Il raconte trois parcours de patientes.

« Kpaktitcho a accouché sans difficulté de jumeaux, un garçon et une fille. Elle n’avait pas fait toutes les visites prénatales, loin de là, mais elle était en bonne santé et a travaillé dans les champs jusqu'à la fin de sa grossesse. Par contre, ses nouveau-nés sont petits : 1,8 kg pour la fille et 1,7 kg pour le garçon. Ils sont chacun enveloppés dans un pagne.

S’il fait 33° le jour, il ne fait parfois « que » 25° la nuit. La petite fille est tonique et tête goulûment le sein. Mais le petit garçon a plus de difficultés et, rapidement, il se déshydrate. Nous demandons l’avis du pédiatre de l’hôpital qui décide de lui poser une perfusion. Mais, malgré la lampe chauffante, sa température tombe à 35,6°. Hypotonique, il n’a pas de réflexe de succion. Nous lui donnons donc le lait de sa mère avec une seringue : il avale difficilement. Je recommande alors de placer l’enfant en peau à peau contre sa mère. Après une heure de ce traitement simple et peu coûteux, la température du bébé remonte à 36,7°, il commence à ouvrir les yeux et à prendre le sein de sa mère.

Le lendemain matin, nous appliquons le même traitement et cette fois, après deux heures de peau à peau, le bébé se manifeste et se met à téter avec énergie. Après quelques jours, les deux nourrissons de Kpaktitcho ont repris du poids et l’équipe, soulagée, a pu regarder la famille reprendre la route de son village ».

Maternité de Katiola, en Côte d'Ivoire, ouverte par Médecins Sans Frontières en juillet 2014

Maternité de Katiola, janvier 2015. © Bernard Guillon/MSF

Des heures de pistes pour arriver à la maternité

« Toutes les histoires ne se terminent pas aussi bien. Je me souviens d’une femme dont, malgré tous nos efforts, nous n’avons pas pu sauver les bébés. Souvent, les patientes nous sont envoyées par des centres de santés éloignés. Or ces futures mamans ont déjà dû, parfois, parcourir de nombreux kilomètres pour les atteindre. La nuit, les moyens de transport ne sont guère disponibles, les pistes sont mauvaises et il n’y a pas d’éclairage. Alors c’est dangereux de se déplacer. Même si elles ont des contractions et que le travail a commencé, les mamans attendent bien souvent que le jour se lève pour se rendre dans une structure de santé. Et, si jamais il y a une complication, les conséquences peuvent être dramatiques.

En début de grossesse, Hatichitcho avait bénéficié de deux consultations avec une sage-femme. Mais, par le passé, elle avait dû accoucher deux fois par césarienne, ce qui aurait nécessité un suivi plus régulier et la programmation de son accouchement dans une structure adaptée. Or Hatichitcho n’a pas revu la sage-femme et rien n’avait été préparé. Au centre de santé, son bébé, assez costaud, se présentait par le siège. Elle a donc été envoyée vers l’hôpital afin de pratiquer une césarienne et ainsi éviter la rupture de son utérus. Malheureusement, le délai était trop long et le bébé était mort à leur arrivée à Katiola. Hatichitcho a été rapidement préparée pour l’intervention. Personne n’a osé lui dire tout de suite que son enfant était décédé, ni le personnel, ni la famille qui l’accompagnait. Le lendemain matin, nous avons dû lui annoncer la triste vérité et faire face à son chagrin. Elle a quitté l’hôpital au bout de quelques jours, sans complications médicales, et avec des recommandations très strictes pour sa prochaine grossesse. »


Maternité de Katiola, janvier 2015. © Bernard Guillon/MSF

Des femmes enceintes souffrant de plusieurs pathologies

« D'autres histoires se terminent mieux. C'est le cas d'Adjare, qui a accouché de son premier enfant au centre de santé de Tafiré, à environ 80 km de Katiola : un beau garçon en pleine santé. Elle avait dû emprunter une « moto taxi » et de mauvaises routes pour se rendre de son village à Tafiré.

Mais Adjare nous a été référée six jours après son accouchement. A nouveau, il lui a fallu enfourcher une moto taxi, avec sa tante qui devait prendre soin d’elle pendant son hospitalisation. Adjare présentait une persistance anormale des saignements postpartum ainsi qu’une anémie très sévère. Les examens pratiqués à son arrivée ont montré qu’elle avait contracté le paludisme, cumulé à une infection sévère de l’utérus et à une crise de drépanocytose (maladie génétique responsable d’une anomalie de l’hémoglobine contenue dans les globules rouge). Adjare est Peule et la tradition de cette communauté veut que les femmes enceintes se nourrissent de lait et de farine pendant la grossesse. Cette alimentation très carencée favorise les anémies. Le paludisme, endémique en Côte d’Ivoire, aggrave encore la situation et pour certaines femmes, la drépanocytose finit de compliquer les choses.

Adjare est restée plusieurs jours hospitalisée et a reçu un traitement antibiotique. Sans cela elle serait morte de ce que l’on appelait autrefois en France « les fièvres puerpérales ». Son paludisme a été traité et son alimentation rééquilibrée. Elle a aussi été transfusée. Puis, elle a pu repartir avec son bébé et sa tante, toujours en moto, jusqu’à son village ».

Notes

    À lire aussi