Pour quelle raison MSF a quitté les hôpitaux d’Abobo à Abidjan ?
La situation d’urgence médicale est terminée. Quand nous avons commencé à travailler à Abidjan, notre objectif était précisément de répondre à l’urgence, née de la crise et des violences. En février, l’hôpital d’Abobo Sud était fermé et le personnel médical était parti. Nous avons rouvert l’hôpital et agrandi ses capacités. Le système de santé qui était paralysé par la crise politique et le conflit armé fonctionne maintenant normalement. Le personnel a repris son travail. Il n’y a plus de blessés. Les hôpitaux ont retrouvé leur niveau d’activité d’avant le conflit. De plus, même si sa mise en œuvre est difficile, la gratuité des soins a été décrétée par le gouvernement pour quelques mois. Notre départ s’inscrit dans cette situation de normalisation. Les équipes MSF ont quitté l’hôpital d’Abobo Sud le 15 août et celui d’Houphouët-Boigny le 31 août, après avoir fait une donation de médicaments pour un mois.
Qu’a fait MSF à l’hôpital d’Abobo Sud pendant ces six mois ?
Nous avons eu des activités d’une ampleur vraiment considérable et imprévue. L’hôpital se trouvait en fait près de la ligne de front entre les troupes pro-Gbagbo et les forces pro-Ouattara. Et il est devenu l’hôpital de référence pour les blessés de guerre et tous les cas de traumatologie à Abidjan. Je me souviens de journées particulièrement violentes : le 3 mars où les femmes avaient organisé une marche. Le 17 mars, un obus était tombé sur le marché d’Abobo et nous avons reçu 66 blessés. Puis pendant la bataille d’Abidjan début avril, nous avons eu, un jour, plus de 100 patients blessés.
A part cela, la maternité a représenté une grosse activité. Nous avons fait 4 355 accouchements en moins de six mois et aussi 544 césariennes. Vu les besoins, nous avons dû porter à 130 lits la capacité d’hospitalisation d’Abobo Sud qui n’était au départ qu’un centre hospitalier de 20 lits et ouvrir des programmes dans deux autres hôpitaux du Nord d’Abidjan : à Anyama et Houphouët-Boigny.
L’urgence médicale n’a toutefois pas pris fin avec l’arrêt des affrontements ?
Non, après l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril, la demande de soins de santé n’a pas fléchi. Au contraire. La population qui était restée terrée chez elle est sortie. A la fin avril et en mai, nous avons pris en charge beaucoup d’urgences chirurgicales, médicales et pédiatriques. De plus, c’était l’affluence pour les consultations médicales au point que dès 4 heures du matin, des centaines de personnes attendaient devant la porte de l’hôpital pour se faire soigner. Nous avons été débordés par les urgences pédiatriques. Au total, 5 078 enfants ont été hospitalisés. Beaucoup d’enfants souffraient de paludisme, souvent sous une forme sévère, avec des complications neurologiques ou de l’anémie. Ce n’est qu’à partir de juillet que l’épidémie de paludisme a commencé à se stabiliser.
Quel bilan peut-on faire des opérations menées à Abidjan ?
MSF a pu répondre à des besoins très importants à Abidjan. Le désengagement s’est ensuite bien déroulé. Comme nous avions aussi apporté un soutien à plusieurs centres de santé d’Abobo, cela a facilité le désengorgement de l’hôpital d’Abobo Sud et d’Houphouët-Boigny ainsi que la reprise du système de soins. Autre point positif, l’hôpital d’Abobo Sud peut assurer les urgences pédiatriques et médicales. Il a maintenant un service de 10 lits que nous avons aménagé avec tout le matériel nécessaire et un bloc opératoire que nous avons réhabilité et bien équipé. Cela étant, les nouvelles autorités vont devoir renforcer les structures sanitaires dans le nord d’Abidjan car elles sont nettement insuffisantes dans ce quartier d’Abobo qui compte plus de 1,7 millions d’habitants.
Dans l’immédiat, les autorités doivent régler un autre gros problème. C’est celui de l’approvisionnement en sang des structures sanitaires. La demande de transfusion est de plus en plus importante sans qu’il soit possible d’y répondre. Ce qui entraîne des décès qui peuvent être évités si des mesures urgentes sont prises.
MSF reste cependant en Côte d’Ivoire ?
Oui, dans l’Ouest du pays. Là-bas, les violences n’ont pas cessé, des établissements médicaux ont été pillés, voire détruits. Un appui est nécessaire pendant quelque temps pour que la population ait accès à des soins de santé. Nous avons donc toujours des équipes qui travaillent à Guiglo, Duekoué et Bloléquin notamment. Et une équipe est présente dans l’hôpital de Port-Bouët jusque fin septembre.
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