Ce matin, le ciel est gris à la Porte de Saint-Ouen et la température ne dépasse pas zéro degré. A quelques pas du périphérique, coincées entre les immeubles et un stade de foot, des personnes en vestes de couleurs vives distribuent de la nourriture, café et petit-déjeuners, à des dizaines de personnes, les « inconfinables » de la pandémie de Covid-19 : sans-abris de longue date, personnes tombées dans la précarité durant la crise, migrants privés de solution d’hébergement.
Depuis le 20 novembre, Médecins Sans Frontières a intensifié son intervention à destination des personnes à la rue via une clinique mobile présente cinq jours par semaine à proximité de lieux de distributions alimentaires dans Paris. Composée d’un médecin, de deux infirmiers, d’un logisticien et d’un travailleur social, cette clinique offre des soins de santé primaires, de l’information et un dépistage Covid-19 à toutes personnes se trouvant à la rue.
Les personnes à la rue, et plus largement celles qui vivent dans une grande précarité, renoncent souvent à rechercher des soins ou ne consultent que très tardivement. « En se plaçant à côté des distributions alimentaires, nous rencontrons les personnes qui sont le plus en difficulté. Elles vont manger ici et elles nous voient, on est à côté », explique Jean-François Véran, coordinateur de projet.
Nicolas, travailleur social, va à la rencontre des personnes installées sur les bancs pour manger. Il écoute, conseille, oriente : vers un hébergement pour femmes seules, une association qui accompagne les usagers de drogue, une autre qui aide les demandeurs d’asile dans leurs démarches. Et pour ceux qui ont besoin de voir un médecin, la clinique mobile est à deux pas, où les soins sont gratuits pour tous.
Dans la file d’attente, les futurs patients sont reçus par Mathieu et Akram qui enregistrent leur nom, le motif de leur consultation et proposent un nouveau café. La Covid-19 est venue grossir et remodeler un paysage de la rue déjà pluriel. Ainsi, de nombreuses personnes ont perdu leur source de revenus et n’avaient jamais fréquenté de distributions alimentaires auparavant, d’autres n’ont pas pu renouveler leur couverture maladie ou ne savaient pas qu'elles pouvaient en demander une. Presque tous ont perdu leurs repères avec la fermeture ou le fonctionnement modifié de leurs structures de soins habituelles et des associations qui les accompagnent, et ne savent plus vers qui se tourner.
Ce matin, Christine*, doudoune et masque roses, partage le même banc que Bilal*, demandeur d’asile afghan de 31 ans. La première est confuse et dit s’être échappée d’une clinique qui voulait la placer en Ehpad. Le second a été chassé du camp de Saint-Denis, puis de celui de la place de la République et vit depuis « dans des parcs, à Saint-Denis, à la Chapelle, à Porte de la Villette. Partout, mais toujours dehors. »