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Cyclone à Mayotte : « La réponse de l’État est plus sécuritaire que sanitaire »

Activités d'hygiène de l'eau et assainissement
Un ruisseau du bidonville de Kaweni Touloulouni a été bloqué par le cyclone Chido. © Thierry Arhan/MSF

Alors qu’une nouvelle tempête vient de frapper Mayotte, un mois après le passage du cyclone Chido qui a dévasté l’archipel, Matthieu Chantrelle, Responsable adjoint de programmes pour MSF, dresse un bilan des actions de secours et déplore l’abandon des habitants des bidonvilles, laissés sans eau, sans nourriture, ni soins médicaux.

Quelle est la situation aujourd’hui à Mayotte et quels sont les besoins ?

Alors que le nord de l’île de Grande-Terre avait été particulièrement touché par le cyclone Chido, cette fois c’est le sud de l’île qui a subi les pluies les plus violentes et des inondations. Nos équipes sont présentes dans le nord depuis un mois pour développer des activités médicales et assurer l’accès à l’eau et l’assainissement. Elles sont également allées dans le sud pour évaluer les besoins.

L’ensemble des habitants de l’archipel a été sévèrement touché par cette catastrophe. Cependant, nous sommes particulièrement attentifs aux habitants des bidonvilles, non seulement  en raison de la précarité de leur situation initiale, mais aussi car ils ne sont pas du tout pris en compte dans l’aide que le gouvernement français fournit au compte-gouttes. Près de 100 000 personnes vivraient dans des bidonvilles; des zones où les habitations ont été complètement détruites, laissant de vastes étendues de tôles et de débris qui ne sont pas déblayés. Cette situation entraîne des risques de blessures, l’obstruction des cours d’eau, l’augmentation des risques d’inondation et des maladies liées à l’eau et l’assainissement. Par ailleurs, alors qu’un tiers de la population de Mayotte n’avait déjà pas accès à l’eau potable avant le passage du cyclone, la situation s’est encore détériorée dans les bidonvilles suite à la rupture de canalisations et de réservoirs dans les réseaux d’eau formels et informels. Enfin, le manque d’accès à la nourriture est criant, comme ne cessent de nous le dire les habitants.

Les personnes résidant dans les bidonvilles sont épuisées et choquées. Selon Santé Publique France, à la fin du mois de décembre 2024, la moitié des foyers abritaient des personnes souffrant de troubles psychologiques liés au passage du cyclone. Or, sous prétexte que ces lieux abritent principalement des personnes étrangères, aucune aide ne leur parvient.

Les gens lavent leurs vêtements dans l'eau sale de la rivière, remplie de déchets, dans le bidonville de Vahibé, où MSF mène une clinique mobile.
 © Thierry Arhan/MSF
Les gens lavent leurs vêtements dans l'eau sale de la rivière, remplie de déchets, dans le bidonville de Vahibé, où MSF mène une clinique mobile. © Thierry Arhan/MSF

Qu’en est-il de l’accès à la nourriture pour les habitants des bidonvilles ?

Depuis un mois, nos équipes se rendent quotidiennement dans plusieurs bidonvilles de l’île de Grande-Terre. Dès le début, l’accès à la nourriture a été le principal besoin exprimé par les habitants. Les cultures vivrières ont été détruites et rien ne repoussera avant plusieurs mois, du bétail a été perdu, tout comme les stocks de nourriture. Sans économies et avec des sources de revenus fortement réduites, voire interrompues, les habitants des bidonvilles sont particulièrement touchés par le manque de nourriture. Certains nous racontent qu’ils sont passés de trois repas par jour à un seul et doivent de plus en plus souvent se contenter d’une bouillie de blé ou de brèdes (plantes comestibles) alors qu'ils se nourrissent habituellement de riz et de poisson. Le 24 décembre, le préfet de Mayotte avait pourtant déclaré : « Une vie est une vie. L’accès à l’eau et à la nourriture n’est pas conditionné et doit parvenir à toutes les personnes qui vivent à Mayotte ». Dans les faits, il n’y a eu quasiment aucune distribution alimentaire dans les bidonvilles. Lorsqu’elles ont eu lieu, comme à Vahibé où MSF mène des cliniques mobiles, elles étaient en quantité minime et inadaptées : une bouteille d’eau d’1,5 litre et 500g de pâtes par famille. Par ailleurs, ces rares  distributions sont organisées de façon erratique, parfois sur la base de l’enregistrement des personnes, décourageant celles qui sont en situation irrégulière et sans que les habitants des bidonvilles ne soient prévenus à l’avance de cette distribution.

Nos équipes ont donc commencé à mener un dépistage de la malnutrition chez tous les patients qu’elles reçoivent afin de mieux mesurer la situation.

Face au pire cyclone qu’ait connu l’archipel en soixante ans, il est indécent, que les autorités excluent toute une partie des habitants de la réponse d’urgence et qu’aucune aide ne soit apportée dans les bidonvilles en dehors de  celle fournie par des associations comme MSF.

Depuis le passage du cyclone, les étrangers en situation irrégulière ont beaucoup été pointés du doigt. Comment cela se traduit-il sur place?

Les personnes étrangères vivant dans l’archipel ont immédiatement été instrumentalisées. Au lieu d’être considérées et aidées, comme toute autre victime de cette catastrophe naturelle, elles ont été stigmatisées et exclues. Les annonces se sont multipliées au plus haut niveau de l’Etat, interdisant la reconstruction des bidonvilles, remettant en question le droit du sol, renforçant les mesures de surveillance, d’arrestation et d’expulsion. Ces personnes qui vivaient déjà dans des conditions très précaires n’ont pas accès à l’aide. Leurs déplacements pour se faire soigner, acheter des médicaments ou trouver de la nourriture sont rendus difficiles voire complètement empêchés par la crainte d’être arrêtés. Alors que l’archipel fonctionne au ralenti, les contrôles de police, les arrestations et les expulsions rapides sans possibilité de recours se poursuivent. A cet égard, la réponse de l’Etat à la catastrophe est bien plus sécuritaire que sanitaire. Il n’y a aucun répit.

Nous observons les conséquences de ce manque de prise en charge dans les bidonvilles dans lesquels nous travaillons. Environ 80% des personnes reçues en consultation nous disent que nous sommes leur seul accès à des soins médicaux. Elles avancent plusieurs raisons à cela: les centres de santé sont trop éloignés des bidonvilles, ceux-ci ne prennent en charge que les cas urgents ou encore l’Aide Médicale d’Etat ne s’appliquant pas dans l’archipel les soins y sont payants. En un mois, nous avons réalisé plus de 3 200 consultations dont plus de la moitié pour des pathologies liées au passage du cyclone – souvent des plaies ou des maladies liées ou aggravées par le manque d’eau comme la gastro-entérite ou des maladies de peau.

Nous appelons donc les autorités françaises à favoriser les activités d’aide au plus près de l’ensemble des populations victimes de la catastrophe dans l’archipel.

Notes

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