URGENCE GAZA

Gaza : l’hôpital Nasser au bord de la rupture

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Fonds Régional Urgence Gaza

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Dr Akram Nafi, médecin du programme soins psychiques MSF à Gaza

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile ? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.
 

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile ? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.

 

« Le premier jour de la guerre a été une surprise totale. Je devais me rendre dans un bâtiment. J'ai reçu un coup de fil en chemin, je me suis arrêté pour y répondre et c'est là que le bâtiment a été bombardé. Ils sont tous morts. J'ai eu une chance incroyable.

Des morceaux de corps jonchaient le sol, les hurlements d'une école primaire à proximité, des mères en larmes, des visages noircis... Le chaos était total.

Je ne savais pas encore qu' ils avaient bombardé plusieurs endroits en même temps, mais j'ai tout de suite compris qu'une guerre avait commencé. Je me suis précipité chez moi : toutes les vitres étaient brisées, mon fils était dans les bras de ma mère.

Dans les premiers jours de la guerre, j'ai continué à travailler, je marchais 40 minutes pour me rendre au bureau. Les drones (aéronefs capables de voler et d'effectuer une mission sans présence humaine à bord) se rapprochaient très près, je me cachais dans les immeubles. C'était effrayant, mais il fallait que je vienne, que je travaille.

Nous nous sommes rendus dans des écoles où les gens s' étaient regroupés. On a fait des donations, mené des actions médicales d'urgence. MSF m'avait fourni un kit médical avec des antibiotiques, de quoi faire des pansements, soigner les brûlures et les blessures, des sels de réhydratation orale, des analgésiques, des tranquillisants...

J' ai pu ainsi soigner une soixantaine de personnes dans mon voisinage, ceux qui ne pouvaient plus rejoindre les structures de santé. De toutes façons les hôpitaux étaient débordés par l'afflux de blessés graves.

Les gens souffraient tellement ; je ne savais pas alors que je serais bientôt comme eux. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils bombardent ma zone d'habitation, il n'y a aucun bâtiment stratégique près de chez moi. A chaque seconde, il y avait un bombardement, une explosion, une détonation.

De 9 heures du soir à 7 heures du matin cela s' intensifiait et on ne pouvait plus bouger dans la maison, c'était trop risqué. Nous nous terrions dans le couloir, on y passait des heures, à se demander quand ils allaient entrer et nous tuer. A chaque tir ou bombardement on s'attendait à ce que ça atterrisse chez nous. On a eu des balles perdues dans le salon. Il fallait se tenir éloignés des fenêtres. On n'avait ni eau ni électricité. A chaque explosion je détournais l'attention de mon fils âgé d'un an et demi. Il ne devait pas voir notre angoisse.

Avec des voisins, nous avons décidé de rejoindre l'hôpital Al-Quds, proche de chez nous. On ne pouvait pas rester là, on avait peur de mourir. Je suis sorti de l'immeuble le premier. Devant nous, dans la rue, marchait une famille que je ne connaissais pas. Ils ont essuyé des tirs, un homme est tombé. Les ambulanciers sont arrivés pour l'emmener, mais ils l'ont achevé avant. J'ai pris mon fils dans mes bras, nous sommes passés près d'une voiture garée : le conducteur était mort lui aussi, la tête posée sur le volant . « Il dort », lui ai-je dit.

C'est ce jour là que l'hôpital Al-Quds a été bombardé. J'ai mis ma veste MSF et, avec un pédiatre, nous avons aidé à sortir les patients et assuré leur triage. On poussait les lits dans la rue. Les gens hurlaient, les enfants ne pouvaient pas respirer à cause de la poussière. Il y avait environ 800 personnes à évacuer, surtout des femmes, des vieux, des enfants.

Les appareils de l'unité de soins intensifs on été branchés sur des batteries et les patients qui y étaient reliés ont été évacués en priorité. Ambulances et camions de pompiers se faisaient bombarder, mais venaient tout de même.

Mon neveu a emmené ma femme et mon fils dans un appartement situé en lieu sûr. Il n'y avait pas assez de place pour tout le monde alors je suis venu me réfugier au bureau de MSF où j'ai retrouvé une partie de l'équipe. J'ai essayé de dormir, je voulais mais ne pouvais pas, cela faisait trois nuits que je n'avais pas fermé l'œil un seul instant.

Après le cessez le feu, tout n'était que désolation. Les bombardements des F16 avaient crée des cratères de plus de 20 mètres de profondeur dans les rues, tous les réservoirs d'eau sur les toits des maisons avaient été détruits... On a collé des bâches plastiques aux fenêtres pour remplacer les vitres et commencer à nettoyer les maisons.

Il y avait de la poussière partout. Ma femme a refusé de dormir chez nous, elle ne pouvait pas. Son cousin est mort alors qu'il était au téléphone avec sa mère. Il avait 33 ans et 3 enfants. Il était ingénieur, il a été tué dans la rue. Beaucoup de mes voisins sont décédés aussi.

Les conséquences de la guerre c'est aussi des syndromes post - traumatiques qui se déclarent en moyenne trois à six mois après les événements qui les occasionnent, c'est à dire maintenant.

Beaucoup de gens qui semblaient aller bien juste après, sont très mal aujourd'hui. Ils souffrent d'hallucinations, sont très agressifs, très nerveux dans la rue comme chez eux. Je vois beaucoup de douleurs abdominales, des diarrhées... Il y a beaucoup de cancers aussi (leucémies, prostate, sein), y compris chez les plus jeunes. Est ce psychosomatique ?

La plupart des enfants souffrent d'énurésie. Mon fils se réveille toutes les nuits après une ou deux heures de sommeil, il est terrorisé mais ne nous entend pas, ne nous voit pas quand on essaye de le calmer. Ma femme fond en larmes à la moindre sirène. Quant à moi... Je sens que ça ne va pas toujours totalement bien, j'ai des problèmes de mémoire, de concentration, mais je parviens à gérer.


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