Ebola : « Des nouveaux médicaments prometteurs, mais sans efficacité garantie »

Dr. Hilde De Clercq. République démocratique du Congo. 2018.
Dr. Hilde De Clercq. République démocratique du Congo. 2018. © Carl Theunis/MSF

Hilde De Clerck est l’un des médecins spécialistes d’Ebola les plus expérimentés de MSF. Elle vient tout juste de rentrer du Nord-Kivu, province de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où l’épidémie d’Ebola s’avère difficile à maîtriser.

Elle nous explique les opportunités et les difficultés qu’offrent les nouveaux médicaments destinés à soigner les personnes affectées par le virus Ebola.

C’est une bonne chose que nous ayons trouvé ces cinq molécules prometteuses, mais il faut rester réalistes. Nous ne disposons d’aucune preuve scientifique que ces médicaments soient efficaces sur des personnes atteintes d’Ebola. Mais ça reste une avancée. On peut offrir aux malades d’Ebola l’accès à des traitements qui peuvent potentiellement leur sauver la vie, tout en se préparant aux tests cliniques. C’est comme ça qu’on progresse. Mais parfois, j’ai le sentiment que les médias, et même certains membres du personnel de santé, sont persuadés que nous disposons déjà d’un traitement efficace. Il est pourtant bien trop tôt pour le dire.

Lorsque nous proposons l’un de ces médicaments aux patients, nous discutons des avantages potentiels, mais aussi du fait que nous ne pouvons pas en garantir l’efficacité. Nous décrivons les effets secondaires et les risques liés à une certaine part d’inconnu. Nous nous assurons toujours que le patient, ou le membre de la famille responsable, a bien compris la situation avant de donner son consentement.

De nouveaux traitements ?

Jusqu’ici la prise en charge des malades d’Ebola se limitait à des soins de soutien, c’est-à-dire au traitement des symptômes (fièvre et déshydratation par exemple). Aujourd’hui, Médecins Sans Frontières est également en mesure d’offrir des traitements qui attaquent directement le virus ou aident le système immunitaire du patient à lutter contre celui-ci. Ces traitements, basés sur cinq molécules différentes et utilisés pour la première fois, sont toutefois au stade du développement et leur efficacité n’est pas encore prouvée.

© Carl Theunis/MSF

Parfois, la force et la détermination des patients me surprennent. J’ai dû expliquer tout cela à une femme très malade et fatiguée, mais elle a ouvert les yeux, s’est redressée fièrement et a signé le formulaire de consentement. Il y avait beaucoup de franchise, et je suis persuadée que c’était une décision consciente.

Il reste toutefois difficile de proposer ces médicaments aux patients. C’est l’une de mes préoccupations principales. Techniquement, ce n’est pas si difficile, mais il faut avoir les capacités et les équipements adaptés. Comme il s’agit de produits encore non enregistrés, chaque médicament doit être administré et un suivi doit être fait selon un protocole strict.

© Carl Theunis/MSF
© Carl Theunis/MSF

Nous avons besoin d’une armée d’infirmiers, que nous devons d’abord former car la plupart d’entre eux n’ont aucune expérience d’Ebola. Je suis donc très impressionnée que ces médicaments soient déjà proposés presque systématiquement à tous les patients.

Je ne soulignerai jamais assez à quel point la franchise est cruciale. L’entièreté de la réponse au virus Ebola est basée sur la confiance mutuelle. Il s’agit de construire de bonnes relations avec les familles et les communautés. Sinon, les futurs patients ne se manifesteront pas et il sera alors très difficile de briser les chaînes de transmission. Les familles de patients peuvent nous appeler à tout moment. Nous leur montrons comment nous soignons leurs proches, et ils viennent souvent leur rendre visite. Si les patients sont trop malades pour marcher, nous les amenons à la zone de visite sur un brancard. Il faut vraiment être compatissant, et c’est ce genre de petits détails qui font une vraie différence.

Une réunion d'équipe dans le centre de traitement de Mangina. Des volontaires MSF et des membres du personnel du ministère de la Santé congolais travaillent ensemble et discutent de l'état de santé des différents patients. République démocratique du Congo. 2018.
 © Carl Theunis/MSF
Une réunion d'équipe dans le centre de traitement de Mangina. Des volontaires MSF et des membres du personnel du ministère de la Santé congolais travaillent ensemble et discutent de l'état de santé des différents patients. République démocratique du Congo. 2018. © Carl Theunis/MSF

Il est souvent difficile d’obtenir cette confiance au début d’une épidémie, lorsque de nombreuses personnes décèdent au sein du centre de traitement d’Ebola. Les gens commencent à croire que les patients sont tués à l’intérieur ou que nous les aidons à mourir. Et puis, il y a toujours des rumeurs sur les Occidentaux qui volent des organes ou du sang, ou introduisent eux-mêmes la maladie dans la communauté. Certaines personnes croient que la contagion de cette maladie est le fait d’un mauvais sort. Il faut aller vers les gens, leur expliquer ce qui se passe, et être honnête et compatissant.

Les populations dans cette partie de la RDC se déplacent énormément. Il est important de comprendre ces mouvements car c’est comme cela que le virus se déplace également. Nous devons comprendre les familles et la façon dont elles sont liées, comment les gens recourent aux services de santé et comment leur tissu social fonctionne. Comprendre les populations est la clé pour comprendre Ebola. Et quand l’épidémie d’Ebola se déplace, nous devons nous déplacer avec elle. Nous devons être flexibles. Nous devons avoir une longueur d’avance sur l’épidémie.

Aucun outil ne peut remplacer la communication. Nous devons poser les bonnes questions, et faire preuve d’empathie. Ce n’est qu’une question de comportement, d’êtres humains et de confiance.

 

© Carl Theunis/MSF

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