Pourquoi le virus constitue-t-il encore un danger en Afrique de l’Ouest ?
La fin de l’épidémie d’Ebola a été officiellement annoncée en Sierra Leone, mais de nouveaux cas sont encore recensés en Guinée. Il y a deux semaines, trois nouveaux patients (dont une femme enceinte) ont été admis dans le centre de traitement d’Ebola de MSF à Conakry, la capitale. En outre, un bébé est né avec le virus ; il est toujours en vie. Deux de nos patients font partie d’une chaîne de transmission connue, liée à un décès dans la communauté de Forécariah. Mais le troisième cas est issu d’une chaîne de transmission dont nous n’avions pas encore connaissance.
Aujourd’hui, le principal risque réside dans la faiblesse du système de surveillance. Près de 233 personnes ayant été en contact avec un malade d’Ebola ne font pas l’objet d’un suivi en Guinée. Il se peut, par exemple, qu’un patient ait pris un taxi, mais que les autorités sanitaires aient été incapables de retrouver le conducteur ou les autres passagers du véhicule.
C’est la raison pour laquelle il est si difficile d’endiguer l’épidémie. Elle est peut-être terminée en Sierra Leone, mais tant que le virus sera présent en Guinée, la maladie restera sur le pas de sa porte, avec le risque de nouveaux cas que cela implique. La vigilance reste donc primordiale dans la région tout comme la capacité de pouvoir répondre rapidement à ces nouveaux cas potentiels.
La maladie pourrait-elle devenir endémique en Afrique de l’Ouest ?
Pour qu’une maladie comme Ebola devienne endémique, deux scénarios sont possibles. D’abord, on pourrait recenser un grand nombre de cas tardifs, des patients contaminés par voie sexuelle – mais nous n’avons pas observé de tel phénomène. La plupart des survivants masculins en âge d’être sexuellement actifs ont contracté la maladie il y a un an. Donc, en cas de transmission significative par voie sexuelle, nous aurions observé beaucoup plus de cas.
Ensuite, il faudrait que le virus s’adapte parfaitement à son nouvel hôte. Les virus qui ont réussi à quitter leur réservoir animal pour devenir endémiques chez l’être humain – comme le VIH et la rougeole – viennent généralement d’espèces proches de l’homme. Le virus Ebola, en revanche, est issu des chauves-souris et n’est pas particulièrement adapté aux humains. Et, contrairement à d’autres agents pathogènes, il ne mute pas rapidement.
Par ailleurs, le mode de transmission d’Ebola n’est pas propice à rendre la maladie endémique. Contrairement à d’autres virus, il ne se propage pas facilement aux contacts occasionnels – il ne se transmet pas, par exemple, aux passants croisés en rue, contrairement à la grippe. Ebola se propage lors d’enterrements au cours desquels les règles d’hygiène ne sont pas respectées ou lorsqu’une personne s’occupe d’un malade. Quand les risques sont compris et quand toute la chaîne de relations sociales est identifiée, il est possible d’arrêter la progression de la maladie. C’est ainsi que l’on a jugulé l’épidémie d’Ebola dans d’autres pays.
Joseph, promoteur de la santé, fait passer un test ophtalmologique à une survivante d’Ebola durant une consultation de surveillance à Mabekoh, en Sierra Leone. © Tommy Trenchard 2015
Le virus peut-il survivre après qu’un patient guérisse ?
Sur les 27 000 cas d’Ebola recensés jusqu’à présent, nous avons observé quelques cas chez qui le virus s’est niché dans certaines parties du corps où le système immunitaire est moins actif, comme les testicules, le cerveau et l’intérieur des yeux. Il s’agit pour la plupart de sites à partir desquels le virus ne peut pas facilement se propager à d’autres personnes, à l’exception du sperme contenu dans les testicules. Mais ces phénomènes sont rares et insuffisants pour générer de nombreux nouveaux cas.
Ces cas montrent que les survivants constituent un risque résiduel potentiel, mais celui-ci n’est actuellement pas quantifiable. Quoi qu’il en soit, se concentrer sur le risque posé par les survivants serait particulièrement inopportun et pourrait détourner l’attention et les ressources d’une surveillance plus généralisée. Il est essentiel de maintenir un système de surveillance qui ne soit pas uniquement axé sur la transmission potentielle par les survivants. La science devrait désormais être au service des survivants d’Ebola, et non l’inverse.
De nombreux survivants d’Ebola souffrent de troubles physiques, mais aussi psychologiques et sociaux après avoir vaincu le virus. © Tommy Trenchard 2015
À quels défis médicaux les survivants d’Ebola sont-ils confrontés ?
Quelque 15 000 survivants d’Ebola sont recensés en Afrique de l’Ouest et bon nombre d’entre eux souffrent encore de troubles physiques et mentaux. Les problèmes physiques incluent des douleurs articulaires, une fatigue chronique ainsi que des troubles de l’ouïe et oculaires, qui pourraient conduire à la cécité à défaut d’un accès rapide à des soins spécialisés. De plus, l’expérience de l’infection par le virus et du séjour dans un centre de traitement d’Ebola, ainsi que la peur entourant la maladie peuvent engendrer une grave dépression, du stress post-traumatique et des problèmes de santé mentale, dont des cauchemars et souvenirs récurrents.
Mais, malgré leurs besoins, les survivants d’Ebola peuvent rencontrer des difficultés à accéder aux services de santé. Aujourd’hui, certains professionnels de la santé redoutent toujours de traiter les survivants et l’accès aux soins de santé peut se révéler inabordable pour ceux qui ont perdu leur emploi. Il est crucial que les autorités sanitaires et tous les acteurs impliqués coordonnent leurs efforts pour garantir aux survivants et à leur famille un accès rapide à des soins de qualité et gratuits.
Depuis mars 2014, les équipes de MSF ont traité 10 287 patients ayant contracté Ebola en Afrique de l’Ouest.