URGENCE GAZA

Gaza : l’hôpital Nasser au bord de la rupture

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Elina Pelekanou, psychologue MSF à Gaza

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile ? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.

« Je me préparais à venir en mission, pour six mois, à Gaza. J'avais déjà travaillé en Cisjordanie, je connaissais le contexte. Le déclenchement de la guerre ne m'a pas fait changer d'avis.

Je suis arrivée à Jérusalem le 7 janvier. Je n'ai pu entrer dans Gaza que le 22, le week-end du cessez-le-feu.

Je m'attendais à devoir prendre en charge beaucoup de cas de dépression et je savais qu'il allait falloir se concentrer sur les enfants.

Mon premier patient était une femme dont la famille avait été décimée pendant la guerre : 50 de ses proches étaient morts, parce qu'ils étaient au mauvais moment, au mauvais endroit.

Elle avait dû marcher pieds nus sur des débris de verre et des cailloux, avec un drapeau blanc et ses enfants dont l'un était blessé aux jambes.

Elle disait qu'elle aurait voulu mourir avec ses proches, elle était très abattue, avait un très faible niveau de communication, de concentration.

Elle ne comprenait pas ce que la psychothérapie pouvait faire pour elle et, après deux sessions, elle n'est pas revenue. Je suis allée à son domicile, elle était contente de nous revoir.

Le médecin MSF a soigné sa dépression, la travailleuse sociale lui a fourni des kits hygiène et une aide alimentaire. Son état s'est nettement amélioré et nous avons pu fermer son dossier.

Les patients psy ont été affectés par la guerre en général, les avions, les chars, les bombes au phosphore, les bombardements, les tirs, les morts, les blessés, ce dont ils ont été témoins. Ils font des cauchemars, ont des problèmes de concentration, un manque d'appétit, sont nerveux, ont des flash back.

Les enfants souffrent en plus d'énurésie et sont en échec scolaire. Le fait que leurs parents soient eux mêmes mal a des répercussions sur eux. D'autres ont été affectés par un événement particulier, une perte spécifique : l'un ou plusieurs de ses enfants, ses parents, des membres de sa famille, ceux qui ont frôlé la mort, vu des cadavres...

Personne n'était à l'abri, personne n'était épargné: 80% de mes patients sont des enfants.

La solidarité au sein de la communauté, la religion, la famille aident à tenir. Si les hommes peuvent sortir de chez eux, voir leurs amis pour échanger, discuter, les femmes, elles, restent à la maison et manquent de contacts sociaux. 80% de mes patients sont des enfants. Par leur biais, on peut parfois parvenir à soigner leur mère. Mes patients masculins sont pour la plupart des amputés, ou des blessés sévères ayant été très près de la mort.

Les problèmes économiques liés notamment et principalement à l'embargo génèrent eux aussi de la violence. Le chômage met les hommes sous pression et mène à la violence domestique.

Les gens ont tout perdu: leur toit, leur intimité, leur dignité, leur statut social. Ils ne croient plus en l'avenir, n'ont plus d'espoir, manquent de buts car manquent de moyens. Tous ont peur que ça recommence.

Les amputés ont perdu une jambe ou une main, mais aussi leur rôle: celui de professionnel, de parent, de femme au foyer, de chef de famille pour les hommes... Si on doit soi-même être pris en charge et se faire aider pour les choses les plus simples, comment assurer son rôle de soutien familial ? La virilité s'en trouve diminuée. Et que se passera-t- il s'il y a une autre guerre comme en janvier quand on est déjà mutilé ? Comment aider les siens ? Si la situation reste calme, les amputés pourront s'adapter à leur nouvelle vie et avoir des projets, mais ils n'oublieront jamais, ça reste inscrit dans leur chair.

La grande majorité de la population de la bande de Gaza est pauvre et démunie. Si l'aide internationale s'arrête, il ne sera plus possible de manger, de s'habiller car les prix flambent avec le blocus. Ceux dont la maison a été détruite n'ont pas les moyens de payer un loyer et se retrouvent à vivre dans les ruines de leur maison, avec tous les souvenirs - bons et mauvais - qui y sont liés ; ou bien sous tente ; ou alors ils sont hébergés par des amis, des proches, des membres de la famille, mais doivent constamment déménager. Ils ont tout perdu : leur toit, leur intimité, leur dignité, leur statut social. Or aucun matériel de reconstruction n'est autorisé à rentrer.

Les gens ne croient plus en l'avenir, ils n'ont plus d'espoir, manquent de buts car ils manquent de moyens. Comment se projeter quand on ne sait même pas si l'on sera encore vivant demain ? Tous ont peur que ça recommence, les fausses rumeurs alarmistes sont fréquentes. Personne ne s'attendait à ce qui s'est passé en janvier, en pleine journée, un week end, des ONG, des hôpitaux, des écoles ainsi attaqués. Personne n'était à l'abri, personne n' été épargné.»


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