Ces dernières semaines, MSF a été interpellée sur les réseaux sociaux et dans les médias à propos de l'utilisation de photographies sensibles dans nos communications publiques. Parmi celles-ci, nous avions décidé de publier des images d'une jeune fille de 16 ans, identifiable, qui a été victime de viol en Ituri, en République démocratique du Congo. Nous reconnaissons que la publication de ces images était une erreur et nous présentons nos excuses. Nous avons supprimé ces images et d'autres photographies sensibles qui étaient en ligne et sommes en train de prendre une série de mesures pour mettre en place de meilleurs garde-fous.
Cet incident a révélé des lacunes dans nos directives sur la collecte et l'utilisation des images, ainsi que des incohérences dans la manière dont celles-ci sont utilisées au sein de MSF. Nous nous efforçons de remédier à ce problème et sommes reconnaissants envers ceux qui l'ont soulevé.
Parmi les actions immédiates, nous avons clarifié les termes dans nos directives de production audiovisuelle pour protéger davantage les mineurs, définis comme toute personne de moins de 18 ans. Nous exigeons désormais que le nom et l'identité visuelle des mineurs, victimes d'abus, d'exploitation ou qui souffrent d'une maladie hautement stigmatisée, soient masqués. Ces règles imposent des restrictions supplémentaires sur tout contenu où figure des mineurs. Elles précisent également que les mineurs ne peuvent pas fournir un consentement éclairé.
Dans le cas de la victime photographiée en Ituri, elle avait donné son consentement au photographe et s'était portée volontaire pour partager son histoire, avec le soutien du personnel médical et psychologique. Orpheline, elle n'avait ni parent ni tuteur. Nous reconnaissons que nous aurions dû prendre des mesures supplémentaires pour protéger l'identité de cette survivante, compte tenu de son statut de mineure.
En tant que médecin, je suis très conscient de la responsabilité que nous avons en matière de protection des personnes que nous aidons. Nous voyons souvent des patients à un moment difficile de leur vie. Nous devons toujours éviter d'exposer, d'exploiter ou de mettre en danger les victimes de violence et d'abus. Et nous devons veiller à ce que nos productions consistant à témoigner de la souffrance et des abus ne causent pas de dommages supplémentaires.
Un examen complet de nos archives audiovisuelles est également en cours, et nous révisons nos procédures de production de témoignages pour les aligner sur les nouvelles directives de MSF sur l'équité, la diversité et l'inclusion (EDI) pour la communication et les contenus visant la collecte de fonds.
Des préoccupations supplémentaires ont été soulevées dans une lettre ouverte adressée au conseil d'administration international de MSF mettant en évidence des photographies prises dans les structures MSF et disponibles à la vente sur des plateformes d’agences de banques d’image. Les exemples cités incluent des images d'enfants photographiés dans des états d'extrême vulnérabilité et de douleur dans les structures MSF, dans certains cas disponibles à l'achat comme « tirage d'art ».
MSF ne détient pas les droits de ces images et ne tire aucun profit de la vente d’images d’agences photo. Néanmoins, nous sommes préoccupés par la manière dont ces images sont distribuées et commercialisées, et nous avons commencé à dialoguer avec les principales parties prenantes pour résoudre ce problème.
Lorsque nous autorisons ou engageons des médias externes ou des producteurs de contenus sur nos projets médicaux, c'est afin de partager les histoires des patients et des communautés que nous soutenons et d'aider à médiatiser des situations humanitaires. Ce travail peut être fait avec les meilleures intentions, mais certaines des images collectées peuvent parfois s’écarter des normes éthiques en termes de représentation digne des patients ou des communautés.
Une partie essentielle de la mission sociale de MSF est de mettre en évidence les besoins médicaux de populations et d'aider à amplifier la voix des personnes touchées par les conflits et les crises. Depuis la création de MSF, nous avons travaillé aux côtés de journalistes et de photographes pour nous aider à y parvenir. Nous cherchons à dialoguer directement avec les patients et leurs communautés afin qu'ils puissent partager leurs propres histoires. Nous avons un devoir clair de « ne pas nuire », conformément à notre éthique médicale. Si nous ne respectons pas la dignité et le libre arbitre des personnes, c'est aussi un échec de notre mission humanitaire.
Suite à une décision prise en 2021, MSF a récemment entamé une révision complète de sa propre base de données audiovisuelle (l'ensemble de notre collection, s’étalant sur 50 ans, contient près de 200 000 références). Cette analyse couvre de nombreux aspects, comme la représentation de notre personnel, des patients et des communautés, l'attention portée à la dignité, à l'état des personnes représentées et aux stéréotypes possiblement véhiculés. Nous prévoyons de finaliser ce processus d'ici à la fin de l’année 2022. Au fur et à mesure que nous restreindrons l'utilisation, ajouterons des avertissements ou archiverons des images, nous informerons les producteurs de contenu et les agences impliquées afin qu'ils puissent s’aligner.
À l'avenir, nous intensifierons nos efforts pour assurer le respect de ces directives de production de contenu et des directives EDI par le personnel de MSF, les producteurs de contenu sous contrat avec MSF et les médias visitant nos projets. Nous réviserons également nos politiques et procédures contractuelles avec les pigistes et les agences.
Cette année, MSF a lancé un groupe de réflexion interne composé de professionnels de la communication ainsi que d'experts EDI pour fournir des conseils aux producteurs de contenu sur nos campagnes ou nos supports. Nous allons promouvoir ce groupe et veiller à ce qu'il soit impliqué dès le départ dans des projets potentiellement sensibles.
Nous concernant, être mis au défi en interne et en externe reste vital pour nous, qui sommes des praticiens agissant au carrefour de plusieurs professions, y compris la santé, l’humanitaire et le photojournalisme. Pour MSF, notre responsabilité ultime est de protéger la santé et le bien-être des personnes que nous cherchons à aider.