URGENCE GAZA

Gaza : l’hôpital Nasser au bord de la rupture

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Ghada, assistante sociale pour le programme soins psychiques MSF à Gaza

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile ? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile ? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.

« C'était mon premier jour de vacances, j'attendais le retour de l'école de mes trois enfants. J'étais heureuse, tranquille à la maison, avec mon petit dernier âgé de trois ans.

Et d'un seul coup, les bombardements. Partout, de la poussière et du feu. Ma maison est située près d'une prison qui a été ciblée par trois bombes en même temps. L'école de mes enfants est toute proche de là.

Je me suis mise à prier : « s'il vous plaît mon Dieu ! Protégez mes enfants ! Gardez-les en vie ! » Je tournais en rond dans la maison, j'allais les guetter sur le balcon, bras et cheveux nus. C'était si soudain et brutal. Je n'oublierai jamais ce jour là.

Mes enfants ont couru sous les bombes, ils se sont réfugiés chez des amis. Ils sont revenus avec mon mari, près de cinq heures après le début des bombardements. Des heures interminables pour moi. Je n'avais plus internet, plus de téléphone, de radio, de télévision...

Certains camarades de ma fille de douze ans ont été gravement blessés sous ses yeux. Mon fils de dix ans a vu un homme, dans la rue, la cervelle éclatée... Il disait : « c'est la fin du monde ».

J'étais si soulagée de les revoir vivants, mais triste qu'ils aient eu à subir de telles horreurs. Je les ai lavés, ils étaient terrorisés, ils ne voulaient pas que l'on ferme les portes, ni manger, ni boire.

Cette nuit là, ils n'ont pas pu dormir. Je leur disais que je les aimais, mais que je ne pouvais rien faire pour eux. « Vous étiez dans mon ventre, vous en êtes sortis pour naître à la vie et vous avez oublié ce passage. Ce sera pareil là. N'ayez pas peur, là encore c'est une étape, ça finira... » Ils ont été si courageux, ils se rendormaient après chaque bombardement. Nous lisions le Coran pour être forts.

On ne peut pas imaginer ce que c'est, vivre comme ça. Nous dormions tous ensemble, dans le salon. C'était l'hiver, il faisait froid. Nous n'avions ni eau, ni électricité, ni chauffage. Nous ne sortions pas, mangions des conserves. Même pendant les heures de cessez-le-feu, ils continuaient à bombarder. Je suis allée deux fois au bureau pour aider et échanger avec les autres. Dans la rue, il y avait des morceaux de cadavres. J'étais avec Akram, il me disait : « avance Ghada, ne regarde pas, avance ».

Quand l'incursion terrestre a commencé ça a été terrible. Ils tiraient partout. Des balles arrivaient chez nous. Des hélicoptères tiraient dans la maison. Nous ne pouvions plus rester là, il n'y avait plus d'endroit sûr où se réfugier, nous nous tenions loin des fenêtres. Un obus a atterri sur le balcon des voisins qui s'est effondré.

Vers quatre heures du matin, nous avons décidé de déménager dans l'appartement d'amis de Akram, en zone sûre. Il y avait l'électricité là-bas. Puis la guerre nous a rattrapés. Il a fallu fuir à nouveau. Il était deux heures du matin, je n'oublierai jamais : les hélicoptères sont arrivés, c'était une pluie de balles, chaque centimètre carré du sol était couvert d'éclats d'obus et de projectiles. Enfermés pendant cinq heures, nous avons prié.

Partout, de la poussière et du feu. C'était si soudain et brutal. C'était une pluie de balles, chaque cm² du sol était couvert d'éclats d'obus et de projectiles.

Les tirs ont commencé à traverser l'appartement, nous rampions, mes enfants pleuraient, ma fille a eu une crise d'hystérie, elle riait aux éclats en disant : « je ne ris pas, je pleure! ». Mon mari était effrayé : « elle devient folle ». Mon aîné a hurlé : « je ne vous le pardonnerai jamais! », ça m'a tordu les boyaux, ça a été le pire moment de toute la guerre. Mon fils de dix ans était allongé par terre, les yeux fermés, muet, il ne répondait pas quand on lui parlait.

Vers sept heures du matin, ils ont bombardé directement l'immeuble. Je n'avais presque plus de batterie sur mon portable, j'ai envoyé un SMS à Jessica : « nous sommes en train de mourir Jess ». Elle m'a répondu qu'elle essayait de nous aider, mais en vain.
J'ai habillé mes enfants avec de beaux vêtements, j'ai couvert leurs cous et leurs têtes avec des écharpes pour éviter les éclats : « il faut encore être forts, c'est la dernière étape. Gardez l'amour en vous et pardonnez ». Mon mari a rampé jusqu'à la cuisine pour rapporter des dates et de l'eau, il fallait prendre des forces.

Les voisins sont arrivés, ils pleuraient, hurlaient, une femme se frappait au visage. Nous avons allumé une petite bougie pour que les enfants puissent aller aux toilettes. Il fallait se calmer, réfléchir sur ce qu'il fallait faire. J'ai distribué des vêtements. Il y a eu une heure d'accalmie, de silence. Puis ça a repris de plus belle, ils bombardaient partout !

Les enfants étaient à plat ventre, dans le couloir ; les adultes étaient assis le long des murs. Nous ne pouvions plus aller nulle part et sommes restés ainsi des heures durant. Je continuais à envoyer des SMS, une cinquantaine, appelant à l'aide, demandant que le Comité international de la Croix Rouge (CICR) vienne nous chercher. Et je n'ai plus eu de batterie.

Vers midi, les chars étaient si près que l'immeuble tremblait, on entendait leurs ordres, leurs cris dans les hauts parleurs. Une roquette palestinienne est partie de la zone où nous étions. Un avion F16 est immédiatement arrivé et a répliqué, il n'y avait plus ni murs ni portes, tout avait disparu. La table de la cuisine a volé et touché un de mes enfants à la tête. Nous n'entendions plus rien, nous étions sourds. Où étaient mes enfants? J'ai entendu le petit de trois ans demander « mais pourquoi ils nous tirent dessus? »


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