Inondations au Pakistan : « Nous sommes toujours dans une phase d'urgence »

Le coordinateur d'urgence MSF, Imran Soomro, organise la distribution de kits d'articles non alimentaires dans le district de Dadu, Sind.
Le coordinateur d'urgence MSF Imran Soomro organise la distribution de kits d'articles non alimentaires dans le district de Dadu, Sind.   © Asim Hafeez

Trois mois après les inondations qui ont dévasté une large partie du Pakistan, le niveau de l’eau tend à baisser dans certaines régions et certains déplacés commencent à retourner chez eux, sans avoir nécessairement les moyens de reconstruire leur maison ou d’exploiter leurs terres. Quant aux déplacés qui restent dans les camps, leurs conditions de vie sont extrêmement précaires et risquent de se dégrader au cours de l’hiver. La situation est loin d’être revenue à la normale. 

Dans l'est du Balouchistan et dans 11 districts du Sind, les gens continuent de vivre à côté de leurs villages inondés. Les familles et les enfants restent exposés à l'eau et aux maladies à transmission vectorielle.

« Nous voyons des gens dans ces zones vivre encore sous des tentes avec un accès limité aux soins de santé. Avec l'arrivée de l'hiver, les gens deviennent plus vulnérables et n'ont nulle part où aller, explique Edward Taylor, coordinateur d'urgence MSF dans l'est du Balouchistan et dans le nord du Sind. Dans les zones où nous travaillons, l'eau n'a pas encore reculé et les besoins des populations restent élevés. Nous sommes toujours dans une phase d'urgence. »

Paludisme, malnutrition, manque d’eau potable

Dans l'est du Balouchistan et le nord du Sind, au cours des mois d'octobre et de novembre, nos équipes ont testé 38 301 patients pour le paludisme, 20 361 se sont révélés être positifs. Le nombre de cas est inquiétant compte tenu de la période hivernale. Habituellement, lorsque les températures baissent, les contaminations diminuent.

La saison du paludisme risque de durer plus longtemps, tant que le niveau de l’eau n’aura pas diminué, ce qui va entraîner une augmentation de la demande de dépistage et de traitement. A Johi, dans le sud du Sind, les équipes MSF constatent également une forte augmentation des cas de paludisme et ont ainsi mobilisé de nouveaux agents de santé qui circulent avec les cliniques mobiles.

Une agente de santé dispense des consultations prénatales et postnatales à des patientes dans le district inondé de Sohbatpur, Baloutchistan oriental.
 © Zahra Shoukat/MSF
Une agente de santé dispense des consultations prénatales et postnatales à des patientes dans le district inondé de Sohbatpur, Baloutchistan oriental. © Zahra Shoukat/MSF

La malnutrition est également un problème de santé majeur dans la région. De nombreuses personnes ont perdu leurs moyens de subsistance, comme leurs fermes ou leur bétail, et se trouvent sans ressources. A cela s'ajoute l'inondation des terres arables, qui ne pourront pas être cultivées au cours des prochaines saisons.

« De septembre à novembre, dans l'est du Balouchistan et le nord du Sind, nos équipes mobiles ont dépisté 21 777 enfants de moins de cinq ans pour malnutrition, explique Juniper Gordon, coordinatrice médicale d'urgence de MSF. Parmi les personnes dépistées, 5 578 souffraient de malnutrition aiguë sévère et 6 812 souffraient de malnutrition aiguë modérée. » 

Les inondations ont également endommagé les infrastructures d'approvisionnement en eau potable de plusieurs villages, obligeant les habitants à effectuer de longues distances  pour aller chercher de l'eau. Les sources d'eau sont soit contaminées, soit endommagées, ce qui rend très difficile l'accès des communautés à l'eau potable.

Des enfants se tiennent en rang avec leur seau pour le remplir d'eau dans un camp où les familles touchées par les inondations se sont réfugiées dans la province de Sukkur au Pakistan le 28 octobre 2022.
 © Asim Hafeez
Des enfants se tiennent en rang avec leur seau pour le remplir d'eau dans un camp où les familles touchées par les inondations se sont réfugiées dans la province de Sukkur au Pakistan le 28 octobre 2022. © Asim Hafeez

« Nous vivons le long de la route à côté de notre village à Usta Muhammad depuis plus de deux mois maintenant. Les villages environnants sont tous inondés, explique Umer, déplacé par les inondations dans le district d'Usta Muhammad. Avec le début de l'hiver, il va falloir plusieurs mois pour que nos terres s'assèchent complètement et que nous puissions rentrer chez nous. Depuis l'arrivée des inondations, nous avons dû utiliser de l'eau contaminée pour notre consommation et l'usage domestique. »

Pour répondre à certains des besoins dans l’est du Balouchistan, les équipes MSF ont fourni plus de six millions de litres d'eau potable, contribuant à atténuer le risque de maladies d'origine hydrique dans la région. 

Les équipes de l’organisation interviennent actuellement dans trois provinces, le Balouchistan, le Sind et le Khyber Pakhtunkhwa. 10 équipes médicales mobiles travaillent au Balouchistan et au Sind, où elles voient un grand nombre de personnes atteintes de paludisme, de diarrhée, d'infections des voies respiratoires et un nombre inquiétant de personnes souffrant de malnutrition. Dans les trois provinces, MSF soutient  également l'accès à l'eau et son assainissement, ainsi que la distribution de colis de secours.

Le personnel MSF et des bénévoles organisent la distribution de kits d'articles non alimentaires, auprès des  personnes touchées par les inondations dans un village près de Sanghar, dans la province du Sind au Pakistan, le 16 novembre 2022.
 © Asim Hafeez for MSF
Le personnel MSF et des bénévoles organisent la distribution de kits d'articles non alimentaires, auprès des  personnes touchées par les inondations dans un village près de Sanghar, dans la province du Sind au Pakistan, le 16 novembre 2022. © Asim Hafeez for MSF

Depuis 2008, MSF apporte son soutien à l'hôpital DHQ de Dera Murad Jamali en collaboration avec le ministère de la Santé. Ces derniers mois, l’organisation a constaté une hausse du nombre de patients et a augmenté la capacité d'accueil de 49 à 69 lits. Depuis septembre, l’équipe a assisté 1 382 accouchements et admis 1 142 enfants au service d'hospitalisation pédiatrique.

Dans les zones du Balouchistan, du Khyber Pakhtunkhuwa et du Sind, 95 940 patients ont reçu des soins de santé généraux dans les cliniques mobiles de l’organisation. Les équipes d'urgence MSF ont fourni 465 millions de litres d'eau potable aux personnes touchées par les inondations dans les trois provinces où elles sont présentes.

Afin de fournir un soutien de base aux familles touchées, l’organisation a distribué plus de 44 800 kits de secours, comprenant des articles d'hygiène et de cuisine, des abris et 41 140 moustiquaires.

Beaucoup de gens ne veulent pas retourner dans leurs villages, car ils craignent qu'ils ne soient à nouveau inondés l'année prochaine. Les gens se sont plutôt installés dans de grands camps comme celui de la ville Karachi, dans le district de Keamari, dans le Sind. 

« Les structures de santé ont été détruites et les dégâts liés aux inondations rendent les déplacements plus difficiles. Nous sommes inquiets concernant l'accès aux soins de santé, en particulier pour les femmes enceintes, déclare Katrin Kisswani, coordinatrice des urgences MSF dans le sud du Sind. Les besoins que nous constatons dans nos projets nous amènent à croire que la situation est toujours très urgente, et nous planifions nos activités en conséquence. »

L'impact des inondations se fera sentir pendant encore longtemps. Il est d'une importance vitale d'avoir un soutien continu dans les régions touchées, pour relever les nombreux défis et répondre aux différents besoins du pays.

 

Notes

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