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L’Iran, terre d’écueil pour les Afghans

Des patients attendent à l'entrée d'un centre de santé MSF à Zahedan
Des patients attendent à l'entrée d'un centre de santé MSF à Zahedan © Siavash Maghsoudi / MSF - Zahedan - 2008

Installées en
Iran depuis plusieurs années, la majorité des populations
immigrées d’Afghanistan n’ont pas l’intention de retourner au pays. Elles
continuent de chercher refuge en Iran, qui, dans le même temps, organise des
retours forcés. Entretien avec
Jean-Guy Vataux, responsable du programme MSF en Iran, à son retour de Zahedan.

Peux-tu nous expliquer les raisons de notre présence à Zahedan ?
Aujourd’hui, l’Iran compte 900 000 réfugiés afghans enregistrés légalement sur son sol, et plus d’1,5 million d’Afghans illégaux, un chiffre impossible à vérifier.

La plupart d’entre eux sont arrivés au début des années 1980, pour fuir la guerre avec l’Union soviétique. Ils continuent d’affluer aujourd’hui pour des raisons essentiellement économiques, notamment la sécheresse qui affecte plusieurs provinces d’Afghanistan.

Dans ce contexte, nous avons mis en place en 2001 un programme à destination des populations afghanes, pour prodiguer des soins médicaux gratuits aux immigrants qui n’y ont pas accès, et fournir une aide matérielle nécessaire à l’installation des nouveaux arrivants.

Nous travaillons dans trois centres de santé des quartiers pauvres de Zahedan, capitale de la province du Sistan Baluchistan. Dans cette ville située à proximité des frontières avec le Pakistan et l’Afghanistan, un tiers des 600 000 habitants serait d’origine afghane.

Nous avons également mis en place un système de référence quand l’état des patients nécessite une hospitalisation ou le recours à un spécialiste. Enfin une équipe se déplace pour identifier les nouveaux arrivants, plus fragiles médicalement, socialement et économiquement.

Ces cinq derniers mois, près de 150 000 personnes, en majorité des hommes seuls, ont été renvoyés en Afghanistan. Nos équipes assistent à un véritable durcissement de la politique migratoire.
Jean-Guy Vataux
Comment fait l’Iran pour absorber cet afflux d’immigrés ?
Depuis quelques années, les autorités s’inquiètent du nombre important de migrants présents sur son territoire. Elles ont commencé par inciter les Afghans au retour volontaire, avant d’adopter une attitude plus volontariste de reconduite à la frontière.

Au cours de l’année 2007, plus de 350 000 Afghans illégaux ont ainsi été contraints au retour forcé dans leur pays, où la situation économique et sécuritaire reste inquiétante. Dans les cinq derniers mois, pas moins de 150 000 personnes, en majorité des hommes seuls, ont été renvoyés en Afghanistan.

Nos équipes assistent à un véritable durcissement de la politique migratoire. Zahedan, comme l’ensemble des régions qui jouxtent l’Afghanistan, a été décrété « No go area » par les autorités. Arguant de l’insécurité, de suspicions terroristes et de trafics en tout genre, l’Iran interdit à présent aux étrangers de résider dans cette partie du territoire.

Pour continuer à bénéficier de leur statut, les immigrés officiellement enregistrés doivent mettre à jour leur carte de séjour, et sont ensuite obligés de quitter les lieux pour s’installer dans d’autres régions du pays, alors que rien n’est prêt pour les y accueillir. Mais si le gouvernement leur permet officiellement d’obtenir ce renouvellement, il n’y consacre que très peu de moyens, et reste très discret sur le processus.

Pour demeurer à Zahedan ou dans ces provinces interdites, on peut donc redouter que de nombreux afghans déjà enregistrés n’aient d’autre choix que d’entrer dans l’illégalité, qui les expose aux rafles et aux retours forcés. Récemment, les autorités ont d’ailleurs annoncé une opération massive de reconduite à la frontière, tout en s’engageant à ne pas expulser les patients atteints de certaines maladies chroniques que nous prenons en charge.

D’autres acteurs sont-ils mobilisés pour venir en aide à ces populations ?On pourrait le supposer, d’autant qu’avec 900 000 immigrants légaux, l’Iran « absorbe » une grande partie de la totalité des Afghans réfugiés à l’étranger, sans parler des populations illégales, beaucoup plus nombreuses. Pourtant, les autorités iraniennes assument quasiment seules l’accueil des immigrants sur son territoire.

Alors que vingt milliards de dollars sont aujourd’hui promis à la reconstruction de l’Afghanistan par les bailleurs internationaux, l’aide aux immigrés afghans en Iran demeure infime.

Le budget opérationnel du Haut commissariat aux réfugiés n’excède pas 6 millions de dollars : quand l’Iran prétend dépenser 6 dollars par jour pour un réfugié afghan, le HCR dépense la même somme en un an, tout en se réjouissant des efforts pourtant dérisoires des ambassades mexicaine, sud-africaine, italienne ou encore norvégienne, sensibilisées au problème en organisant des concerts de charité ou des collectes de vêtements !

Le contraste est saisissant : tant d’argent pour reconstruire un pays d’un côté, si peu pour venir en aide à ses populations de l’autre… Quant aux autorités afghanes, elles se contentent de déplorer timidement le durcissement de la politique migratoire iranienne, faute de pouvoir faire face à ces retours massifs.

De fait, dans cet entrelacs d’enjeux économiques et politiques, rares sont ceux qui ont intérêt à mettre au jour le sort des immigrés afghans.

Notes

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