Législatives 2024 : Soigner sans aucune distinction

Législatives 2024 : Soigner sans aucune distinction
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Dans le cadre des élections législatives en France, les membres de Médecins Sans Frontières rappellent leur engagement pour le droit à la santé pour tous⸱tes et la protection de la santé de tous⸱tes, sans aucune distinction.

Nous, membres d’une association humanitaire médicale œuvrant en France, 

Nous n’accepterons pas 
 
les atteintes au droit fondamental à la santé,
les entraves à l’accès aux soins,
le tri des patient⸱es,
la suppression de l’aide médicale d’État,
les politiques xénophobes et discriminatoires,
la fin de l’accueil des mineurs non accompagnés,
la précarisation des personnes étrangères,
la dégradation de l’état de santé des plus vulnérables,
la criminalisation des personnes sans domicile fixe,
la criminalisation des associations d’aide aux exilé⸱es,
les refoulements en mer et aux frontières,
plus de morts en Méditerranée et dans la Manche.
 
Nous n’accepterons pas d’être instrumentalisé⸱es, de nous mettre au service d’une médecine du tri et de politiques d’exclusion.
 
Après le 7 juillet, fidèles au principe d’humanité qui guide notre action, nous continuerons à soigner toutes les personnes qui en ont besoin, sans aucune distinction.

Défendre l’aide médicale d’État

L’Aide Médicale d’Etat (AME) est la couverture maladie des personnes étrangères sans papier en France. Elle représente moins de 0,5% du budget total de la sécurité sociale. Pour ses détracteurs, l’AME serait trop coûteuse et créerait un appel d’air migratoire. 

L’AME est avant tout un outil de santé publique. Elle constitue une ultime protection pour des personnes souvent précarisées et marginalisées qui sont, à ce titre, plus exposées que la population générale : la vie à la rue, les violences, les difficultés d’accès à l’eau et à une alimentation saine et régulière. Ces conditions de vie extrêmement dégradées sur le territoire français augmentent les risques de maladies chroniques et infectieuses, ainsi que de troubles psychologiques. 

Les conditions d’accès à l’AME sont très restrictives. Plus de la moitié des personnes qui pourraient en bénéficier n’y ont en réalité pas accès. Elle ne couvre que partiellement de nombreux soins de santé et ne s’applique pas à la prévention ni au dépistage. 

MSF s’oppose à la suppression de l’aide médicale d’État qui risque d’augmenter les retards de diagnostics et de soins, et d’entraîner des soins en urgence dans le cadre d’un système de santé déjà saturé. Les conditions d’accès à l’AME doivent au contraire être facilitées et sa couverture doit être étendue. 

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Protéger et accompagner les mineurs non accompagnés

Selon la loi française et la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), dont la France est signataire, les personnes se déclarant mineures et isolées doivent être considérées comme des enfants en danger et protégées comme telles. Ils doivent ainsi bénéficier d’un hébergement adapté à leur vulnérabilité ainsi que d’un accompagnement éducatif, sanitaire et social, et ce quelle que soit leur nationalité. 

Pourtant, depuis des années, de nombreux mineurs se retrouvent privés de protection et n’ont d’autre alternative que de vivre dans la rue, exposés aux violences et à la précarité. En 2023, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a pointé du doigt les manquements de la France en la matière et l’a rappelée à ses obligations. 

Depuis 2017, MSF apporte une aide médicale, psychologique, juridique et sociale aux mineurs non accompagnés (MNA) en Île-de-France, à Marseille et à Calais. Nos équipes sont témoins de leur exclusion, de la négligence, des violences et des traumatismes qu’ils subissent. En 2019, nos psychologues et ceux du Comede ont alerté sur les conséquences de l’exil et de la politique de non-accueil de la France sur la santé mentale d’un nombre important de mineurs non accompagnés qui ne sont pas pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. En plus de majorer les pathologies psychiques préexistantes, les conditions de vie précaires des MNA favorisent l'apparition de nouveaux troubles. 

MSF appelle les autorités françaises à garantir aux mineurs non accompagnés l’accès immédiat et inconditionnel à une protection au titre de l’aide sociale à l’enfance et le respect du droit universel à la santé. MSF appelle la France à respecter le principe de présomption de minorité et d’intérêt supérieur de l’enfant jusqu’à ce qu’une décision judiciaire ait lieu. MSF demande également à modifier les conditions d’accueil et d’insertion des MNA en recours, dans l’objectif de mettre fin à la maltraitance institutionnelle dont ils font l’objet.

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Mettre fin à l’externalisation des frontières

Depuis une vingtaine d’années, l’Union européenne applique une politique dite d’externalisation de ses frontières, confiant une partie du contrôle des flux migratoires à des pays tiers, via des soutiens financiers ou matériels, une assistance policière et militaire. L’objectif est d’empêcher un nombre important de personnes d’accéder aux frontières des pays du continent européen pour y déposer leur demande d’asile.

Loin de freiner les départs vers l’Europe, elle force les personnes à emprunter des itinéraires plus longs et plus dangereux. Elles entraînent des conséquences sanitaires et humanitaires désastreuses, que nous constatons sur nos projets d’aide aux personnes exilées, tout au long de leur parcours. 

En Libye, les garde-côtes sont par exemple soutenus logistiquement et financièrement par l’Union européenne, à la suite d’un accord signé en 2017. Ils sont chargés d’intercepter en mer les personnes qui tentent la traversée de la Méditerranée et de les ramener de force sur le territoire libyen, où ils sont emprisonnés dans des centres de détention. En avril 2023, les Nations Unies ont publié un rapport mettant en lumière des actes qualifiés de « crimes contre l’humanité » en Libye, et plus spécifiquement dans ces centres de détention.

MSF demande la fin de l'externalisation des frontières : elle a permis aux États européens, dont la France, de se soustraire à leurs responsabilités et elle a favorisé l'aggravation de la violence et des abus sur la route migratoire ainsi que dans des pays aux frontières de l’Europe. Nous appelons à la mise en place d'un accueil digne et de services de santé accessibles et adaptés aux personnes exilées en Europe.

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Ouvrir des voies d’accès sûres et légales vers l’Europe

En 2023, plus de 2 500 personnes sont mortes ou ont été portées disparues alors qu'elles tentaient de traverser la Méditerranée en bateau : il s’agit du bilan le plus meurtrier depuis 2017. 

À travers nos opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée, nos équipes continuent d'être les témoins directs de l'impact des pratiques frontalières violentes et de l'inaction délibérée des États européens, dont la France, en Méditerranée centrale. Malgré de nouvelles politiques et pratiques mises en œuvre pour créer des obstacles supplémentaires aux activités humanitaires de sauvetage en mer, notre équipe continue de soigner les survivants secourus en mer à bord du Geo Barents. Ils souffrent d’hypothermie, de déshydratation, de brûlures en raison de l’exposition prolongée au carburant des bateaux et de blessures liées aux conditions terribles des centres de détention en Libye. De nombreuses personnes rapportent avoir subi des niveaux extrêmes de violence, dans leur pays d'origine et/ou dans les pays par lesquels ils sont passés. 

MSF demande l’ouverture de voies d’accès sûres et légales vers l’Europe, y compris des corridors humanitaires d’urgence depuis les pays où la protection de personnes exilées est impossible comme en Libye. MSF demande également l’augmentation des créneaux de réinstallation des réfugiés via le mécanisme du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que d'autres voies de protection complémentaires, notamment le regroupement familial ainsi que les visas de travail et d’étude.

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