Près de 4.000 enfants malades du sida sont traités par trithérapie antirétrovirale (ARV) dans les programmes MSF. Une petite frange de l'ensemble des malades pris en charge par MSF - 100.000 persones dont 60.000 bénéficient d'une trithérapie dans 65 programmes répartis dans 32 pays* - pour laquelle le traitement est plus difficile que celui des adultes par manque de formulations pédiatriques adaptées et de diagnostic pour les tout-petits.
On estime à 2.3 millions le nombre d'enfants vivant avec le VIH/sida, dont la plus grande majorité en Afrique sub-saharienne. Sur dix enfants nouvellement infectés, neuf l'ont été par transmission de la mère à l'enfant, car il existe peu de programmes de prévention et de traitement. Sur ces 2,3 millions d'enfants, 660.000 enfants sont en danger de mort. Mais seulement 5% d'entre eux reçoivent des ARV. Sans traitement, la moitié des enfants séropositifs vont mourir avant leur deuxième anniversaire.
A Toronto, lors du XVIe Congrès international sur le sida, MSF a présenté des données cliniques sur ses programmes de prise en charge des enfants (analyse portant sur 3.754 enfants de moins de 13 ans dans 14 pays) qui montrent de très bons résultats : après 24 mois de traitement, 80% d'entre eux étaient en vie et poursuivaient la thérapie, avec peu d'effets secondaires. Les données révèlent également des augmentations significatives de leur numérotation en CD4** et de leur poids. Mais elles montrent aussi que, faute de formulations pédiatriques adaptées, la plupart des enfants reçoivent des médicaments conçus pour les adultes, fractionnés et réduits en poudre pour pouvoir être ingérés. Pour ceux pesant moins de 10 kg, cette solution reste impossible, le seul recours étant d'utiliser des sirops, très difficiles à doser, d'un goût amer, qui nécessitent souvent d'être réfrigérés, et d'un prix très élevé. Comme la majorité des enfants infectés vivent dans des pays pauvres, la plupart des entreprises pharmaceutiques investissent très peu dans les formules pédiatriques.
« Nous savons qu'il est possible de traiter les enfants, explique le Dr. Moses Masaquoi, de MSF au Malawi. Mais, avec de moyens plus adaptés, nous pourrions en soigner beaucoup plus. De plus, nous constatons que le nombre d'enfants nés séropositifs est en constante augmentation en Afrique, parce que les mères n'ont pas accès aux soins prénataux. Nous perdons ainsi la trace des nouveaux-nés dont les mères sont séropositives. » C'est la raison pour laquelle les moins de un an ne représente que 2% des enfants sous ARV dans les projets de MSF.
Dépister les enfants reste aussi un défi majeur. Il n'existe pas de diagnostic simple permettant de confirmer la séropositivité des enfants de moins de 18 mois. A cause de la présence d'anti-corps de la mère dans le sang de l'enfant, l'interprétation d'un test sérologique est impossible. Disposer d'un diagnostic simple pour les moins de 18 mois reste indispensable.
MSF a également présenté des données sur les prix des médicaments. Elles montrent que les laboratoires demandent des prix largement majorés pour les ARV pédiatriques dans les pays pauvres. Cela n'est pas justifié par la quantité de principes actifs, les composants qui influent le plus sur le coût de fabrication et sur le prix final et qui représentent un peu plus de la moitié du coût de fabrication d'un médicament. Ainsi, la dose de zidovudine nécessaire pour traiter un adulte coûte 175 dollars par an. La quantité de principes actifs dans une dose pour adulte est trois fois plus élevée que dans une dose de sirop de zidovudine pour les enfants de moins de 10 kg. Logiquement, ce sirop devrait coûter 40 dollars. Il est en fait vendu 215 dollars, soit 5 fois plus cher.
* Afrique du Sud, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Chine, Côte d'Ivoire, Congo-Brazzaville, République Démocratique du Congo, Équateur, Éthiopie, Guatemala, Guinée , Inde, Kenya, Laos, Lesotho, Liberia, Malawi, Mozambique, Myanmar, Nigeria, Ouganda, Pérou, Rwanda, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Thaïlande, Zambie et Zimbabwe.
** le taux de CD4 mesure le degré d'immunodépression et donc la faculté, pour le patient, de lutter contre les maladies opportunistes