Les fausses accusations de Pfizer

En 1996 dans le Nord Nigéria MSF tente de faire face à l'épidémie de méningite lance une campagne de vaccination et prend en charge les cas.
En 1996, dans le Nord Nigéria, MSF tente de faire face à l'épidémie de méningite, lance une campagne de vaccination et prend en charge les cas. © Remco Bohle

En 1996, la compagnie pharmaceutique Pfizer menait des essais cliniques contraires à l'éthique médicale en pleine épidémie de méningite au Nigéria. De fausses accusations formulées par Pfizer circulent actuellement sur l'implication potentielle de MSF.

Parmi les documents diplomatiques américains publiés par le site internet wikileaks, certains concernent une réunion s'étant tenue en avril 2009 entre un représentant de la compagnie pharmaceutique Pfizer et des fonctionnaires de l'ambassade américaine au Nigéria.

Au moment de cette rencontre, Pfizer était en pleine bataille juridique avec le gouvernement nigérian à propos d'un essai clinique contraire à l'éthique médicale et mené sur des enfants. Ce test a eu lieu dans l'Etat de Kano lors d'une importante épidémie de méningite en 1996.

A l'époque, Pfizer avait testé la trovafloxacine, un antibiotique commercialisé sous le nom de Trovan, alors même que les preuves médicales de son efficacité contre la méningite n'avaient pas été réunies. Les chercheurs de Pfizer s'étaient implantés à l'hôpital de Kano, où MSF intervenait contre la méningite en utilisant un autre traitement antibiotique officiellement reconnu et approuvé.

Le 30 juillet 2009, les deux parties parvenaient à un accord au terme duquel Pfizer s'engageait à verser 75 millions de dollars à l'Etat de Kano. D'autres procédures sont toujours en cours devant les tribunaux américains et le gouvernement fédéral nigérian continue d'engager des poursuites judiciaires contre Pfizer.

C'est dans ce contexte que Pfizer a faussement accusé MSF dans des documents diplomatiques américains d'avoir utilisé du Trovan. MSF n'en a jamais administré à ses patients. Les investigations menées par la suite sur ce dossier ont démontré que Pfizer, tentant de réécrire les faits, cherchait à se disculper.

A l'hôpital de l'Etat de Kano, les équipes médicales de MSF ne travaillaient pas au même endroit que les chercheurs de Pfizer, et n'avaient aucun lien avec eux. Lorsqu'elles ont découvert les activités du laboratoire, elles ont été consternées et ont exprimé leurs préoccupations à Pfizer et aux autorités locales.

« Ce n'était pas le moment de mener un essai clinique », se souvient le Dr Jean-Hervé Bradol, président de la section française de MSF à l'époque. « Les équipes de l'hôpital étaient prises de panique, submergées par des patients dont l'état de santé était critique. Elles ont été choquées que Pfizer puisse tranquillement poursuivre son soi-disant ‘travail scientifique' au milieu de ce chaos. »

Jusqu'alors, Pfizer n'a ni démenti ces propos ni retiré ces allégations sans fondements à l'encontre de MSF. Un certain nombre de sites internet ont repris in extenso la version des faits proposés par les représentants de Pfizer.

Alors que les traitements efficaces existaient, Pfizer a choisi de mener des tests avec un médicament dont l'efficacité n'avait pas été prouvée. « La gravité de la situation requérait l'utilisation d'un protocole de traitement connu et efficace, plutôt que de mener des essais cliniques avec un nouvel antibiotique aux résultats incertains », conclut le Dr Jean-Hervé Bradol.

 

Notes

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