Alors que certains dirigeants européens estiment que le problème de la route des Balkans a été réglé depuis que les frontières ont été fermées, la situation humanitaire dans les Balkans reste tout aussi dramatique. Aujourd’hui, des centaines de personnes vulnérables sont toujours bloquées en Serbie, en ARYM et en Bulgarie. Certains tentent de rejoindre leurs pays de destination via des routes dangereuses et recourent aux services de passeurs malhonnêtes, tandis que d’autres sont coincés dans des zones de transit à la frontière serbo-hongroise.
En Serbie, les équipes de MSF ont observé une dégradation de la situation humanitaire et médicale directement liée aux restrictions de passage aux frontières qui visent des milliers de migrants et de demandeurs d’asile.
« Ces derniers mois, un nombre croissant de patients nous ont fait part de violences et d’abus, et présentaient des traumatismes physiques directement liés à ces violences. Il s’agissait pour la plupart de violences prétendument commises par les autorités hongroises, explique Simon Burroughs, chef de mission de MSF en Serbie. Nous condamnons fermement ces recours à une force excessive et appelons les autorités hongroises à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ces pratiques. »
Ces derniers mois, les migrants passant par la Hongrie ont vu leurs possibilités d’asile dans l’Union Européenne fortement réduites. En juillet, cette diminution drastique a atteint un nouveau record avec l’introduction d’une mesure étendant les contrôles aux frontières à un périmètre de huit kilomètres dans les terres hongroises, et permettant de renvoyer les migrants en Serbie. Des dizaines de familles se sont retrouvées bloquées, forcées de choisir entre attendre dans des conditions désastreuses que leur cas soit validé ou s’exposer à davantage de violences et d’abus en recourant aux services de passeurs.
Sur 510 consultations de soutien psychologique depuis avril, les équipes de MSF ont pris en charge 188 survivants d’événements traumatiques tels que des maltraitances physiques et des actes de torture, des incarcérations, des enlèvements, ou encore des violences sexuelles commis par des passeurs, la police ou des membres de leur communauté. Depuis mars, le nombre de consultations proposées par MSF pour de tels traumatismes a plus que doublé, avec en moyenne un cas sur dix entre avril et juin.
La situation s’est fortement dégradée par rapport au début de l’année, lorsque les restrictions aux frontières n’entravaient pas à ce point la traversée des Balkans.
Parmi les personnes prises en charge par nos équipes (dont des femmes et des enfants), 65% ont déclaré avoir subi des violences physiques de la part d’individus en uniforme sur le territoire hongrois et 35% ont dit avoir été maltraitées par des voleurs, des passeurs ou d’autres migrants.
« Nous sommes extrêmement inquiets des nouvelles mesures adoptées par les autorités hongroises. Celles-ci risquent de mener à un regain de violences envers les migrants, qui sont de plus en plus traités comme des criminels », a ajouté Simon Burroughs.
Ces restrictions ont également créé une situation très préoccupante dans les zones de transit, à la frontière serbo-hongroise, où MSF gère différentes cliniques mobiles proposant des soins médicaux, un soutien psychologique et un accès aux installations sanitaires de base.
« Les conditions de vie ne sont pas humaines ici. Les familles vivent dans des tentes totalement inappropriées, sans douche, sans accès à l’eau potable ni aux services les plus basiques, explique Simon Burroughs. Cela fait des mois que nous appelons les autorités serbes à améliorer ces conditions déplorables, mais peu de choses changent : les gens sont désespérés. Cette situation a un impact direct sur leur santé physique et mentale. »
« Nos équipes constatent une augmentation constante du nombre de pathologies reflétant l’impact psychologique des mesures restrictives aux frontières ; beaucoup de patients souffrent de dépression, de stress post-traumatique ou d’anxiété. »
La proportion de patients de MSF souffrant de dépression est passée à près d’un sur trois (31,2%) après le mois de mars, alors qu’elle était de 26,7% en octobre 2015. Le pourcentage de personnes souffrant de stress post-traumatique a également augmenté durant cette période, passant de 14 à 15,9%, tout comme celui des patients souffrant d’anxiété, passant lui de 3,8 à 6,6%. Ces augmentations coïncident avec l’introduction en mars de mesures restrictives à la frontière.
MSF continue également de soigner un nombre croissant de pathologies directement liées aux conditions de vie des patients. Plus de la moitié des consultations de nos équipes concernent des toux et des rhumes (infections des voies respiratoires supérieures), des troubles gastriques (maladies gastro-intestinales) et des problèmes cutanés.
Les mesures européennes ont jugulé le flot de demandeurs d’asile dans les Balkans, mais des milliers de personnes sont abandonnées, loin des regards, et se retrouvent bien plus exposées aux violences, à l’indigence et au désespoir. Non seulement les gouvernements européens et balkaniques occidentaux manquent à leur devoir d’assistance auprès de milliers de migrants, mais ils militent également en faveur de politiques néfastes au bien-être de personnes déjà très vulnérables.
« Une fois encore, nous appelons les dirigeants européens à proposer des solutions sûres et légales aux migrants en quête de protection », conclut Simon Burroughs. Les mesures restrictives mises en place à la frontière serbo-hongroise doivent être révisées et les conditions de ces personnes en transit améliorées. »