Nous quittons la ville de Fort Dauphin, situé sur la côte pacifique au sud-est de l’île dès l’aube. Douze heures de pistes chaotiques nous attendent pour nous rendre à Bekily, une ville d’environ 14 000 habitants, située dans la région extrêmement enclavée de l’Androy, au plein sud de l’île.
L’Androy, littéralement « le pays des épines » porte bien son nom. Ici, rien ne semble pouvoir résister à la chaleur écrasante de ce désert de terre et de rocailles hormis les « raketa », les cactus, ou encore les aloès et les baobabs nains. Loin de tout, les populations isolées dans les villages ont un accès aux soins très limité. L’offre de soin dans la région est la plus faible du pays.
Depuis le début de la collaboration de Médecins Sans Frontières avec les services de santé du district de Bekily, en mai 2011, MSF soutient l’hôpital de la ville d’une capacité de 20 lits. Ici, les équipes prennent en charge les urgences, et gèrent les services de médecine, maternité et pédiatrie.
L’une des principales problématiques rencontrées par les équipes est l’état de santé très dégradé dans lequel arrivent les patients à l’hôpital. Souvent ils viennent en tout dernier recours après avoir consulté un, voire plusieurs thérapeutes traditionnels. A l’image de cette jeune patiente hospitalisée depuis plusieurs jours. « Cette patiente est un bon exemple de ce qui se passe ici à Madagascar, explique Naïna, médecin MSF. Elle a vu quelqu’un de non médical, pas un professionnel, qui a fait des soins, donné des traitements, faits des injections intramusculaire durant une ou deux semaines et après elle a eu un abcès à cause des injections qui n’étaient pas propres ». Encore très faible, cette patiente ne pourra sortir que lorsqu’elle s’alimentera correctement et reprendra du poids et des forces.
L'hôpital ne disposant ni de bloc opératoire ni d'ambulance, un maximum de patients doivent pouvoir être traités au mieux sur place. D’autant que les hôpitaux d'Ejeda et d'Isoanala, vers lesquels on réfère uniquement les urgences chirurgicales, sont respectivement à 4h30 et 2h30 de piste...
Un retard d'accès aux soins
70 patients sont hospitalisés en moyenne chaque mois dont la moitié pour des accouchements. L’un des objectifs du projet est d’améliorer l’offre de soins des femmes enceintes par la détection et la prise en charge des grossesses à risque et des accouchements compliqués. Ce qui est souvent le cas, car la problématique est la même que pour les soins.
« Ces derniers temps, nous avons eu beaucoup de grossesses à problèmes. On a eu beaucoup de cas de mamans dont le travail était très difficile et bien souvent il a fallu avoir recours à une césarienne », explique Barbara, sage-femme. « Or, nous ne pouvons faire de césarienne sur place. Il nous faut les référer vers un hôpital avec un bloc chirurgical, à plusieurs heures de pistes. »
Le recours aux pratiques traditionnelles entraîne un retard de soins, bien souvent les mamans arrivent trop tard à l’hôpital et les décès in utero ou à la naissance sont malheureusement assez fréquents. Souvent les mères mettent aussi leur vie en danger : les surinfections, les hémorragies de la délivrance, mais également les fistules sont des pathologies souvent rencontrées.
A ces difficultés s’ajoutent les distances à parcourir pour arriver au centre de santé ou à l’hôpital.
« On a eu le cas hier d’une patiente venue en charrette à zébus. Elle est arrivée hier à 19h après avoir fait 7 ou 8 heures de route », ajoute Barbara.
La présence de MSF dans le district depuis quelques mois ainsi que le travail fourni avec les équipes du ministère de la Santé semblent porter petit à petit ses fruits. Des femmes viennent plus tôt pour accoucher à l’hôpital et n’attendent plus le dernier moment ou que des complications surviennent pour venir se faire soigner.